Critique : Pathaan. (★★★★☆)

jeudi 26 janvier 2023
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Si vous me suivez sur les réseaux sociaux de Bolly&Co, sur notre podcast ou même sur mon compte Tiktok, vous savez que le projet Pathaan était très loin de m’enchanter… Retrouver Shahrukh Khan au cinéma est évidemment un plaisir que je ne comptais pas bouder, mais j’étais inquiète à la perspective de ce film d’action bourrin sans âme, dont j’avais le sentiment qu’il avait été initié uniquement pour remettre son acteur principal en selle… 

Bref, j’étais vraiment dubitative, et quelque peu fataliste par rapport à la trajectoire que prenait le cinéma populaire de Bollywood. Par-dessus le marché, je suis allée découvrir Pathaan après avoir passé 24 heures assez compliquées, dont un passage aux urgences la nuit précédente… Voilà, j’étais clairement pas fraîche ! Et je savais donc pertinemment que je ne laisserais rien passer, surtout dans mon état. Comprenez-moi, je me privais du sommeil dont j’avais cruellement besoin uniquement pour voir King SRK. Il n’avait donc pas intérêt à me pondre une énième bouse ! Je suis encore traumatisée par Zero, plus de 4 ans après sa sortie… 

Et là, je dois être sincère avec vous. J’avais tort. Sur toute la ligne.

Pathaan est non seulement parvenu à me faire oublier la fatigue, mais il m’a fait passer un excellent moment. Il faut avoir en tête une chose que j’ai déjà expliquée dans plusieurs de mes écrits, mais qui est ici particulièrement importante : tout film s’inscrit dans un contexte. Et cette notion de contexte est plurielle. Il y a tout bêtement le contexte de visionnage : est-ce au cinéma, devant mon téléviseur, sur un téléphone ? Suis-je seule ? Accompagnée ? Y-a-t-il du bruit autour de moi ? Ensuite, il y a le contexte de chaque spectateur : dans quelles conditions arrivez-vous ? Quel est votre état d’esprit ? Quelles sont vos attentes ? Etes-vous en forme ? Et puis, il y a le contexte sociétal et politique. Et c’est là que, pour moi, Pathaan devient magique. 

‌ Parce qu’en toute honnêteté, s’il était sorti en 2012 (soit à la même époque que le Ek Tha Tiger de Salman Khan), je l’aurais trouvé sympathique mais pas spécialement marquant. En 2012, le BJP n’est pas encore au pouvoir et la liberté d’expression était préservée. Du coup, un film d’action bourrin ne relevait pas de l’immense originalité à mes yeux… Mais nous ne sommes pas en 2012. Bollywood vit une période très inquiétante, avec une main mise sur son art par les politiques. Ce qui donne lieu à des films de propagande agressifs et dangereux, auxquels participent certaines des plus grosses stars du pays…

Shahrukh Khan allait-il y céder à son tour ? Allait-il devenir le nouveau pantin de Narendra Modi pour assurer son retour après 4 ans d’absence ?  Telle était ma plus grande peur. Qui ne s'est heureusement pas concrétisée. Amen !

Pathaan s’inscrit dans un univers étendu initié par la société de production Yash Raj Films avec 3 films qui le précèdent : Ek Tha Tiger (2012), Tiger Zinda Hai (2017) et War (2019). Ces trois œuvres, de qualité variable, portaient toutefois en leur sein un message d’unité et de pluralisme, déconstruisant tous les clichés possibles et imaginables autour de la communauté musulmane ou du Pakistan. Bref, même s’ils constituaient des divertissements assez classiques, leur démarche était saine. Et je suis tellement contente que Pathaan ait suivi cette voie ! Le film, qui prend clairement la forme d’un actioner régressif et décomplexé, n’a jamais peur de prendre position. Shahrukh Khan, Deepika Padukone et John Abraham n’ont pas eu peur de porter un récit qui va à l’encontre de ce que le gouvernement a tenté d’instiller dans les esprits des spectateurs ces dernières années. Non, on ne va pas diaboliser le Pakistan. Non, tous les indiens ne sont pas pétris de bonnes intentions. Non, on ne va pas faire dans la désinformation et réécrire l’histoire pour qu’elle convienne à l’agenda du Premier Ministre… Le métrage porte un sous-texte non seulement rafraîchissant et rassurant, mais surtout assez courageux. Se dire que le réalisateur Siddharth Anand a écrit une histoire au symbolisme aussi fort pour en faire un blockbuster qui s’adresse aux masses, cible principale du BJP… Ça fait du bien ! Le tout en sollicitant la plus grande star musulmane du pays et en saupoudrant son récit de références et d’hommages à la culture musulmane… Il fallait avoir des couilles. 

En tant qu’objet cinématographique, Pathaan livre du grand spectacle.

C’est rythmé, efficace et porté par un trio impliqué. Alors oui, en termes de narration, il y a des facilités, des grosses ficelles et des twists assez téléphonés... Mais les protagonistes nous tiennent de bout en bout. John Abraham, qui avait cédé à la pression en jouant dans plusieurs films au nationalisme brutal, incarne ici un antagoniste remarquable. Clairement, Pathaan nous rappelle à quel point John est un acteur formidable, qui n’a pas bénéficié des opportunités qui lui auraient permis de réellement percer. Sa prestation est intéressante, aidée par un arc narratif autour de ses motivations qui tient plutôt bien la route. 

Deepika Padukone m’a quant à elle agréablement surprise. Il faut dire que les quelques extraits dévoilés ne la mettaient pas en valeur, présentée comme la jolie cruche qui fait de l'œil à SRK. Elle incarne ici une espionne pakistanaise aux intentions troubles. Et si clairement, son sex-appeal fait partie intégrante de l’écriture de son personnage, il ne s’y limite pas. J’aurais toutefois apprécié d’en savoir plus la concernant, tout comme j’étais frustrée que le passif de la Zoya d’Ek Tha Tiger ne soit pas étoffé. Mais la comédienne se débrouille très bien, et partage une alchimie explosive avec son partenaire. 

Justement, il est temps de parler de lui. De celui qui m’a poussée à sortir de mon lit alors que je me tordais de douleur... Shahrukh Khan. Je vais commencer à clamer l’évidence : Shahrukh, je t’aime.

Parce qu’après plusieurs années de films franchement médiocres, j’avais comme l’impression qu’on l’avait perdu… Si seulement j’avais su ce qu’il nous préparait ! L’acteur transpire de magnétisme et en plus, il se donne à fond. Lui qui a incarné pendant des années le jeune premier romantique a enfin réussi sa transition vers le genre de l’action. Certes, il était très convaincant dans les deux Don, sortis en 2006 et 2013, mais il y était surtout aidé par l’écriture fine de Farhan Akhtar. Ici, c’est Shahrukh qui fait le show, comme c’est Shahrukh qui porte le message et l’élan de Pathaan sur ses solides épaules. Et quel bonheur de le retrouver au top de sa forme dans un film à sa hauteur ! 

Plus que tout, Pathaan me donne beaucoup d’espoir. Car j’ai envie de croire qu’après toutes ces années d’inactivité et de silence face aux mutations de son pays, Shahrukh est revenu, bien décidé à faire bouger les choses. J’en viens même à être très impatiente à l’idée de découvrir Jawan et Dunki, ses prochains métrages prévus pour 2023. 

En conclusion



Je tiens vraiment à présenter mes plus plates excuses à l’équipe de Pathaan. Je suis désolée de ne pas avoir cru en vous, et surtout en toi, Shahrukh. Ciel, que j’aime avoir tort de cette façon ! 
LA NOTE: 4/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?