La critique de : Prakasan (★★★★☆) #FCIT2018
12 avril 2018
Hier, se tenait la soirée d’ouverture du Festival des Cinémas Indiens de Toulouse. Quel bonheur de prendre part à cette édition ! C’est effectivement la première fois que je viens à la ville rose, là où le Festival en est déjà à sa sixième édition. Et l’une de mes grandes satisfactions, c’est de voir que le cinéma malayalam est particulièrement mis à l’honneur cette année. Hier soir, j’ai donc découvert Prakasan, métrage à petit budget réalisé par Bash Mohammed.
Prakasan (Dinesh Prabhakar) rêve de quitter son village aborigène pour travailler à la ville. Il obtient un emploi de travailleur social à Kochi, sans imaginer de la violence du monde dans lequel il est sur le point de plonger…
Le film est porté par la prestation clairement transcendante de Dinesh Prabhakar, incroyable de justesse et de sensibilité dans la peau de Prakasan. Par son regard et sa posture, sans même prononcer un mot, l’acteur nous permet d’appréhender les tourments et insécurités de Prakasan. Il est habité par son personnage à tel point qu’on ne voit jamais Dinesh, mais seulement Prakasan. Impossible de ne pas entrer en empathie avec ce personnage à la sincérité désarmante.
Prakasan nous fait effectivement beaucoup rire en se jouant volontiers du décalage entre le protagoniste et l’environnement nouveau auquel il doit s’acclimater. Chaque scène a du sens et vient étoffer le propos de l’œuvre. Aussi bien lorsque Prakasan découvre que les fruits qu’il adore coûtent une fortune au supermarché que lors d’une des scènes les plus poignantes de la bobine, durant laquelle le héros regrette la nourriture de sa mère en mangeant un plat de riz venu d’un restaurant.
Dans le ton qu’il adopte, Prakasan m’a beaucoup fait penser à des œuvres tamoules néo-réalistes comme Paruthiveeran et Baana Kathadi, pour ne citer qu’elles. Dans cette confrontation avec une réalité à la violence insoupçonnée, qui heurte le héros au risque de l’achever. Cependant, le travail technique de l’équipe de Prakasan nous rappelle qu’il s’agit d’un film malayalam. Par la beauté de sa photographie. Par la pertinence de sa caméra et le soin apporté à son montage.
L’image du directeur photo Pappinu est à couper de souffle. Qu’il s’agisse de mettre en exergue la beauté sauvage du Kerala. Ou de montrer comment un plat se prépare avec amour. Une pureté qui dénote avec un visuel plus brut, plus sombre aussi dès lors que Prakasan arrive à Cochin.
Le métrage vient déconstruire l’idée reçue que les aborigènes vivent dans la jungle, faisant passer le message qu’ils sont dépourvus de civisme et de bon sens.L’histoire de Prakasan démontre l’exact opposé en dégageant l’existence d’une jungle beaucoup plus cruelle : celle de la ville. Tout y va trop vite, tout y est codifié sans réel congruence… Prakasan ne comprend pas où il atterrit. Ni ce qu’on lui demande. Comme si le fonctionnement dans lequel il venait d’arriver relevait de l’évidence. Le déracinement de Prakasan est facilement transposable, d’où le fait que le métrage ait une portée universelle, qui dépasse largement la situation des aborigènes malayalee. Si vous avez dû quitter votre province, votre famille, vos repères voire même votre pays pour trouver du travail ou poursuivre vos études, le périple de Prakasan vous touchera inévitablement. Aussi, si vous avez le sentiment de ne pas toujours entrer dans les codes que la société nous impose, avec ce sentiment de parfois devoir vous dénaturer pour entrer dans le moule, le film vous bouleversera d’autant plus.
Je n’ai personnellement rien à voir avec Prakasan. Mon histoire, ma vision de la vie et mon identité n’ont rien de semblable avec lui. Pour autant, je suis immédiatement entrée en projection avec lui. C’est sûrement la plus grande force de l’œuvre : nous proposer un héros auquel nous sommes tous susceptibles de nous identifier. On nous évite bien heureusement le schéma réducteur du sauvage qu’on civilise. Prakasan vient davantage illustrer le dilemme d’un homme pris entre ce rêve de grande ville qu’il souhaite concrétiser et la nostalgie d’une vie en pleine nature dans laquelle il se sentait à sa place. Il n’y a pas d’antagoniste dans ce film. Seulement des gens qui, par le rythme effréné de leur existence, oublient de faire preuve de bienveillance et d’humanité.
Car effectivement, Prakasan sait détecter ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas. Qu’il s’agisse des fruits qu’il mange ou de l’eau qu’il boit. On ne nous le présente jamais comme l’idiot du village, et Balu Mohammed a traité son héros avec énormément de respect.
