Half Girlfriend vs Half Girlfriend

lundi 1 janvier 2018
livre film Half Girlfriend shraddha kapooor arjun kapoor — Cet article a été publié dans le numéro 12 de Bolly&Co, page 64.

Les films racontent une histoire, tout comme les livres. Cela n'a rien de nouveau, que ce soit en Inde ou dans n'importe quelle autre industrie cinématographique, beaucoup de scripts sont basés sur des histoires déjà écrites par des auteurs littéraires. Mais que se passe-t-il quand ces histoires se transforment visuellement ? Comment l'adaptation se fait-elle ? Où les cinéastes ont-ils échoué ou, au contraire, réussi leur pari ?

Bolly&Co a décidé de se pencher sur ces projets officiellement inspirés d'ouvrages...

Attention, si vous n'avez pas vu le film, cet article contient des spoilers.

L'histoire générale



Half Girlfriend
ÉCRIT PAR CHETAN BHAGAT EN 2014.

Madhav Jha, un garçon modeste du Bihar, débarque à l'hôtel de l'auteur Chetan Bhagat pour lui laisser les journaux intimes de sa "demi-petite amie" décédée. D'abord réticent, l'écrivain décide le lendemain d'appeler le jeune homme pour qu'il lui raconte son histoire, où et comment il a rencontré Riya Somani et surtout il en est tombé fou amoureux... Mais plus encore, comment leurs différences sociales ont abouti à une relation compliquée, puisque Riya était plus qu'une amie, mais pas totalement une petite-amie…

Half Girlfriend
RÉALISÉ PAR MOHIT SURI EN 2017.

Lorsque Madhav Jha arrive chez Riya Somani, la jeune femme a disparu. Anéanti, il récupère certaines de ses affaires et prend un train pour New Delhi. Pendant le trajet, il repense à la jeune femme et à la manière dont ils se sont rencontrés cinq ans plus tôt, durant leurs études à la prestigieuse école de St Steven's où Madhav a dû affronter l'une de ses peurs : la langue anglaise. Commence alors le récit de leur histoire…

Dans la globalité, on nous offre la même chose : une histoire d’amour.

Mais si dans le film, on ne comprend pas tout de suite que Riya est morte, dans le livre c’est très explicite. Dès les premières pages Madhav est bouleversé et, justement, incapable de lire ce que Riya a écrit dans ses journaux intimes tant il a mal. Il est en deuil. La façon dont on nous raconte l’histoire entre Madhav est Riya est donc différente entre le livre et le film. C’est la première chose qui m’a perturbé et qui, pour le coup, change radicalement la façon dont on interprète les événements qui nous sont présentés.

Dans le métrage réalisé par Mohit Suri, c’est à l’intermission que nous comprenons que Riya n’est plus de ce monde.

Et la deuxième partie du film est alors un peu décousue, un peu confuse. Beaucoup d’éléments ne prennent pas sens et la fin, bien qu’heureuse, ne satisfait pas totalement. On reste sur notre faim. Il y a des questions qui n’ont pas de réponse et qui, pour le coup, ne nous permettent pas de croire en tout ce qui nous est présenté. Un des soucis : la voix off de Madhav. Comme ça, d’un coup, il raconte parfois des choses… mais à qui ? Dans le livre, il n’y a évidemment pas d'entracte, pourtant il y a bien un moment où tout bascule : quand Madhav et Chetan découvrent que Riya a menti.

Tout est écrit dans ses journaux. A ce moment précis, Madhav se lance à corps perdu à la recherche de Riya, à moitié heureux, à moitié consterné par ce que la demoiselle a fait. Tout se suit, tout est logique. Le chemin qui est détaillé dans le livre est cohérent et accentue les émotions des personnages. Plus on avance dans le récit, plus on découvre des choses.

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Les personnages



Madhav Jha

En lisant le livre, j'avoue avoir pensé à Arjun Kapoor pour le rôle de Madhav. Il est Madhav dans son entièreté. Ses maladresses, sa naïveté, sa timidité et ses impulsivités... Il est d'abord l'étudiant qui sort de son petit Bihar pour découvrir le monde, puis l'homme qui grandit et qui gagne en maturité. Madhav n'est pas parfait, mais il n'est pas mauvais. Il apprend de ses erreurs, mais surtout de ses relations. Sa vie est grandement influencée par sa mère, ensuite par Riya et enfin par son meilleur ami. L'interprétation d'Arjun est parfaite, pleine de justesse et de sensibilité. Dans le film, il est celui qui capte le regard et qui touche les cœurs.

