La critique de : Seto Surya (★★★★☆) #FFAST2017

jeudi 5 octobre 2017
critique film ffast seto surya Seto Surya est la seconde réalisation du cinéaste népalais Deepak Rauniyar, qui a précédemment dirigé l'encensé Highway, en 2013 (et qui n'a rien à voir avec le métrage hindi du même nom). Avec ce deuxième film, il nous propose une histoire sur l'opposition entre la tradition et la modernité, où viennent s'emmailloter les enjeux des uns et des autres pour mieux mettre en perspective la complexité de la situation du Népal au sortir de la guerre civile. Chandra (Dayahang Rai) revient dans son village natal lorsque son père décède. Son frère Suraj (Rabindra Singh Baniya) et lui, que tout oppose, doivent porter le corps du défunt jusqu'au bord de la rivière où doit se tenir la crémation. Chandra et maïoiste là où son frère est royaliste. Ce périple à travers les montagnes capricieuses de Nepaltra va révéler l'antagonisme entre les deux frères, dont les incompréhensions et les rancœurs vont éclater dans ce chemin vers la mort...

Seto Surya est brillant sur bien des points. Deepak Rauniyar a co-écrit cette histoire avec David Barker et nous livre une œuvre fine, pertinente, à la fois réelle et pleine d'espoir. Les histoires de chacun s’emboîtent ou s'entrechoquent, pour mettre subtilement en exergue la persistance de l'ancienne génération pour le régime monarchique, avec le système de caste qui va avec, là où la jeunesse (surtout incarnée par les enfants) vient souligner la naissance d'un nouveau Népal, démocratique et égalitaire.

Tous les personnages ont leur raison d'exister. On découvre au compte-goutte les passifs des héros, leurs fêlures comme leurs convictions. Le fil conducteur de la trame réside dans le décès du père et la recherche de solution pour transporter sa dépouille. Chandra a quitté son village pour Katmandou. Il s'est investi dans le mouvement maïoiste, allant ainsi à l'encontre des convictions familiales puisque son père et son frère étaient quant à eux de fervents soutiens du roi alors en place. Il est d'abord illustré comme l'incarnation d'une certaine modernité. En effet, il vient de la ville et affiche son appartenance à un parti d'opposition au régime monarchique. Mais l'intérêt de Seto Surya, c'est que d'autres protagonistes viennent davantage porter cette volonté de voir naître un Népal plus ouvert et plus juste. Durga, cette mère célibataire anciennement épouse de Chandra, tente de lutter contre ces traditions, notamment lorsqu'elle porte le corps du défunt alors que les anciens le lui interdisent, au prétexte qu'elle est issue d'une basse caste.

Deepak Chhetri incarne le prêtre, qui se manifeste pour le maintien de la tradition et s'insurge contre une jeunesse qui tente de tout régenter. Il représente le Népal du roi, le Népal qui marque des différences entre les gens et qui ne saisit pas la nécessité de donner les mêmes droits à chacun. L'acteur est franchement remarquable tant il impose sa voix malgré une carrure assez frêle.

Mais les révélations du métrage sont les jeunes Sumi Malla et Amrit Pariyar, dont les rôles sont aussi consistants que ceux des adultes. Sumi campe Pooja, la fille de Durga. Elle représente ce Népal en quête d'identité et de repère, elle qui cherche à savoir qui est son véritable père. A ses côtés, il y a Badri, un jeune porteur dont les parents ont été tués dans le conflit opposant le régime en place aux insurgés. Badri, c'est la conséquence de la guerre, cette génération qui a vu le sang et les larmes sans en comprendre l'origine et le sens. Surtout, il est la victime collatérale d'un conflit qui le dépasse. Ces enfants sont la force de Seto Surya, qui illustrent le futur du Népal. Une symbole qui prend toute sa dimension dans la scène conclusive, où les enfants semblent s'unir avec plus de maturité que les adultes, sans distinction de caste ou de sexe.

Seto Surya est une œuvre multi-dimensionnelle, et il me faudrait probablement plusieurs visionnages pour le saisir dans son entièreté. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il s'appuie sur une écriture à la fois maîtrisée et distillée, avec une narration qui prend son temps pour nous permettre de nous attacher aux personnages en comprenant mieux ce qui les anime. Un film intelligent, sensible et sincère qui nous rappelle ô combien l'Inde n'a pas le monopole du bon cinéma en Asie du sud.
LA NOTE: 4/5
★★★★☆
mots par
Asmae Benmansour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."