La critique de : Taking the horse to eat jalebis (★★★☆☆) #FCIT2019

jeudi 11 avril 2019
critique film toulouse fcit festival Taking the horse to eat jalebis A chaque festival, on a droit à notre étrangeté cinématographique et, allez savoir pourquoi, ça tombe systématiquement sur moi ! Vous savez, ces films bizarroïdes et conceptuels auxquels le commun des mortels (auxquels je m'identifie indubitablement) ne comprend absolument rien ?

C'est typiquement le genre de films sur lesquels je ne sais absolument pas quoi dire car en général, je n'y comprends rien. Ce qui est particulièrement frustrant. j'avais déjà parlé de ce sentiment de ne pas être assez fine et intelligente pour comprendre un métrage, un sentiment que je déteste tant pour moi, le cinéma a vocation à fédérer avant tout. Et bien, le ciel soit loué, ce n'est pas le cas avec ce film-ci !

Aurais-je gagné des neurones entre temps ? Je ne pense pas, car si l'oeuvre Anamika Haksar part dans tous les sens, il y a beaucoup à dire à son sujet. Aussi, je vais essayer (une fois n'est pas coutume) de la faire courte pour ceux qui voudraient découvrir le film. Taking the horse to eat jalebis raconte l'histoire d'un quartier historique de Delhi, de ses habitants et de leurs tourments. En lisant le pitch du métrage sur le programme du festival, j'ai foncé ! Car l'un de mes films préférés (que personne ne calcule au demeurant, et c'est bien dommage), c'est Delhi-6, une réalisation de Rakeysh Omprakash Mehra qui raconte les tumultes d'un quartier populaire de la capitale.

Sauf que le ton, l'intention, la fabrication et le propos d'Anamika sont ici bien différents du film, au schéma plus classique, de Rakeysh. Il n'y a donc pas lieu de comparaison. Si la trame s'appuie sur 4 personnages principaux incarnés par des acteurs, Anamika puise la force de son métrage dans son aspect documentaire. Car l'oeuvre est à la fois fictive et authentique, allie une narration très cinématique à des images de réalité. Les songes des protagonistes en Technicolor rencontrent les bruits assourdissants du vieux Delhi qui gronde. C'est à la fois déconcertant et saisissant. Car même si tout nous échappe, que le fil conducteur ne nous apparaît pas comme une évidence, impossible de décrocher. Taking the horse to eat jalebis lance pleins bouteilles à la mer. Sur les conditions de vie des travailleurs, sur la vie dans les bidonvilles, sur l'impact des politiques en vigueur sur les masses... Tout est esquissé, car Anamika ne fait un documentaire, et ne se limite pas à une seule problématique. Alors c'est sûr, c'est très dense et parfois très éparpillé.

On passe d'une histoire à une autre sans vraiment comprendre où la cinéaste veut nous emmener. On parle ici de rêves, d'espoir et de souffrances profondes. Enfouis en chacun des habitant de ce quartier pauvre car leur réalité de leur faire aucune place. Ils rêvent d'une vie meilleure, pour certains. Mais la plupart sont même malmenés dans leurs songes tant leur vie n'est faite que de ça. C'est bouleversant et cruellement révélateur. Le fil conducteur est constitué des 4 personnages fictifs que j'évoquais plus hauts, incarnés respectivement par Raghubir Yadav (déjà vu dans Titli, Newton ou encore Sui Dhaaga), Lokesh Jain, Gopalan et le terriblement charismatique Ravindra Sahu. Ce dernier crève l'écran, malicieux mais aussi torturé. Il est à la fois conteur et héros, à la fois acteur et spectateur du vieux Delhi.

Anamika Haksar dénonce beaucoup de choses, que je n'ai pas pu toutes saisir tant son film est riche mais aussi éprouvant.

Mais ce qui m'a marquée notamment, c'est le regard souvent naïf que portent les indiens de classe aisée sur ces quartiers populaires. Certains semblent découvrir cette réalité et sont sincèrement bouleversés. D'autres vivent cette découverte comme une escapade exotique avant un retour à leur existence bien plus faste et confortable. Et d'autres ne veulent pas la voir et préfèrent qu'on le mente.

Taking the horse to eat jalebis permet surtout de mettre en valeur une population oubliée, à laquelle le septième art ne pense pas toujours, et le gouvernement ne pense jamais. J'ai été remuée par ce film que je suis contente d'avoir vu. Je n'ai pas eu le sentiment d'être restée sur le bas côté de la route. Le son de Tyrax Ventura qui joue avec l'image entre réalité cruelle et rêve délirant tout comme les personnages principaux m'ont accrochée au film. Je ne sais pas si je le reverrai un jour, mais je suis convaincue que c'est le genre de films qu'il est bon de découvrir au moins une fois dans sa vie. Un peu comme une piqûre de rappel.
LA NOTE: 3/5
★★★☆☆
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."
lui écrire un petit mot ?