Riya Somani

Dès l’annonce du casting, le choix de Shraddha Kapoor a fait débat. Si dans un premier temps, il semblait être justifié par le fait que l’actrice soit capable de chanter, la sortie du film a confirmé qu’elle n’était pas faite pour le rôle. Déjà, elle ne chante pas dans le film, ce qui est franchement dommage ! Ensuite, Riya est censée être très grande (plus grande que Madhav) mais surtout très froide... Dans la première partie, il nous est presque difficile de la comprendre, là où lorsque Madhav la recroise après son divorce, elle s’ouvre. C’est là qu’on s’attache à cette femme qui a affronté bien des difficultés.

Si Shraddha parvient parfois à sasir la caméra, l'écriture de Riya est différente dans le métrage au point où on est face à une fille à deux visages dès le départ. Elle n’est jamais complètement froide et le côté “bubbly” de Shraddha ressort assez souvent. Mon plus gros problème, cependant, ce sont toutes les informations données dans la première partie du film qui devaient justifier le comportement de Riya et nous la rendre appréciable. Ses parents qui se bagarrent, le fait qu’elle embrasse Madhav (alors que dans le livre, elle ne montre à aucun moment qu’elle a des sentiments pour lui, c’est même lui qui l’embrasse et non l’inverse). Mais surtout, le peu de place accordé au basketball. C’est pour Riya une passion autant que la musique. C’est par le basket qu’elle et Madhav se lient réellement d’amitié. Shailesh

Vikrant Massey est un ange ! S'il y a bien une chose que j'ai apprécié dans le film, c'est la place donnée à Shailesh. Ce personnage est un peu plus effacé dans le livre malheureusement, puisqu'il n'est pas le seul ami de Madhav. L'acteur est excellent et maîtrise parfaitement son accent de Jharkhand. Il est protecteur, comme un frère et sa relation avec Madhav est forte. Il est une constante pour le garçon. Quels que soient les moments dans sa vie, Shailesh est là pour Madhav. Il le soutient et l’encourage quand il le faut. Il est, par ailleurs, la voix de la raison du livre et du métrage. Les “demipetites-amies”, ça ne devrait pas exister. C’est une relation qui ne pourra pas rendre Madhav heureux. Et puisqu’il ne connait pas Riya et que ce qu'il aperçoit d'elle lui suffit à se forger une opinion, il est de suite contre cette relation atypique. Comme tout le monde, dans le livre et dans le film, Madhav est le seul à voir au-delà de sa carapace.

Rani Sahiba

Sans doute ma plus grande déception dans le film. Seema Biswas est une bonne actrice, mais elle n'a pas le côté féroce de Rani Sahiba. La mère de Madhav est tout de suite montrée comme quelqu’un de très proche de son fils, mais aussi de très directif. Elle ne se laisse pas marcher dessus, elle s’impose. Elle gère d’une main de fer son école et son statut. C’est une très bonne politicienne et surtout, une mère lionne qui va voir Riya comme un problème. Dans le film, Rani Sahiba est complètement effacée. Elle fait plus de peine qu’autre chose. De plus, toute une partie de l’histoire de Madhav est mise de côté, et sa relation avec sa mère l'est aussi. Pourtant, c’est à son retour au Bihar auprès de sa mère que Madhav grandit et prend au sérieux son rôle de prince. C’est là qu’il devient un homme, qu’il avance sans pour autant oublier le cœur brisé qui est le sien.

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L'ambiance globale



Le film est un désastre. Dramatisé et focalisé sur la romance, le plus important passe à la trappe. Ce n’est pas la première fois qu’un livre de Chetan Bhagat est adapté. Parmi les plus réussis : 3 Idiots, Kai Po Che! ou encore 2 States. Pourtant, Half Girlfriend est le premier que l'auteur produit. Il faut savoir que c'est Chetan luimême qui est aussi derrière le script du métrage ce qui, pour moi, est improbable...

