La critique de : L'Extraordinaire Voyage du fakir (★★★☆☆)

mardi 5 juin 2018
critique film cinema l'extraordinaire voyage du fakir Je suis allée voir L’Extraordinaire Voyage du Fakir le jour de sa sortie, le 30 mai dernier. Impossible pour moi de manquer le premier projet international de Dhanush, l’un de mes acteurs préférés et, qui plus est, l’un des comédiens tamouls les plus fascinants de ces 20 dernières années.

J’avais lu le roman de Romain Puertolas (L'Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea) bien avant que le projet d’adaptation cinématographique ne soit annoncé. J’avais pris un plaisir monumental durant cette lecture rythmée, romantique et pétillante. Lorsque le film a été lancé, Dhanush était déjà prévu au casting dans le rôle principal. A ses côtés, on citait Uma Thurman et Laurent Lafitte. La réalisatrice iranienne Marjane Satrapi devait diriger le métrage. J’ignore ce qu’il s’est passé entre temps, mais la distribution a subi de gros changements. Uma Thurman a cédé la place à Bérénice Béjo et Laurent Lafitte a disparu sans que je n’arrive même à identifier le rôle qu’il devait tenir à l’origine. Marjane s’est également retirée pour relayer la casquette de réalisateur à Ken Scott.

Qu’à cela ne tienne, le projet me fait toujours autant envie et il me tarde de le découvrir. Première désillusion : aucune séance en version originale sous-titrée n’est prévue dans ma région. Dans tous les Hauts-de-France, L’Extraordinaire Voyage du Fakir ne sera proposé qu’en version doublée… Mon Dieu, c’est qu’on va me dénaturer le jeu de mon petit Dhanush !

Mais il en faut plus pour m’ébranler !

C’est donc avec un énorme enthousiasme que je m’apprête à découvrir cette œuvre… Dès les premières minutes, je souris bêtement tant je suis ravie d’être là. Et quand Dhanush fait sa première apparition à l’écran, je ne peux contenir ma fierté. Je pensais qu’avoir dévoré le livre serait un avantage. Il faut dire que je m’amuse régulièrement à comparer les ouvrages à leurs adaptations sur grand écran. Mais là, c’est devenu un problème…

Il est clair que généralement, un livre sera plus riche que sa version filmée. On ne peut pas tout mettre sur une bobine de deux heures.Le cinéaste et son équipe doivent faire des choix et se fendre parfois de quelques raccourcis périlleux…

Mais dans le meilleur des cas, l’âme de l’ouvrage demeure. C’était le cas avec Slumdog Millionnaire, qui avait très librement adapté le livre de Vikas Swarup (Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire). Ce qui pose souci avec L’Extraordinaire Voyage du Fakir, c’est son rythme. On ne retrouve pas cette cadence qui nous emporte dans le livre. Le film de Ken Scott est plus molle, moins enjoué. La réalisation manque de relief et de fantaisie, là où le roman n’en manque pas. La narration ouvre certaines parenthèses qu’il ne ferme jamais et semble n’avoir exploité l’histoire de base que de manière superficielle. Ça manque de l’engagement et de la vivacité du bouquin de Romain Puertolas (dont je suis secrètement amoureuse, au passage, mais chut !).

Et c’est dommage. Parce que le casting est irréprochable.

C’est d’ailleurs la grande force du film. Si Gérard Jugnot et Erin Moriarty sont très justes dans des rôles très limités, Bérénice Béjo est délicieuse dans un rôle enlevé de starlette qui lui va comme un gant. La jeune femme est solaire dans un registre qu’elle devrait exploiter davantage : la comédie. Barkhad Abdi est bouleversant dans le rôle de l’ami somalien du fakir, et j’aurais tant aimé que son rôle soit davantage exploité. Et bien sûr, Dhanush. Ah, Dhanush…

Je le savais ! Je savais qu’il était capable de me rendre un film moyen très agréable.

Je savais qu’il avait le talent pour porter un film de cette envergure sur ses épaules. Si L’Extraordinaire Voyage du Fakir déçoit à bien des niveaux, il reste une très belle expérience grâce à son acteur principal. Si vous n’avez vu aucun de ses films, Dhanush sera votre révélation. Délicat, sensible et généreux, Dhanush passerait volontiers pour une version indienne de Charlie Chaplin, tantôt clownesque, tantôt poignant. Son regard, expressif et envoûtant, fait d’ailleurs une bonne partie du travail.

J’ai pleuré pendant le film. Si vous avez l’habitude de me lire, vous direz probablement que ce n’est pas une surprise. Alors oui, je suis une madeleine ! Est-ce mal d’être différent ? Mais plus sérieusement, la poésie de ce fakir et de son périple m’ont touchée. C’est Dhanush qui nous rend cette histoire intéressante. Il insuffle une humanité profonde au fakir, auquel on s’attache irrémédiablement. J’ai regretté certaines modifications par rapport au roman, et j’en ai trouvé d’autres assez pertinentes. Au sortir du visionnage, je croyais vraiment avoir pâti de mon engouement pour le livre. J’ai donc demandé à Elodie et Sanaa (rédactrice chez @bollyfrance) de ne me donner leur avis dans la mesure où elles n’avaient pas lu le roman. Et elles ont partagé ce même sentiment d’inachevé que moi.

Pourtant, j’ai déjà envie de le revoir. En version originale, cette fois.

Car le jeu de Dhanush est parvenu à transcender le doublage, ce qui est une sacrée prouesse. J’ai envie de me laisser porter davantage par ce fakir des plus attendrissants.

Alors, une déception ? Absolument. Un ratage complet ? Pas à ce point-là.
LA NOTE: 3/5
★★★☆☆
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."