Critique : Thunivu. (★★★☆☆)

vendredi 13 janvier 2023
bollywood critique cinema thunivu
Ce jeudi 12 janvier, je suis allée découvrir Thunivu, le nouveau film de la superstar tamoule Ajith. Il faut dire que cette sortie événement s’inscrit dans un contexte particulier puisque le même jour, le concurrent direct d’Ajith proposait également son dernier métrage : Vijay avec le blockbuster Varisu (dont la critique est également prévue, rassurez-vous). 

Evidemment, les fanbases de ces deux vedettes sont dans une opposition historique. En somme, soit on aime Vijay, soit on aime Ajith… Personnellement, je n’ai pas vraiment d’avis sur cette rivalité puisque mes acteurs tamouls préférés s’appellent Dhanush et Vijay Sethupathi… Du coup, je suis tranquille ! Cela dit, je suis toujours curieuse à l’idée de découvrir un blockbuster de Kollywood, d’autant que depuis quelques années, ce format très grand public sert aussi de plateforme à des messages plus engagés. On l’a vu avec Vijay qui parlait de causes féministes dans son Bigil (sorti en 2019), par exemple. 

Mais alors, qu’en est-il de Thunivu ?



Je vais être honnête avec vous, ce qui m’enchantait le plus à la perspective de ce film, c’était la présence de l’actrice Manju Warrier à son casting. Signant seulement son deuxième projet en langue tamoule après Asuran, Manju est une grande dame de l’industrie malayalam, et une comédienne que j’apprécie énormément. Elle a servi jusque-là beaucoup de films ‘women centric’ aux causes fortes. J’étais donc intriguée de la voir dans un format plus mainstream et dans l’exercice ô combien risqué de l’actioner. 

Aussi, je dois avouer que l’une des choses que je trouve appréciable chez Ajith, c’est le fait qu’il assume pleinement ses signes extérieurs de vieillesse.

Il fait partie des rares acteurs de sa génération à afficher ses cheveux grisonnants, là où d’autres ont encore recours aux perruques à plus de 70 ans…  Mais revenons-en au film. Parce que je n’avais pas d’attente particulière à son sujet, si ce n’est de ne pas trop m’ennuyer… Thunivu démarre donc comme un film de braquage assez classique, avec un anti-héros insolent et charismatique. Et à ce moment-là, je dois dire que j’ai un peu peur. Ce sera du huis clos ? Qui ne se déroule que dans une banque ? Pendant 2h30 ? Heureusement, le métrage nous pose du contexte, et comme souvent dans ce genre de productions, les intrigues se multiplient et s’entremêlent pour former un tout qui donne du sens au propos du héros.

Thunivu ne brille pas vraiment par son originalité, mais il a le mérite incontestable d’être très efficace. Le rythme est saccadé, on ne perd pas une plombe à introduire les personnages et leurs enjeux. Pour autant, on arrive tout de même à être surpris à certains endroits et, au final, on savoure juste cette masterclass de la part d’un Ajith plus fringant que jamais. 

Cela dit, Thunivu est aussi truffé d’occasions manquées.

La plus grosse erreur du film selon moi, c’est d’avoir relégué Manju Warrier à un rôle accessoire. Une actrice d’un tel calibre, et dont la physicalité m’a impressionnée dans ses quelques séquences d’action, qui est ici réduite au statut de faire-valoir… C’est vraiment regrettable, puisque le cinéaste aurait justement pu jouer de la dynamique entre Ajith et elle, leur créer une histoire commune plus solide (et sans nécessairement impliquer la moindre romance). Finalement, on ne sait presque rien du personnage de Kanmani et pour moi, c’est un gâchis monumental et difficilement pardonnable. 

La mise en scène de H. Vinoth, qui avait déjà travaillé avec Ajith sur les films Nerkonda Paarvai (remake tamoul du drame hindi Pink) et Valimai, est en dents de scie. La cadence extrêmement soutenue du film donne parfois le sentiment que son image est expédiée, avec des plans uniquement fonctionnels qui n’ont que vocation à mettre en valeur son héros. Ce n’est pas une surprise, mais pour la plupart des blockbusters portés par d’immenses stars masculines (qu’il s’agisse de Rajinikanth, d’Ajith, de Vijay ou même de Dhanush), les cinéastes mettent tout en oeuvre pour que la caméra glorifie leurs héros, leur livre une ‘entry’ digne de leur popularité. Ce qu’on ne voit presque jamais pour les femmes, même pour les superstars que sont Nayanthara ou Samantha. 

C’est un aspect du cinéma indien auquel je suis habituée, un gimmick bien ancré dans la culture locale qui, sur le principe, ne me gène pas tant que ça... Mais cette habitude a justement le travers d’avoir été usée, rongée jusqu’à la moelle, si bien qu’il est de plus en plus difficile de se frotter à l’exercice tout parvenant à rester créatif. Cela dit, il y a quelques plans qui sortent du lot, notamment une séquence d’action en travelling à couper le souffle. Mais c’est trop peu ou trop court pour réellement nous époustoufler. En tout cas, moi qui ai vu un bon paquet d’actioner indiens du genre, j’ai déjà vu mieux. Beaucoup mieux. 

Cependant, la véritable force de Thunivu ne réside pas dans les aspects précités, plutôt superficiels, mais dans son message.

Le film se positionne clairement sur le fonctionnement de l’économie indienne, notamment des grandes banques. Alors certes, c’est une vision très manichéenne de la situation, mais le métrage a le mérite de mettre un pied dans la fourmilière sans jamais vaciller. Thunivu est entier et va au bout de son propos, quitte à parfois en faire des caisses. 

Un des autres problèmes de l'œuvre, c’est la caractérisation de son héros. C’est un coup classique de nous faire passer un protagoniste pour ce qu’il n’est pas, de lui donner tous les attributs du grand méchant pour que, ô twist, il soit finalement pétri de bonnes intentions. Mais là, ce qui est gênant, c’est qu’on ne sait jamais réellement qui est ce “Dark Devil”, ni ce qui l’a amené à devenir ce qu’il est. Du coup, c’est difficile de s’attacher profondément à un personnage qui, malgré ses nobles motivations, ne nous donne rien de lui. 

‌La bande-originale de Ghibran est constituée de trois morceaux, trois tubes extrêmement efficaces mais dont la présence dans le film en casse quelque peu la dynamique. En effet, dans ce métrage très premier degré, quel est l’intérêt de pondre deux séquences musicales en studio qui ne servent en rien la narration ? C’est juste pour donner l’occasion aux fans de la première heure de se déhancher ? Cela aurait pu être amené plus intelligemment, ou utilisé dans l’intrigue pour faire avancer l’histoire… Hélas, on a uniquement l’impression que les chansons sont là pour respecter le cahier des charges des films à succès d’Ajith. 

En conclusion



Thunivu est un divertissement sympathique, mais clairement pas le meilleur de la carrière de sa star. Ses défauts sont trop nombreux pour qu'on puisse réellement le qualifier de réussite, et ce malgré de bonnes idées parsemées de ci delà et un casting impliqué. Le film ne vaut pour moi que 2 points sur 5, mais j’ajoute tout de même un point pour le bagout délicieux d’Ajith, qui sauve vraiment le métrage et nous sort régulièrement de l’ennui. 

Thunivu, sorti depuis le 11 janvier avec Night ED Films.

LA NOTE: 3/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
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