La critique de : Sui Dhaaga (★★★☆☆)

lundi 1 octobre 2018
critique film cinema sui dhaaga Ne nous enflammons pas, il m’attend en 2019 avec le potentiel navet ABCD3. Mais pour cette année, on va dire que je lui ai pardonné. Je suis effectivement allée découvrir son dernier métrage, Sui Dhaaga, le jour de sa sortie. Au passage, encore merci à Aanna Films de nous donner l’opportunité de découvrir des films indiens chez nous.

J’avais envie de voir Sui Dhaaga. La thématique ne m’enchantait pas des masses, clairement. Mais le casting était prometteur. Surtout, j’avais tellement aimé le premier film du réalisateur Sharat Katariya (Dum Laga Ke Haisha, avec Ayushmann Khurrana et Bhumi Pednekar) que j’avais de l’espoir. C’est alors confiante que j’ai franchi la porte de la salle de cinéma, résolue à passer un bon moment.

Mauji (Varun Dhawan) est perpétuellement diminué par son patron. Il vit avec ses parents et son épouse Mamta (Anushka Sharma) dans un tout petit logement qui ne laisse aucune intimité au couple. Le fait est qu’ils n’ont toujours pas consommé leur union alors qu’ils sont mariés depuis plusieurs années ! Lorsque Mamta constate le traitement dégradant dont fait l’objet son mari, elle le pousse à quitter son emploi et à démarrer sa propre affaire de couture…

Est-ce que j’ai aimé Sui Dhaaga ? Oui. Est-ce que j’ai adoré Sui Dhaaga ? Faut pas pousser.

Anushka Sharma est ni plus ni moins qu’une erreur de casting. Elle n’est pas à sa place. Pourtant, depuis ses débuts, je défends bec et ongles sa polyvalence, avec la conviction que cette jeune femme peut tout interpréter… Mea culpa, je me suis plantée. Le rôle de Mamta n’était tout simplement pas fait pour elle. L’actrice donne l’impression de ne pas savoir quoi faire de ce rôle et joue maladroitement (presque mécaniquement avec des expressions faciales qui m’ont filée des crampes d’estomac) sans réellement donner vie au personnage pourtant intéressant de Mamta. C’est d’autant plus navrant que, par la force des choses, il n’existe aucune complicité entre Anushka et son partenaire. Au début du film, cela prend sens puisque le couple ne partage rien ensemble. Mais on ne voit pas vraiment la relation de ces époux évoluer. Et c’est clairement dommage. J’aurais bien aimé revoir Bhumi Pednekar (qui a déjà travaillé avec le cinéaste) dans ce projet et je suis persuadée qu’elle aurait incarné Mamta avec beaucoup plus de justesse.

De son côté, Varun Dhawan est formidable.

Non, il n’est pas juste bon. Il est prodigieux. Il joue avec cette amplitude et cette générosité qui me touchent. Il n’existe aucune réserve dans son jeu. Il délivre toute son énergie et tout son cœur dans chacun de ses films, même les plus calamiteux. Avec Sui Dhaaga, il part dans un univers complètement singulier, si loin de ses personnages de beau gosse creux. Varun joue un homme normal, dont on se fiche clairement de l’allure puisque ce qui importe ici, c’est l’histoire qu’il a à nous raconter. Vous le savez si vous allez lu nombre de mes écrits, j’étais en rogne contre Varun ! J’avais l’impression qu’il se foutait un peu de ma tronche de spectatrice en choisissant des films qui ne représentaient pour lui aucune prise de risque. Première claque cette année avec l’atypique October, avec lequel il tourne le dos (le temps d’un film) au cinéma grand public pour nous proposer une œuvre intellectuelle et mystérieuse. On vous invite d'ailleurs à retrouver la critique de ce film dans notre prochain numéro du e-magazine Bolly&Co, à paraître le 20 octobre... Avec Sui Dhaaga, il se met au service d’une histoire accessible à tous mais en incarnant un personnage authentique et sincère. Pas d’abdos ni de chanson électro. Varun est acteur, pas bimbo. Que dire, si ce n’est qu’il s’est saisi de ce rôle dans son entièreté. Chaque regard, chaque sourire maladroit vient donner de la matière et de l’épaisseur à ce petit tailleur que personne ne voit. Varun est vraiment surprenant. Je risque donc d’être sans pitié s’il retourne vers ses vieux travers et qu’on le retrouve dans un Judwaa 3 dans les années à venir !

Pour ce qui concerne le film en lui-même, j’ai trouvé l’idée de départ intéressante.

Sharat Katariya s’intéresse ici aux conditions des petits artisans indiens, ceux auxquels les grandes entreprises ne font aucune place. Une manière de signifier que les indiens ont du talent et qu’il faut leur offrir des plateformes pour le révéler et l’exploiter comme ils le méritent. C’est bien. Mais c’est fait maladroitement. Déjà, ça met un temps fou à démarrer. On ne sait d’ailleurs pas grand-chose de Mauji et Mamta et j’ai regretté que leur psychologie n’ait pas été plus étayée. Parce que c’est comme ça qu’on s’attache (ou pas) à un personnage. Aussi, l’ensemble manque de relief. La fin, trop expéditive, est franchement attendue. Pas de vraie surprise ni de grand élan. L’histoire de Sui Dhaaga avait du potentiel, mais le cinéaste n’a pas su en tirer le meilleur. Il y a des maladresses et une certaine platitude dans la fabrication. Aussi, même s’il y a eu un travail certain sur les décors, j’ai trouvé la pellicule trop propre. Parce que vous comprenez, c’est un film Yash Raj. Et la poussière et la crasse, c’est pas beau à l’écran.

Par contre, s’il y a un élément qui m’a ravie, c’est la bande-originale.

Clairement, le compositeur Anu Malik revient en force en nous livrant un album magnifique qui insuffle le rythme manquant à la narration. Toutes les chansons sont réussies, avec ce côté pittoresque qui colle parfaitement à l’atmosphère de Sui Dhaaga.

En conclusion, ce film est à voir pour Varun Dhawan. C’est clairement l’une des prestations les étonnantes de sincérité de sa carrière. L’acteur n’a de cesse de progresser et avec ce projet, il prouve qu’aucun style ne l’arrête. Prochaine étape (et attention, je vise haut pour lui) : un film avec Vishal Bhardwaj ou Anurag Kashyap ? Je suis persuadée qu’il en est capable. A lui de se donner les moyens de réussir…
LA NOTE: 3/5
★★★☆☆
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."