La critique de : Gangs of Wasseypur, part 2 (★★★★★) #FFAST2016

vendredi 4 novembre 2016
critique film ffast festival paris Gangs of Wasseypur La seconde partie de Gangs of Wasseypur est particulièrement sanguinolente mais aussi encore plus drôle et pêchue que la première, portée cette fois par l'exceptionnel Nawazuddin Siddiqui.

La force de cette séquelle, c'est qu'elle ne vient pas répéter la première mais possède un caractère assez puissant pour se dissocier de son prédécesseur.



Pourtant, passer derrière le grand Manoj Bajpayee est un sacré défi ! L'acteur m'avait tellement marqué dans le premier volet que je craignais que Gangs of Wasseypur – Part 2 perde de son souffle en son absence. Manoj campait effectivement un gangster charismatique qui suscitait la crainte et l'effroi tant il était impressionnant. C'est en cela que réside l'intérêt du deuxième film : la mise en valeur d'un chef de clan radicalement différent, mais toutefois totalement jouissif. Nawazuddin Siddiqui est aussi crédible qu'hilarant dans la peau de Faizal Khan, fils de Sardar Khan accro' à la marijuana qui s'impose en gangster bancal et délirant. L'acteur propose son style dans ce personnage aussi tordant qu'épouvantable. Car Faizal est un grand romantique autant qu'un tueur légèrement sadique. Loin des brutes épaisses bodybuildées, Nawazuddin laisse son talent parler pour lui et n'a nullement besoin de se constituer un physique de Musclor pour nous faire adhérer à son jeu. Faizal est gauche, quelque peu naïf et intimement sentimental. Un portrait qui humanise ce truand et qui nous le rend terriblement attachant.

Huma Qureshi est Mohsina Hamid, l'épouse de Faizal. Ils sont amoureux et fidèles l'un à l'autre, là où le mariage était jusque-là illustré dans Gangs of Wasseypur de manière plutôt apocalyptique à travers Sardar Khan, ses nombreuses infidélités et son double-ménage. La relation entre Mohsina et Faizal fait presque office de moment d'évasion dans cet environnement brutal et noir. Ils se soutiennent, se susurrent des ballades et dépendent affectivement l'un de l'autre. Ils sont l'incarnation de l'amour romantique comme le cinéma hindi aime l'illustrer.

D'ailleurs, Gangs of Wasseypur titube entre l'hommage et la pastiche au cinéma populaire de Bollywood. Ramadhir Singh, l'ennemi juré de Sardar Khan déclarait dans l'œuvre : « Je m'en suis sorti parce que je ne regarde pas de films. Chaque merdeux joue son propre film dans sa tête. Chaque merdeux essaye de devenir le héros de ce film imaginaire. Tant qu'il y aura des putains de films dans ce pays, les gens se feront avoir. » Les références aux métrages hindi sont perpétuelles, de Maine Pyar Kiya à Dil To Pagal Hai, en passant par Munna Bhai M.B.B.S..

Chacun des membres de la famille Khan s'identifie à un acteur (Definite Khan à Salman Khan, Perpendicular Khan à Sanjay Dutt...), ce qui les mène souvent à leur perte. Anurag Kashyap est un amoureux du cinéma indien commercial et son œuvre enchaîne les clins d'œil subtils sans jamais submerger sa narration ou passer à côté de sa trame d'origine.

Zeishan Quadri, qui a écrit le script de Gangs of Wasseypur, campe aussi Definite Khan, le fils de Sardar Khan issue de son union avec sa seconde épouse Durga. Le comédien tient un rôle majeur dans cette seconde partie tant on ne parvient pas à déterminer s'il est un soutien ou un ennemi de ses demi-frères. Rajkummar Rao est quant à lui Shamshad Azad, un homme ambitieux qui n'hésite pas à en passer par la trahison pour arriver à ses fins. Richa Chadda est très juste en mère inflexible qui amène ses fils à devenir encore plus violents que leur paternel.

Gangs of Wasseypur est à la base une histoire de vengeance, qui mue en quête d'argent et de pouvoir. C'est à se demander quel est le véritable enjeu du film : mener à bien une revanche contre le passé ou devenir le plus puissant ?

Ce manque de clarté nous donne justement d'autant plus envie de suivre les aventures de ces êtres qui se détruisent les uns les autres pour un peu de fric et d'influence. L'œuvre joue habilement sur les failles de l'espèce humaine : éternellement insatisfaite, inévitablement cupide mais aussi profondément naïve.

J'ai adoré le second Gangs of Wasseypur tout autant que sa première partie tant les deux oeuvres sont complémentaires. Le Festival du Film d'Asie du Sud a mis en valeur ce diptyque et ainsi le talent de son réalisateur Anurag Kashyap. Merci à eux de laisser leur chance à des métrages tels que celui-ci, loin de se conformer aux doucereux films de Bollywood sans pour autant s'y opposer complètement.
LA NOTE: 5/5
★★★★★
mots par
Asmae Benmansour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."