Bolly&co Magazine

La critique de : Ishaqzaade (★★★★★)

26 juin 2017
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— Cet article a été publié dans le numéro 7 de Bolly&Co, page 115.

Qayamat Se Qayamat Tak, Dil, Heer Ranjha, Maine Pyaar Kiya, Devdas... Le cinéma hindi compte bon nombre de drames romantiques, aux issues heureuses comme tragiques. Mais depuis quelques années en Inde, la tendance est plutôt aux romcom légères et modernes dans la veine de Hum Tum, Love Aaj Kal et Cocktail. Les personnages se veulent libérés du poids des traditions, émancipés de tout sens du devoir et plus indépendants de corps et d’esprit. Le cinéma s’adapte à son audience, et comprend que les films « à l’ancienne » ne séduisent plus autant les indiens, bien qu’ils laissent les fans puritains nostalgiques de l’époque où des films comme 1942 : A Love Story ou Hum Aapke Hain Kaun constituaient des standards de la romance de Bollywood. Mais comme le cinéma indien est imprévisible, des œuvres inédites comme My Name Is Khan côtoient des masala tels que Dabangg ; de l’art de mêler l’avant-garde au conventionnel.

La maison Yash Raj a donc mixé tradition et modernité en proposant des romances nouvelles mais ancrées dans l’Inde du terroir, avec ses quartiers populaires et ses champs de moutarde. Le public lui donnera raison par deux fois en faisant de Band Baaja Baaraat et Mere Brother Ki Dulhan de véritables plébiscites populaires et d’estime. C’est ainsi que la célèbre bannière propose en 2012 le film Ishaqzaade ; qui met en scène le débutant Arjun Kapoor (fils du fameux producteur Boney Kapoor et beau-fils de la diva Sridevi) et offre son premier rôle principal à la pétillante Parineeti Chopra (cousine de Priyanka, qui jouait un personnage secondaire dans Ladies V/S Ricky Bahl). Réalisé par Habib Faisal à qui l’on doit le très bon Do Dooni Chaar (avec le couple mythique Rishi Kapoor et Neetu Singh Kapoor), ce drame romantique s’illustre par son rythme haletant, sa musique mémorable et ses interprètes lumineux.

Regard sur l’un des films les plus accrocheurs de l’année 2012...



Parma Chauhan (Arjun Kapoor) est une tête brûlée, petit-fils du politicien hindou Surya Chauhan (Anil Rastogi) et ennemi juré de la famille Qureshi, dont le patriarche est également le leader Aftab Qureshi (Ratan Singh Rathore) du parti politique opposé, de confession musulmane. La fille de ce dernier, Zoya (Parineeti Chopra) a toujours eu Parma en horreur, et ce depuis l’enfance. Mais le jour où la jeune femme ose gifler Parma en public, il promet de se venger, au risque que ses manipulations ne le mènent sur un sillage beaucoup plus romanesque...

Il faut savoir qu’Arjun Kapoor devait être lancé par la sous-branche de Yash Raj, Y-Films, avec le film Virus Diwan. Mais la postproduction ayant pris beaucoup plus de temps que prévu, Aditya Chopra a donc demandé à Habib Faisal un scénario sur mesure pour le jeune comédien. Le personnage de Zoya a en revanche été écrit pour Anushka Sharma, protégée du producteur depuis ses débuts dans Rab Ne Bana Di Jodi, en 2008. Le refus de la jeune femme a donc permis à Parineeti de récupérer le rôle, après les acclamations de son jeu dans son premier film Ladies V/S Ricky Bahl, qui lui a permis de remporter tous les prix de Meilleur Espoir Féminin en 2012.

L’histoire de Parma et Zoya, entre amour et haine, entre passion et trahison ; s’inscrit dans la lignée des grands drames du cinéma hindi cités précédemment. Pourtant, un parfum de rébellion s’en dégage. Parma et Zoya sont deux chiens enragés, qui se laissent guider par leur instinct impulsif plutôt que par leur cœur. C’est bien malgré eux qu’ils finissent par s’aimer, et c’est en voulant se détester qu’ils finissent par ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre. C’est dans leur soif de haine que triomphe leur amour. La relation des deux amants est loin d’être pure, innocente et romantique. Elle est passionnée, entière et destructrice.

Si le schéma de l’amour impossible est déjà vu, la personnalité de Parma comme celle de Zoya font de Ishaqzaade une œuvre unique.

On a ici droit à des héros peu conventionnels, authentiques et réalistes ; pas à de gigantesques caricatures de l’héroïne timide et du héros omnipotent. On n’est pas dans Dabangg ou dans Veer Zaara, où tout est ‘larger than life’, où tout est magnifique et grandiloquent. Parma et Zoya nous ressemblent par leur spontanéité, par leur maladresse et leur rage.

Zoya est trop incisive, Parma est franchement benêt ; et c’est comme ça qu’on les aime ! En apparence, Zoya est brillante et vise une carrière politique comparable à celle de son père ; Parma est un élève médiocre qui a redoublé 5 fois sa première année. Mais c’est dans l’essence même de leur caractère que Parma et Zoya se sont trouvés : deux âmes échauffées et prêtes à exploser au visage de l’autre, formatées par leurs familles pour se détester.

La force de Ishaqzaade, c’est d’être imprévisible.

Pourtant, le chemin semble tout tracé : ils ne peuvent pas se voir en peinture mais vont finir par s’aimer ; et ce contre l’avis de leurs familles, ils vont fuir et sans doute se construire une cabane dans la montagne pour se marier et vivre heureux pour toujours ? Mais à l’intermission, on est juste avachi sur notre chaise, interloqué par ce qu’on vient de voir et par quel chemin le scénariste nous a mené, loin de nos expectatives de départ. Ishaqzaade surprend, choque même parfois ; et nous prend surtout aux tripes.

Comme il y a très peu de place pour les seconds couteaux dans un drame romantique, Arjun Kapoor et Parineeti Chopra portent clairement le film sur leurs solides épaules. En effet, les deux jeunes comédiens sont excellents, leur étrange alchimie vacillant entre attraction et répulsion fonctionne à merveille, on prend un plaisir monumental à suivre leur histoire avec ses quelques hauts... Lire la suite ?

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
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