Bolly&co Magazine

Tovino Thomas, l’inattendu

21 janvier 2019
tovinos thomas filmographie bollywood — Cet article a été publié dans le numéro 14 de Bolly&Co, page 110.

C’est vraiment en un temps record que cet acteur malayalam s’est imposé sur grand écran. Impossible aujourd’hui de passer à côté de ce géant au visage qui se transforme, tantôt vilain à moustache, tantôt gangster naïf, tantôt héros barbu… Tovino Thomas aime définitivement changer de costume. A tous les coups, un jour, vous vous êtes dit : « Mais où est-ce que je l’ai déjà vu, celui-là ? », à moins que l’industrie de Mollywood reste encore un mystère pour vous.

Avant qu’il ne rafle tous les prix et qu’il devienne la mégastar qu’on est persuadées de le voir devenir, il faut qu’on vous présente ce nouveau visage du sud.




Trois ans pour démarrer
L’INGÉNIEUR INFORMATIQUE DEVENU ACTEUR DE CINÉMA.

Comme beaucoup, Tovino a rêvé de cinéma, mais n’a pas tenté sa chance tout de suite. « Je n’ai jamais dit à ma famille ou à mes amis que je voulais être acteur, ils m’auraient envoyé dans un asile (rires). En plus, je n’ai jamais montré mes talents à l’école ou à l’université et les rares fois où je l’ai fait, c’était un désastre. » Il a donc d’abord poursuivi ses études en électronique à l’Université d’Ingénierie du Tamil Nadu pour ensuite trouver un job qui pourra subvenir à ses besoins. Jusqu’à ce que la réalité le rattrape.

« Lorsque j’ai trouvé mon premier emploi en tant qu’informaticien, j’ai vite compris que quelque chose me manquait dans la vie.» Il décide alors de tout lâcher pour réaliser son rêve et pendant longtemps, Tovino essuie de multiples refus.

Les auditions se concluent toutes de la même façon : l'acteur n'aurait, apparament, pas les épaules pour le cinéma malayalam. Il galère complètement, inquiétant ses parents et ses amis, dans une profession qui n’apporte pas toujours de sécurité financière. Heureusement, ils ne lui tournent pas le dos. « Lorsque mon premier court-métrage est sorti, c’était comme un rayon d’espoir, un soulagement pour eux. Quand vous êtes entouré de personnes qui croient en vos rêves, alors l’échec n’est pas possible. » Et puisqu’il n’est pas un fils de, il entre au cinéma par les coulisses en devenant l’assistant réalisateur de Roopesh Peethambaran sur le tournage de Theevram en 2011.

Cette expérience lui donne un aperçu des rouages du cinéma malayalam et l’aidera à se décider quant à la façon dont il souhaite aborder sa carrière. « Le cinéma est un art, pas un business. Une fois qu’un film est projeté à l’écran, il devient une part de l’histoire. » En parallèle et puisqu’il n’est franchement pas désagréable à regarder, il fait quelques jobs pour des publicités et admet que c’est ce travail-là qui a contribué à son entrée dans l’industrie. C’est d’ailleurs un cheminement par lequel de nombreuses stars sont passées avant lui, mon actrice préférée en tête : Preity Zinta (elle a été remarquée en plein tournage d’une publicité avant d’être lancée dans Dil Se). Si son tout premier rôle dans Prabhuvinte Makkal en 2012, drame sur la religion dans une famille mixte, passe inaperçu au cinéma, il faudra attendre que le métrage soit disponible sur Youtube pour qu’il soit jugé par l’audience et le retour est correct. « Je n’étais pas déçu à l’époque, puisque j’espérais tourner dans d’autres films après. D’ailleurs, ce film a été une sacrée expérience pour moi. »

Avec ABCD (American Born Confused Desi) en 2013, il se démarque en politicien véreux et réussit à se faire une place malgré la présence d’une autre star du cinéma : Dulquer Salmaan. Un premier rôle secondaire négatif qui va lui ouvrir les portes d’une carrière intéressante...

tovino thomas malayalam abcd Trois ans pour trouver une place
Les rôles secondaires qui changent tout.

