La critique de : Abu (★★★★★) #FFAST2019

dimanche 17 février 2019
critique film ffast paris festival documentaire Abu J'ai failli mourir de déshydratation. Faut dire que j'ai tellement, mais tellement pleuré en regardant Abu. Arshad Khan, réalisateur pakistanais installé à Montréal, est venu hier soir présenter son métrage Abu, à la fois témoignage et hommage à son père décédé en 2011. Pourtant, les deux hommes ont toujours partagé une relation compliqué. Car Arshad est homosexuel.

Et s'il a longtemps étouffé cet aspect de son identité, c'était en réaction aux propos parfois rejetant de son père.



Le réalisateur avoue avoir commencé ce documentaire parce qu'il était en colère. Le décès de son père l'a bouleversé bien plus qu'il ne le croyait, et ce malgré leur lien conflictuel. Pourtant, le discours du cinéaste (ici narrateur de sa propre histoire mais aussi de celle de son père) n'est jamais tranché ou chargé de ressentiment. Loin de lui l'idée de se poser en victime et de présenter son père comme un tortionnaire. On ressent chez Arshad beaucoup d'amour et d'admiration pour son père. Car malgré les propos délirants sur son homosexualité dont il a pu être le réceptacle, Arshad n'a jamais coupé les ponds avec sa famille. Il voulait être aimé et accepté comme il le méritait.

Abu dépasse largement le documentaire informatif.

C'est un véritable récit de vie. La narration d'Abu est brillante. Car Arshad le sait : le cinéma doit être divertissant. Le pari est gagné car on ne perd pas une miette de son propos tant il nous est raconté avec rythme et dynamisme. Le film d'Arshad nous prend aux tripes. Il utilise les nombreuses archives familiales pour illustrer son récit et quand il est à court, il passe au dessin-animé ou aux références à Bollywood.

Mais Abu n'est jamais plombant, encore moins misérabiliste. le bijou d'Arshad nous fait sourire, voire complètement éclater de rire. Cependant, la fin m'a achevée. Arshad partage avec nous les derniers instants de son père. Et j'étais inconsolable, comme s'il s'agissait du mien. Pourtant, je vous rassure. Mon père va très bien et il est actuellement en train de se dorer la pilule en Algérie ! Mais en sortant du visionnage, je n'ai eu qu'une envie : l'appeler pour lui dire à quel point je l'aime et que, malgré nos différends, il reste le grand héros de ma vie. Car l'hommage d'Arshad a un écho universel malgré le fait qu'il partage ici une histoire très intime. Chaque enfant a pu partager une relation compliquée avec l'un de ses parents. Pour ce qui me concerne, je me suis d'autant plus reconnue dans le conflit entre la soif de liberté et de modernité d'Arshad et de sa soeur Asma qui s'oppose au discours conservateur et excessivement cadrant de leur père. Avec souvent cet amalgame qui dicte que c'est l'Islam qui pose de telles barrières, alors qu'il n'en est rien.

Cela dit, Arshad est très intelligent puisqu'une nouvelle fois, son discours n'est jamais à charge contre les musulmans ou les pakistanais, qui lui ont pourtant donné du fil à retordre lorsqu'il a eu le courage de faire son coming-out.

Au contraire, il défend vivement les accusations injustes dont fait l'objet la communauté musulmane, notamment celles qui les assimilent au terrorisme. Abu aurait pu être rongé par la colère initiale d'Arshad, probablement partagé entre la douleur d'avoir perdu son père et la frustration d'avoir partagé avec lui une relation si conflictuelle de son vivant. Le film se révèle finalement comme un témoignage de paix. Car Arshad est en paix avec son père, en paix avec ses racines, sa foi. Mais surtout avec lui-même. Merci Arshad.
LA NOTE: 5/5
★★★★★
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."
lui écrire un petit mot ?