Interview : Sarah, du Collectif BollyCiné

mardi 20 juin 2017
interview sarah bollyciné Petite intervew pour présenter Sarah, derrière le collectif BollyCiné... Alors pour commencer, Sarah, qui es-tu ?

Sarah : Je vis en Vendée à 400 kms de Paris. J’ai fait des études littéraires arts plastiques mais n’ai pas obtenu mon bac pourtant tenté à 2 reprises. Après un parcours chaotique et plusieurs années de grande précarité, je peux dire que je m’en suis sortie grâce à ma passion pour le cinéma indien et le déclic avec Salman Khan (pourtant objet d’un déni de 3 ans auparavant pour ce dernier). Je n’avais aucune connexion avec l’Inde ou son cinéma avant cela. Je suis totalement autodidacte dans tous les domaines que j’explore, de nature passionnée, curieuse, pugnace et optimiste. Je travaillais pour Being Human Clothing Europe depuis 2013. Aujourd’hui j’explore de nouveaux horizons toujours en lien avec Being Human en parallèle de mon association Bollyciné pour laquelle je suis bénévole comme le sont tous ceux qui nous rejoignent à travers la France.

En quoi consiste le Collectif Bollyciné que tu as initié et comment est-il né ?

Sarah : Le collectif Bollyciné est né de la frustration de ne pas avoir accès au cinéma indien dans nos salles de province. En 2012, il n’existait que le distributeur Aannafilms que je suivais depuis la sortie de My Name Is Khan et qui donc prévoyait la sortie de Ek Tha Tiger en août 2012…. Seulement 4 salles de province à ce moment-là le proposaient. Habitant près de Nantes, j’ai essayé de convaincre Aannafilms de le programmer mais ai essuyé 1 ou 2 refus avec pour raison que c’était simplement l’inconnu et qu’on ne pouvait pas prendre le risque de programmer dans une ville où il n’y avait vraisemblablement aucune communauté ou alors très peu. Mais je n’ai pas compris cette réponse, pour moi le cinéma était universel et tout le monde devait y avoir accès, et on se devait de le programmer partout. D’autant qu’à mon sens, Bollywood a un grand potentiel d’ouverture auprès du grand public occidental tout en préservant sa propre identité et qu’il fallait absolument le montrer. Après deux autres requêtes dans ce sens, Aannafilms a finalement programmé le film au Gaumont de Nantes. Pendant une semaine à distance j’ai donc mobilisé associations et médias locaux. Le Jour J la salle était pleine. Un public totalement mixte et de tous âges. C’est ce jour-là que j’ai eu l’idée du collectif. Si j’avais pu le faire dans une ville où je ne vis pas, on pouvait se mobiliser partout en France. Les passionnés devaient montrer qu’ils pouvaient devenir une sorte de garant entre le distributeur et les salles de cinéma. Devenir un intermédiaire de confiance auprès des exploitants et du public afin de faciliter le travail de Aannafilms.

Comment travaille le Collectif Bollyciné et de quelle manière les différents cinémas sont-ils démarchés ?

Sarah : C’est comme cela que nous avons approché le Gaumont de Rennes à l’époque de Jab Tak Hai Jaan. Flore l’une de nos premières bénévoles à nous avoir rejoint avec Tony à Marseille. Tous deux ont fait une première prise de contact avec le cinéma puis j’ai pris le relais pour les convaincre de nous rejoindre. Puis deux mois après je négociais le Kinepolis de Lomme pour janvier 2013 après plusieurs échanges. Kinepolis qui nous a ouvert ensuite son réseau sur 6 salles. Et comme cela nous avons rattrapé une dizaine de villes qui avaient été annulées dans la programmation de Jab Tak Hai Jaan. Avec l’aide de Lydie à la direction avec moi et une dizaine de bénévoles. Aannafilms couvrait nos dépenses d’impression sur 5 ou 6 villes et nous avancions. Moi-même à la négociation avec les cinémas et nos équipes à la promotion.

Qu'est-ce qui différencie le Collectif Bollyciné d'un distributeur comme Aanna Films ?