Tovino Thomas s’incruste dans les métrages qui cartonnent, campant des rôles importants mais secondaires, laissant volontiers d’autres acteurs être sous les feux des projecteurs. Il n’est jamais vraiment en tête d’affiche, mais prend la place nécessaire et illumine la caméra à chacune de ses scènes. Surtout, il ne se répète pas ! « Je ne compte pas tomber dans les stéréotypes durant ma carrière. C’est ma passion d’explorer mon potentiel et de m’améliorer à travers ma profession. Je ne veux pas rester dans ma zone de confort. » En 2014, il est l’affiche de deux films : le polar 7th Day aux côtés de Prithviraj et Koothara avec le grand Mohanlal.

« Mohanlal m’a donné plein de conseils durant le tournage de Koothara et Prithviraj m’a aidé à améliorer la scène finale de 7th Day. J’apprends quelque chose de nouveau avec chacune de mes co-stars. » Tovino, c’est le genre d’acteur qui a besoin de se sentir lui-même quel que soit le tournage sur lequel il se trouve. Il fait aussi bien attention au réalisateur et à sa vision des choses, qu’aux techniciens et aux autres comédiens. Il aime dire qu’il se fait de nouveaux amis à chaque fois, ce qui l’encourage à se donner à 100% quel que soit le travail qu’on lui demande.

En 2015, il remporte ses premiers prix, dont le Filmfare Award South du Meilleur Acteur Secondaire pour le personnage de Perumpparambil Appu dans le très beau Ennu Ninte Moideen, dans lequel il retrouve Prithviraj et fait face à la belle Parvathy. Sensible et marquant, il est loin des rôles négatifs qu’il portait dans ABCD ou 7th Day. « Je n’ai jamais reçu autant d’appels de ma vie ! C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’avais une place au cinéma. » La même année, il retrouve le réalisateur qui lui a donné sa première opportunité et fait une apparition spéciale dans le film Charlie. Mais il excelle aussi en professeur de gym maladroit qui donne des conseils à tout bout de champ, véritable élément comique de You Too Brutus, démontrant ainsi qu’il peut aussi nous faire hurler de rire !

En 2016, il participe à 4 projets différents. Il s’essaye de nouveau au rôle du vilain à travers son premier masala, Style, puis il enchaîne deux apparitions spéciales dans Monsoon Mangoes et 2 Penkuttikal. Surtout, il est au casting de Guppy, dans lequel il incarne de nouveau l’ennemi du héros en ingénieur décidé et des plus sérieux. Mais cette fois, ce héros est un enfant rebelle et le duo que Tovino forme avec le jeune Chethan Jayalal est tout simplement formidable.

Si le métrage fait un flop, la critique ne manquera pas de féliciter l’équipe. Loin d’incarner un personnage facile, il remportera également des prix et sera de nouveau nommé pour le Filmfare Award South du Meilleur Acteur Secondaire. « Dernièrement, certains médias m’ont suggéré d’éviter de jouer des rôles secondaires, mais ça n’a aucun sens. Cela me rend heureux de contribuer à un film, même un peu, en faisant une scène ou deux.»

tovino thomas malayalam guppy Trois ans pour conquérir le monde
Les succès qui ne cessent plus de faire parler de lui.

En dehors d’Ezra (avec Prithviraj, de nouveau), Tovino Thomas est la tête d’affiche (pour la première fois) de tous ses autres projets de l’année dont la première production malayalam de l’acteur Dhanush. Tous cartonnent, propulsant alors l’acteur comme l’une des révélations du cinéma malayalam d’aujourd’hui. Aucun de ses films ne se ressemble et chacun met en valeur les différents visages que l’acteur est capable d’interpréter.

