La critique de : Aligarh (★★★★★) #FFAST2016
19 octobre 2016
J'ai raté le début d'Aligarh, trop occupée à m'entretenir avec son héros Manoj Bajpayee. Pourtant, j'ai été saisie par cette histoire vraie bouleversante, qui dépasse largement le débat sur l'homosexualité...
Le professeur Shrinivas Ramchandra Siras (Manoj Bajpayee), qui enseigne le marathi à l'université d'Aligarh, est suspendu de ses fonctions alors qu'une vidéo de lui en présence de son compagnon a été dévoilée. La décision de l'établissement choque l'Inde et enfonce le clou d'un gouvernement qui prône l'homophobie. Le journaliste Deepu Sebastian (Rajkummar Rao) décide de faire la lumière sur cette affaire pour non seulement aider le professeur, mais également soutenir tous ces indiens qui n'osent pas assumer ce qu'ils sont réellement...
Aligarh a été encensé de toutes parts, saisi par les médias comme une œuvre contestataire sur la condition des homosexuels. On l'a notamment comparé à Fire, un autre film sur cette même thématique avec Shabana Azmi et Nandita Das. En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord ! Aligarh va bien au-delà. L'œuvre traite du combat d'un homme pour retrouver sa dignité, traîné dans la boue par ses pairs au prétexte de sa sexualité. N'importe quel être peut s'y projeter, qu'il soit homosexuel, hétérosexuel, européen, asiatique, riche ou pauvre... L'homme n'est rien sans sa dignité. Le professeur Siras était une sommité dans son domaine, il possédait un statut fort et était respecté dans son milieu. Ce scandale a non seulement mis à jour de manière totalement inappropriée sa sexualité, mais a surtout remis en cause sa qualité d'éminent enseignant.
Aligarh met en avant la tendance d'une société à coller une étiquette réductrice à autrui. De maître de conférence, Siras est réduit au fait qu'il soit 'gay' et est investi comme un des symboles de la cause homosexuelle en Inde. Mais le film met formidablement en avant le besoin de paix et de quiétude de cet homme, qui ne voulait pas faire parler de lui et souhaitait juste qu'on l'autorise à vivre. Siras souhaite qu'on lui restitue tout ce qu'il a mis des années à construire : son statut, son légitimité et le respect auquel il n'a désormais plus droit.
C'est en cela que, selon moi, le métrage d'Hansal Mehta ne constitue pas réellement un film sur l'homosexualité en tant que tel tant il a le souci de transcender cette question, pour évoquer la dignité humaine et la capacité de la société à vous la retirer au moindre prétexte. Comment cela est-il possible ? Comment des gens ont-il pu s'introduire dans l'espace privé du professeur, le filmer et même le violenter sans que cela n'ait jamais été questionné ? Où est la dignité et le respect de l'intimité dans tout cela ? Car oui, la question de fond n'est absolument pas de savoir si Siras a le droit d'être gay, s'il a le droit d'avoir des rapports avec des hommes ou s'il a le droit de vivre seul. Aligarh soulève le tabou d'une certaine morale, une morale derrière laquelle se cache le droit indien pour condamner l'orientation sexuelle de Siras. Mais comme le dit très justement l'avocat de l'accusé Anand Grover (campé impeccablement par Ashish Vidyarthi), « la morale des uns n'est pas la morale des autres. Si on condamnait le professeur au nom de la morale, tout le pays serait en prison ! »
Manoj Bajpayee délivre la meilleure prestation de sa carrière avec Aligarh. Il est magistral dans un rôle profondément humain, sans aucun amalgame sur la condition d'homosexuel de son personnage. L'acteur a été bouleversé par l'homme admirable qu'était Siras et a su restituer avec beaucoup d'éthique la lutte de ce grand monsieur. Rajkummar Rao est également irréprochable dans le rôle de Deepu. Voilà un acteur au jeu fin et sensible qui signe ici sa troisième collaboration avec Hansal Mehta après Shahid (en 2013) et Citylights (en 2014). Ashish Vidhyarthi impressionne quant à lui en avocat solide et impliqué, loin de ses rôles de grands méchants dans nombre de masala bourrins.
Hansal Mehta tire le meilleur de son casting et permet ainsi de restituer cette histoire poignante avec beaucoup de compréhension. A la fin du film, on ignore si Siras a réellement remporté son combat pour recouvrir sa dignité perdue. Mais Aligarh nous laisse sans voix, il nous émeut tant sa distribution est efficace.
Aligarh a reçu une 'standing ovation' lors de sa projection durant la soirée d'ouverture du Festival du Film d'Asie du Sud, à Paris. La salle est bondée et ce film constituait surtout une introduction idéale à ce que cet événement nous réserve, mettant en lumière des métrages indiens mais aussi bangladais indépendants et hélas méconnus. Car l'Inde ne se résume pas à Bollywood comme l'indique notre leitmotiv. Et Bollywood ne se résume pas à Shahrukh Khan et à La Famille Indienne. Aligarh est l'incarnation d'un cinéma indien qui bouge, qui mise aussi sur ces productions modestes en terme de budget mais puissantes en terme de portée.
Merci à Manoj Bajpayee de nous permettre d'entrevoir le meilleur du cinéma indien. Merci à Rajkummar Rao de faire partie de cette génération d'acteurs indiens à porter des films engagés et originaux à l'image de Kalki Koechlin, Richa Chadda ou encore Radhika Apte. Et merci à Hansal Mehta pour le cinéma profondément émotionnel qu'il nous propose, prouvant au passage qu'un film intelligent n'a rien d'élitiste et qu'il peut tout aussi bien nous faire pleurer, rire et réfléchir...