Sarah : On fait parfois l’amalgame sur 2 points. Le premier : nous ne sommes pas distributeurs et pourtant nous sommes conscients que le travail que nous réalisons bénévolement est une partie du métier de distributeur. C’est d’ailleurs une des raisons qui nous empêche de prétendre à des subventions, l’autre raison étant que notre action est nationale. Notre rôle est axé d’abord sur la programmation avec les cinémas et l’accompagnement sur le terrain de la promotion à la fois en national et en local. La différence est là. Nous n’achetons pas les films, nous sommes uniquement un soutien. Le deuxième point que je souhaite éclaircir est que Bollyciné est associatif et totalement bénévole. Nous finançons notre communication via des sponsors locaux et une participation du distributeur. Tout est réinjecté dans la communication en dehors des frais de fonctionnement de l’association. Aucun film indien ne bénéficie d’un budget marketing, de communication pour la France même si ce sont de gros blockbusters indiens. C’est donc très difficile d’accompagner les sorties mais notre action est nécessaire. Tous les soutiens sont donc les bienvenus pour nous aider dans cette voie.

interview sarah bollyciné Depuis sa création, le Collectif Bollyciné a permis de rendre accessible en France des films de tous les genres. Aurons-nous l'occasion de découvrir des œuvres plus minimalistes comme par exemple Umrika, dont la sortie a été soutenue par le Collectif ?

Sarah : Nous agissons selon 2 critères. Le premier est de fait notre fidélité et notre totale complémentarité avec Aannafilms qui nous permet une aisance et une liberté dans notre action que personne aujourd’hui n’a su nous donner. C’est la grande force de notre action car nous avons grandi ensemble. Le deuxième critère est l’ouverture aux distributeurs nationaux comme ARP Sélection qui nous a accordé une grande confiance et qui je pense a été satisfait du travail réalisé par Umrika. Nous souhaitons pouvoir aider 1 ou 2 films indépendants dans l’année mais nous agissons selon la demande. Et selon notre planning. Soutenir 2 films ensemble est par exemple épuisant et nous ne le referons plus. Nous devons nous limiter à un maximum de 4 films pour pouvoir disposer d’un temps de travail maximum de 3 mois pour chaque film.

Salman Khan a été informé et sensibilisé par les actions du Collectif Bollyciné. Et cette année, c'est Tubelight qui bénéficiera d'une sortie française assez démentielle. Comment expliquer cet engouement ? En quoi la sortie de Tubelight recouvre-t-elle des enjeux particuliers ?

Sarah : Bollyciné est né avec Salman Khan et Ek Tha Tiger…. Tout mon parcours personnel et professionnel s’est construit avec lui. Ce sont 5 années de travail ‘non stop’ qui m’ont permis d’attirer l’attention de son équipe, de sa famille, de Salman …. Rien n’est impossible quand on a la foi et la passion, chacun a les moyens de se battre pour ses rêves…. Ce 2 septembre 2012, quand j’ai vu cette salle pleine pour Ek Tha Tiger j’ai su que commençait ma route vers Salman et que j’irais au bout pour lui présenter en personne Bollyciné.

C’est ce qui est arrivé en 2015 et en novembre dernier où j’ai pu pendant près d’une demie heure lui montrer les 4 années de travail de Bollyciné. Tubelight est pour moi et pour Bollyciné un défi important car il est l’occasion de montrer le potentiel de la France et toute la mobilisation qui existe pour la culture indienne. Ce n’est pas une simple sortie car pour la première fois il y a un regard du côté de l’industrie indienne, via une personne qui a un impact conséquent. C’est la plus belle opportunité qu’on ait jamais eu. C’est pour cette raison que depuis avril j’ai travaillé avec les cinémas pour anticiper cette sortie. Je voulais qu’on puisse doubler le nombre de salles pour que cette sortie puisse avoir un vrai pouvoir. L’autre défi était de donner une vraie visibilité au film en salles, dans les cinémas d’un point de vue marketing. J’ai donc fait en sorte que tous les cinémas puissent être livrés en affiches 120x160 et 40x60 avec un vrai travail d’accompagnement autour de chaque cinéma. Les cinémas se sont réellement impliqués et c’est très émouvant de faire le parallèle 5 années en arrière où il n’y avait rien.C’est ici que je souhaite que nous allions, c’est donner la possibilité à 3 ou 4 films dans l’année de bénéficier de cette visibilité.

Au-delà de la présence de Salman au casting, pourquoi le Collectif Bollyciné a souhaité miser sur Tubelight pour une sortie en France ?