« J’ai entendu dire que certains acteurs se préparaient physiquement pendant des mois avant le tournage d’un film mais honnêtement, je ne le fais pas. J’étudie simplement le personnage avant de passer devant la caméra. C’est ce qu’il y a de plus important. » Pour être honnête, je n’avais jamais vu un combo aussi parfait en si peu de temps. C’est un peu une recette secrète : comment cartonner en 4 films et devenir la prochaine superstar de toute une industrie, par Tovino Thomas.

Mars 2017
Oru Mexican Aparatha,la satire politique.

Il joue qui ? Il est d’abord le révolutionnaire Sakhavu en 1975, le temps de l’introduction de l’histoire principale où il interprète l’étudiant Paul.

Et ça parle de quoi ? De la guerre entre deux partis politiques, dans une université ! Ou comment Paul incarne la réincarnation de Sakhavu, alors qu’à la base, il n’en a rien à cirer de tout ça...

Mai 2017
Godha, le film sportif.

Il joue qui ? Das, qui veut faire du cricket, mais que son père envoie au Punjab pour étudier et faire quelque chose de sa vie.

Et ça parle de quoi ? De la lutte, de sa signification quelles que soient les générations ou la région ! Entre le père de Das, véritable légende et la jeune Aditi, la même passion les unit...

Septembre 2017
Tharangam, la comédie noire.

Il joue qui ? Le drôle de policier Pappan, qui est chargé de suivre la femme d’un businessman. Un job comme un autre, pensait-il...

Et ça parle de quoi ? Des situations complètement barges dans lesquelles des flics peuvent se retrouver durant une enquête qui, au départ, semblait basique. Petit à petit, c’est le chaos..

Décembre 2017
Mayaanadhi, la comédie romantique.

Il joue qui ? Maathan, un gangster en fuite, perdu, avec une bouille innocente et une naïveté enfantine. Et puis surtout, amoureux.

Et ça parle de quoi ? Des retrouvailles de Maathan avec la belle Appu, qui n’est pas forcément ravie de voir débarquer son ex dans le coin. Et puis des flics qui cherchent Maathan...

En 2018, Tovino ne se contredit pas : s’il peut jouer dans un film et y contribuer à sa manière, il le fait. Il participe ainsi au biopic Aami, dans le rôle de la conscience (sous la forme de Lord Krishna) de l’auteure Kamala Das. Enfin, il fait ses débuts à Kollywood avec Abhiyude Kadha Anuvinteyum (Abhiyum Anuvum pour Mollywood, le film ayant été tourné dans les deux langues).

tovino thomas malayalam Mayaanadhi Dans ce drame romantique, Tovino surprend encore dans la peau d’un personnage spontané, qui tombe amoureux via une conversation sur Facebook et qui décide de se marier sur un coup de tête ! Abhiyude Kadha Anuvinteyum met en avant un réel questionnement sur la jeunesse d’aujourd’hui et la complexité d’une relation via les interdits, mais sa réalisation et son écriture ne vont pas au bout du sujet et laissent indifférent.

A côté, il sort deux autres films à Mollywood, en l'occurrence Maradona et Theevandi. Dans le premier, il est dépeint en sociopathe qui doit déménager suite aux problèmes qu’il a apportés à sa famille. La critique applaudira la manière dont est narrée l’histoire ainsi que la caméra, vivante et rafraîchissante. Dans le second, il est Bineesh, dont la vie tourne autour d’un simple élément : la cigarette. Toute l’histoire retrace son existence, son évolution et met en avant une addiction réelle et omniprésente dans la communauté. Aussi, ce métrage en profite pour parler de la politique dans les villages et pointe du doigt les dysfonctionnements de la société actuelle.