En conclusion, Prakasan fonctionne parce qu’il est empli de cœur. La trame est assez simple mais nous emporte par la sagesse de son écriture et la sagacité de sa direction artistique. Un très beau film qui donne le ton de la suite de ce festival. De quoi espérer le meilleur.
Prakasan (Dinesh Prabhakar) rêve de quitter son village aborigène pour travailler à la ville. Il obtient un emploi de travailleur social à Kochi, sans imaginer de la violence du monde dans lequel il est sur le point de plonger…
Le film est porté par la prestation clairement transcendante de Dinesh Prabhakar, incroyable de justesse et de sensibilité dans la peau de Prakasan. Par son regard et sa posture, sans même prononcer un mot, l’acteur nous permet d’appréhender les tourments et insécurités de Prakasan. Il est habité par son personnage à tel point qu’on ne voit jamais Dinesh, mais seulement Prakasan. Impossible de ne pas entrer en empathie avec ce personnage à la sincérité désarmante.
La réalisation, qui marque par son authenticité, ne tombe jamais dans le misérabilisme.
Prakasan nous fait effectivement beaucoup rire en se jouant volontiers du décalage entre le protagoniste et l’environnement nouveau auquel il doit s’acclimater. Chaque scène a du sens et vient étoffer le propos de l’œuvre. Aussi bien lorsque Prakasan découvre que les fruits qu’il adore coûtent une fortune au supermarché que lors d’une des scènes les plus poignantes de la bobine, durant laquelle le héros regrette la nourriture de sa mère en mangeant un plat de riz venu d’un restaurant.
Dans le ton qu’il adopte, Prakasan m’a beaucoup fait penser à des œuvres tamoules néo-réalistes comme Paruthiveeran et Baana Kathadi, pour ne citer qu’elles. Dans cette confrontation avec une réalité à la violence insoupçonnée, qui heurte le héros au risque de l’achever. Cependant, le travail technique de l’équipe de Prakasan nous rappelle qu’il s’agit d’un film malayalam. Par la beauté de sa photographie. Par la pertinence de sa caméra et le soin apporté à son montage.
L’image du directeur photo Pappinu est à couper de souffle. Qu’il s’agisse de mettre en exergue la beauté sauvage du Kerala. Ou de montrer comment un plat se prépare avec amour. Une pureté qui dénote avec un visuel plus brut, plus sombre aussi dès lors que Prakasan arrive à Cochin.
Le métrage vient déconstruire l’idée reçue que les aborigènes vivent dans la jungle, faisant passer le message qu’ils sont dépourvus de civisme et de bon sens.L’histoire de Prakasan démontre l’exact opposé en dégageant l’existence d’une jungle beaucoup plus cruelle : celle de la ville. Tout y va trop vite, tout y est codifié sans réel congruence… Prakasan ne comprend pas où il atterrit. Ni ce qu’on lui demande. Comme si le fonctionnement dans lequel il venait d’arriver relevait de l’évidence. Le déracinement de Prakasan est facilement transposable, d’où le fait que le métrage ait une portée universelle, qui dépasse largement la situation des aborigènes malayalee. Si vous avez dû quitter votre province, votre famille, vos repères voire même votre pays pour trouver du travail ou poursuivre vos études, le périple de Prakasan vous touchera inévitablement. Aussi, si vous avez le sentiment de ne pas toujours entrer dans les codes que la société nous impose, avec ce sentiment de parfois devoir vous dénaturer pour entrer dans le moule, le film vous bouleversera d’autant plus.
Je n’ai personnellement rien à voir avec Prakasan. Mon histoire, ma vision de la vie et mon identité n’ont rien de semblable avec lui. Pour autant, je suis immédiatement entrée en projection avec lui. C’est sûrement la plus grande force de l’œuvre : nous proposer un héros auquel nous sommes tous susceptibles de nous identifier. On nous évite bien heureusement le schéma réducteur du sauvage qu’on civilise. Prakasan vient davantage illustrer le dilemme d’un homme pris entre ce rêve de grande ville qu’il souhaite concrétiser et la nostalgie d’une vie en pleine nature dans laquelle il se sentait à sa place. Il n’y a pas d’antagoniste dans ce film. Seulement des gens qui, par le rythme effréné de leur existence, oublient de faire preuve de bienveillance et d’humanité.
J’ai été saisie par la vulnérabilité du personnage comme par son intelligence.
Car effectivement, Prakasan sait détecter ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas. Qu’il s’agisse des fruits qu’il mange ou de l’eau qu’il boit. On ne nous le présente jamais comme l’idiot du village, et Balu Mohammed a traité son héros avec énormément de respect.
En conclusion, Prakasan fonctionne parce qu’il est empli de cœur. La trame est assez simple mais nous emporte par la sagesse de son écriture et la sagacité de sa direction artistique. Un très beau film qui donne le ton de la suite de ce festival. De quoi espérer le meilleur.
LA NOTE: 4/5
★★★★☆
★★★★☆