Sarah : Le réalisateur Kabir Khan à cette force assez singulière de savoir mêler le film grand public à un message social. Il l’avait parfaitement réussi avec Bajrangi Bhaijaan et encore aujourd’hui nous sommes fières d’avoir permis avec Aannafilms de placer ce film en deuxième position des meilleurs entrées de films Bollywood en France. Bajrangi Bhaijaan à également commencé sa vie auprès d’apprentis et d’étudiants où son potentiel pédagogique a fait mouche. C’est très gratifiant. Nous pensons donc naturellement que Tubelight a ces ingrédients. Un film humaniste qui saura montrer le meilleur de Bollywood au grand public. Il était donc primordial de pouvoir accompagner Aannafilms sur cette sortie.

Le Collectif Bollyciné a rendu le cinéma indien accessible dans les salles de province. Comment se finance la distribution et la communication pour un film indien qui sort dans une salle de cinéma dans le Nord de la France, par exemple ?

Sarah : Comme rappelé plus haut nous ne sommes pas distributeur. La promotion se finance via l’aide essentielle des sponsors locaux qui décident de nous soutenir en participant à nos frais d’impression. Ils occupent un tiers des villes que nous soutenons. Le distributeur nous soutient également mais maintenant l’objectif est que les producteurs indiens nous soutiennent aussi. Cela viendra mais il faut encore un peu de temps (la patience est tout) Et puis il y a ceux qui croient en la portée de notre initiative et qui peuvent nous soutenir par un don. Nous avons mis en place à ce titre une capable crowdfunding pour co-financer avec nous cette campagne de promotion sans précédent.

Les actions du Collectif Bollyciné sont bénévoles. Comment l'association parvient-elle à perdurer ? Grâce aux entrées réalisées ? Grâce aux dons ?

Sarah : C’est la passion et l’énergie qui font que nous sommes toujours là, c’est la reconnaissance de Salman Khan qui font que nous sommes convaincus d’être sur le bon chemin même si c’est difficile. Nous sommes très fiers d’avoir initié le déploiement du cinéma indien en province et nous souhaitons poursuivre dans cette voie sans compter tous les projets en parallèle que nous avons en tête. Mais l’association n’a aucun fond propre au jour d’aujourd’hui mais nous savons que c’est simplement transitoire et qu’il nous faut être patients. Les dons sont peu nombreux car je pense que les gens ne sont pas conscients du caractère bénévole de notre action et de sa nature associative.

interview sarah bollyciné Quels sont les éléments qui peuvent pousser les petits cinémas (donc hors gros multiplexes comme le Kinépolis de Lomme, par exemple) à accorder une place à la projection d'un film indien ?

Sarah : J’ai toujours défendu le cinéma indien comme n’importe quel autre film avec les exploitants en mettant en avant le meilleur de ce que j’en connaissais. J’essaie toujours de trouver des arguments forts qui attireront l’attention. Car l’idée c’est de le démocratiser et de le rendre accessible au plus grand nombre. Il faut que les cinémas soient convaincus comme nous, la passion fait le reste. Les cinémas se montrent aussi beaucoup plus ouverts et notre action parle pour nous. Je n’ai pas beaucoup de mal à les convaincre.

Quels sont les projets à venir du Collectif Bollyciné ? Sur quels autres pans l'association est-elle susceptible d'intervenir ?

Sarah : Je souhaite développer le pôle média avec Bollyciné avec une équipe dédiée afin de consolider notre travail de promotion. Je travaille sur un concept particulier. Et puis il y a l’événementiel sur lequel nous envisageons de nous concentrer pour 2018-2019 toujours en lien avec notre action de promotion nationale. Je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment.

Enfin, qu'est-ce qui fait de Tubelight un film à voir absolument ? En quoi ce métrage s'annonce atypique ?

Sarah : Je serais tentée de dire que si vous avez aimé Bajrangi Bhaijaan vous aimerez Tubelight. On connaît le travail de Kabir Khan, sa sensibilité et sa manière de tirer le meilleur de ses acteurs. On sait qu’on s’engage sur une aventure émouvante forte entre rires et larmes. On a tellement besoin de ça aujourd’hui, savoir qu’en l’humain existe encore l’espérance, la tolérance. Tubelight assurément vous redonnera foi en l’humanité. Bon film et n’oubliez pas que Salman Khan a un regard sur cette sortie, on compte sur vous !
mots par
Asmae Benmansour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."