En novembre, il sera à l’affiche du thriller Oru Kuprasidha Payyan du réalisateur Madhupal, dans lequel il se retrouve confronté à un meurtre non résolu. Enfin, Chengezhi Nambiar, annoncé en 2016, devrait normalement sortir en cette fin d’année. Ce métrage de Sidhil Subramanian est un drame historique dans lequel l’acteur s’est métamorphosé. Il a également terminé le tournage de Luca de Arun Bose, dans lequel il jouerait les artistes. Mais aucune information quant à l’histoire n’a encore été déclarée et seul un aperçu a été partagé en ligne, début 2018. En 2019, la liste est déjà très longue !

Clairement, Tovino n’a pas à s’inquiéter quant à sa carrière, qui décolle indéniablement ! Il le dit lui-même : il a bien une dizaine de projets en cours, rien que ça. Les tournages s’enchaînent et il ne cesse d’annoncer de nouveaux objectifs à chaque mois. D’ailleurs, s’il y a un truc qu’il n’aime pas dans le cinéma, ou plutôt qui l’embête, c’est de refuser de jouer dans un film. « Je n’aime pas dire non à des réalisateurs qui sont motivés. Je sais l’effort qu’ils mettent dans le script et je trouve ça terrible de refuser, mais je dois aussi faire attention à ma carrière.» Surtout, lorsqu’il participe à une histoire, il ne souhaite qu’une chose : que le film n’ait pas de perte. Après tout, il se sent responsable d’un flop ou d’un succès, surtout lorsqu’il est le personnage principal du métrage en question.

Ce qui arrive bientôt :

And The Oscar Goes To de Salim Ahamed, dans lequel Tovino est un réalisateur qui galère au cinéma. Lucifer, la première réalisation de son ami Prithviraj avec Mohanlal, Manju Warrier, Indrajith et Vivek Oberoi entre autres. Il se transformera de nouveau en policier dans Kalki, un superproduction du cinéaste Praveen Prabharam et quand on lui demande s’il n’a pas peur de se montrer répétitif, il précise : « Je ne crois pas avoir joué deux fois le même personnage. Même si, par exemple, j’ai déjà été un policier deux fois, les deux protagonistes restent très différents. » Il retournera également à Kollywood avec deux projets très intéressants !

tovino thomas malayalam Luca D’abord, le prochain film de Gautham Menon intitulé Ondraga. Selon le réalisateur, l’histoire tourne autour du Karthik (du film Vinnaithaandi Varuvayaa) et la série d’événements qui se produit après qu’il retrouve trois de ses amis lors d’un mariage. Le comédien Simbhu ayant refusé de reprendre son rôle, c’est Madhavan qui le remplacera. Enfin, il partagera l’écran avec Dhanush dans Maari 2 dans lequel il retrouvera les traits de l’antagoniste, un choix audacieux pour un acteur dont la popularité ne cesse d’augmenter ! Il a aussi annoncé un nouveau film à Mollywood, dans lequel il tiendra le rôle principal, avec le réalisateur Swapnesh K Nair, dont ce sera le premier long-métrage.

En conclusion...

La presse indienne le surnomme l’Aamir Khan du Sud (mais aussi le dieu grec du Kerala, mais ça, j’ai pas besoin d’expliquer pourquoi...), puisqu’il n’a jamais la même tête et qu’il se dévoue corps et âme pour ses personnages. Quand on lui demande ce qu’il a appris de sa carrière jusqu’ici, il répond avec modestie: « J’ai appris à jouer ! A travers les années, je n’ai jamais cessé d’apprendre et de grandir en tant qu’acteur. J’ai souvent l’impression de n’être qu’un étudiant de cinéma qui doit encore progresser !»

Pourtant, Tovino Thomas est toujours irréprochable, même dans ses rôles les plus limités, et parvient à transmettre ce qu'il faut à ses personnages pour qu'on y croit.



J’ai du mal à voir ce qu’il va apprendre de plus tant j’ai l’impression qu’il sait déjà tout faire.
mots par
Elodie Hamidovic
"A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur."
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