Le professeur Shrinivas Ramchandra Siras (Manoj Bajpayee), qui enseigne le marathi à l'université d'Aligarh, est suspendu de ses fonctions alors qu'une vidéo de lui en présence de son compagnon a été dévoilée. La décision de l'établissement choque l'Inde et enfonce le clou d'un gouvernement qui prône l'homophobie. Le journaliste Deepu Sebastian (Rajkummar Rao) décide de faire la lumière sur cette affaire pour non seulement aider le professeur, mais également soutenir tous ces indiens qui n'osent pas assumer ce qu'ils sont réellement...
Aligarh a été encensé de toutes parts, saisi par les médias comme une œuvre contestataire sur la condition des homosexuels. On l'a notamment comparé à Fire, un autre film sur cette même thématique avec Shabana Azmi et Nandita Das. En ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord ! Aligarh va bien au-delà. L'œuvre traite du combat d'un homme pour retrouver sa dignité, traîné dans la boue par ses pairs au prétexte de sa sexualité. N'importe quel être peut s'y projeter, qu'il soit homosexuel, hétérosexuel, européen, asiatique, riche ou pauvre... L'homme n'est rien sans sa dignité. Le professeur Siras était une sommité dans son domaine, il possédait un statut fort et était respecté dans son milieu. Ce scandale a non seulement mis à jour de manière totalement inappropriée sa sexualité, mais a surtout remis en cause sa qualité d'éminent enseignant.
Aligarh met en avant la tendance d'une société à coller une étiquette réductrice à autrui. De maître de conférence, Siras est réduit au fait qu'il soit 'gay' et est investi comme un des symboles de la cause homosexuelle en Inde. Mais le film met formidablement en avant le besoin de paix et de quiétude de cet homme, qui ne voulait pas faire parler de lui et souhaitait juste qu'on l'autorise à vivre. Siras souhaite qu'on lui restitue tout ce qu'il a mis des années à construire : son statut, son légitimité et le respect auquel il n'a désormais plus droit.
C'est en cela que, selon moi, le métrage d'Hansal Mehta ne constitue pas réellement un film sur l'homosexualité en tant que tel tant il a le souci de transcender cette question, pour évoquer la dignité humaine et la capacité de la société à vous la retirer au moindre prétexte. Comment cela est-il possible ? Comment des gens ont-il pu s'introduire dans l'espace privé du professeur, le filmer et même le violenter sans que cela n'ait jamais été questionné ? Où est la dignité et le respect de l'intimité dans tout cela ? Car oui, la question de fond n'est absolument pas de savoir si Siras a le droit d'être gay, s'il a le droit d'avoir des rapports avec des hommes ou s'il a le droit de vivre seul. Aligarh soulève le tabou d'une certaine morale, une morale derrière laquelle se cache le droit indien pour condamner l'orientation sexuelle de Siras. Mais comme le dit très justement l'avocat de l'accusé Anand Grover (campé impeccablement par Ashish Vidyarthi), « la morale des uns n'est pas la morale des autres. Si on condamnait le professeur au nom de la morale, tout le pays serait en prison ! »
Manoj Bajpayee délivre la meilleure prestation de sa carrière avec Aligarh. Il est magistral dans un rôle profondément humain, sans aucun amalgame sur la condition d'homosexuel de son personnage. L'acteur a été bouleversé par l'homme admirable qu'était Siras et a su restituer avec beaucoup d'éthique la lutte de ce grand monsieur. Rajkummar Rao est également irréprochable dans le rôle de Deepu. Voilà un acteur au jeu fin et sensible qui signe ici sa troisième collaboration avec Hansal Mehta après Shahid (en 2013) et Citylights (en 2014). Ashish Vidhyarthi impressionne quant à lui en avocat solide et impliqué, loin de ses rôles de grands méchants dans nombre de masala bourrins.
Hansal Mehta tire le meilleur de son casting et permet ainsi de restituer cette histoire poignante avec beaucoup de compréhension. A la fin du film, on ignore si Siras a réellement remporté son combat pour recouvrir sa dignité perdue. Mais Aligarh nous laisse sans voix, il nous émeut tant sa distribution est efficace.
Aligarh a reçu une 'standing ovation' lors de sa projection durant la soirée d'ouverture du Festival du Film d'Asie du Sud, à Paris. La salle est bondée et ce film constituait surtout une introduction idéale à ce que cet événement nous réserve, mettant en lumière des métrages indiens mais aussi bangladais indépendants et hélas méconnus. Car l'Inde ne se résume pas à Bollywood comme l'indique notre leitmotiv. Et Bollywood ne se résume pas à Shahrukh Khan et à La Famille Indienne. Aligarh est l'incarnation d'un cinéma indien qui bouge, qui mise aussi sur ces productions modestes en terme de budget mais puissantes en terme de portée.
Merci à Manoj Bajpayee de nous permettre d'entrevoir le meilleur du cinéma indien. Merci à Rajkummar Rao de faire partie de cette génération d'acteurs indiens à porter des films engagés et originaux à l'image de Kalki Koechlin, Richa Chadda ou encore Radhika Apte. Et merci à Hansal Mehta pour le cinéma profondément émotionnel qu'il nous propose, prouvant au passage qu'un film intelligent n'a rien d'élitiste et qu'il peut tout aussi bien nous faire pleurer, rire et réfléchir...
LA NOTE: 5/5
★★★★★
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