J'ai l'impression que quelqu'un a pris le livre, a pioché au hasard certains événements et a mixé le tout avec des scènes de téléfilms.

Durant tout le métrage, les différences me sont apparues pour me mettre en colère plus qu’autre chose. Il faut savoir que je n’ai pas aimé la fin du livre, qui est comme la fin du film : ils se retrouvent, couchent ensemble, petit saut dans le futur, ils sont ensembles dans le Bihar et ils ont une fille. Fin. La grosse dispute entre Madhav et Riya alors qu’ils sont étudiants est due au fait que Riya refuse de coucher avec Madhav qui, disons-le, a lourdement insisté pour passer à l'acte. Cette dispute se termine par une Riya blessée et trahie. Il faut dire que Madhav a surtout écouté ses amis qui lui ont dit qu’en tant que petite-amie, c’était le “devoir” de la jeune fille que de se donner à lui. Ridicule.

La scène du film est assez bien faite et montre la manière dont les garçons conçoivent parfois une relation. C’est impardonnable et la distance qu’impose ensuite Riya est fondée. Non, elle ne se marie pas avec Rohan à cause de cela. Une année entière s’écoule entre l’incident et les fiançailles. Mais surtout, Rohan semble être quelqu’un de bien ! Dans le livre, c’est un ami d’enfance qui promet à Riya qu’elle sera libre de continuer ses études et la musique. C’est quelqu’un de beau, d’intelligent et de charmant. Dans le film, il parait dès le départ odieux. Ce qui, pour ma part, discrédite Riya dans ses choix. La jeune femme est indépendante, elle ne se laisse pas influencer par ses parents. Ce mariage, c’est avant tout sa décision, pas celui de son entourage.

Les quelques (rares) scènes au Bihar, ses alentours, l’école de la mère de Madhav et son rôle prince, expliquent pourquoi on a du mal à comprendre l’enjeu qui nous est dévoilé en seconde partie du film.

Après ses études et après le départ de Riya, Madhav est rentré chez lui et a pris une place importante dans le fonctionnement de l’état. Il découvre les conditions de l’école, le manque de classes et de sanitaires, et décide de prendre les choses en main. De se rendre utile. Alors non, il y a bien des filles dans l’école ! Le film s’est focalisé dessus pour suivre les mouvements actuels en Inde. Le gros problème au Bihar, c’est qu’il y a trop d’enfants et pas suffisamment d’infrastructures, pas assez de ressources et d'enseignants. La possibilité de recevoir des fonds par la fondation de Bill Gates est un défi de taille. D’ailleurs, le film a voulu jouer sur la tendance des VFX pour nous faire croire que le vrai Bill Gates était là… Ils auraient dû s’abstenir tant c’est mal conçu. Surtout, lorsque Riya visite l’école, la mère de Madhav l’aperçoit un peu plus différemment et se met presque à l’apprécier.

Les quelques (rares) scènes au Bihar, ses alentours, l’école de la mère de Madhav et son rôle prince, expliquent pourquoi on a du mal à comprendre l’enjeu qui nous est dévoilé en seconde partie du film.

L’un des moments les plus importants pour moi, c’est aussi le moment où juste après son discours, Madhav lit la lettre de Riya. Je me souviens avoir eu les larmes aux yeux en lisant ce passage dans le bus qui m'amenait chez moi ! Dans le film, bof... Je pourrais passer des heures à continuer à vous dire tout ce qui est différent. Entre la manière dont Madhav croise Riya à Patna (à trois heures du Bihar et parce que justement, il prenait déjà des cours d’anglais là-bas). Les moments où Riya tousse, admet ne pas se sentir bien, tous ces petits indices qui nous font croire qu’elle est sans doute vraiment morte. La façon dont il utilise son stage à New York pour la chercher désespérément. La quasi-inexistence de Anshika dans le livre, même si j'ai beaucoup apprécié la prestation de Rhea Chakraborty et que j'aurais presque préféré que Madhav finisse avec elle. Bref. Vraiment, lisez le livre.

La note d'adaptation



2/10. Une catastrophe qui, malgré le jeu excellent d'Arjun Kapoor, ne peut être sauvée...
mots par
Elodie Hamidovic
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"A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur."