Critique : Farzi (★★★★☆)

vendredi 24 février 2023
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C’est l’anniversaire de mon acteur préféré, aujourd’hui ! En effet, depuis 2008, je suis une fan incontestée de Shahid Kapoor, que j’ai suivi dans les phases les plus tortueuses de sa carrière, et ce jusqu’à l’interprète d’exception qu’il est devenu. Je ne pouvais donc décemment pas passer à côté de Farzi (ou Faux en version française), son premier essai dans le format sériel. Sortie sur Prime Video le 10 février, la série dispose par ailleurs de sous-titres français et d’un doublage dans notre langue, ce qui est assez rare pour être souligné. Preuve que la plateforme mise grandement dessus ? Sûrement, tant le précédent show des réalisateurs, The Family Man, a rencontré un succès inattendu. Il fallait donc capitaliser sur l’excellente réputation du duo de cinéastes, Raj & DK, dont j’avais personnellement adoré le premier film, Go Goa Gone, sorti en 2013.

Au regard de tous ces éléments, j’avais donc de nombreuses raisons d’être enthousiaste. Mais au final, que vaut réellement cette première saison du programme ?



Sunny (Shahid Kapoor) est un peintre talentueux, mais qui n’a jamais réussi à percer. Pour subsister, il peint des copies d'œuvres d’art, mais ça ne lui permet clairement pas de vivre confortablement. Son meilleur ami Firoz (Bhuvan Arora) travaille au sein de l’imprimerie Kranti, fondée par Madhav (Amol Palekar), le grand-père de Sunny. Fatigués par la précarité de leur situation, à laquelle s’ajoute la faillite de l’imprimerie, les deux comparses décident de se lancer dans une affaire hautement risquée : le trafic de faux billets…

Je sais ce que vous allez vous dire. Le sujet du trafic de billets et du bouleversement d’une économie nationale a déjà été éculé au cinéma comme à la télévision. L’exemple récent qui a marqué les esprits, c’est celui de La Casa de Papel, série espagnole au retentissement mondial. Et là où on aurait pu craindre que Farzi ne s’inspire trop grossièrement de son homologue hibérique, il n’en est absolument rien ! La trame de Raj & DK est certes assez convenue, mais a au moins le mérite d’être originale. Le schéma narratif de l’ascension et de la chute est récurrent en fiction tant il regorge de dimensions multiples. C’est ce qui le rend presque systématiquement efficace. Et Farzi ne déroge pas à la règle car la série, malgré d’incontestables facilités narratives, fonctionne parfaitement.

Commençons par la mise en scène de Raj & DK, dont le sens du montage et la densité sont ici particulièrement accrus.

J’avais un souvenir plutôt tiède de The Family Man, dont je trouvais qu’il traînait vachement en longueur sur ses premiers épisodes. Farzi est beaucoup plus rythmé, si bien que ses épisodes de près d’une heure passent à une vitesse folle. C’est chargé en informations, ce qui peut rendre les deux premiers épisodes potentiellement indigestes pour certains. Mais heureusement, ça n’a pas été mon cas. Surtout, cette charge d’éléments permet ensuite de propulser l’histoire pour ne plus générer aucune rupture dans l’intrigue. En somme, on nous donne tout ce dont on a besoin pour comprendre les enjeux des protagonistes et les suivre sans sourciller dans la course dingue dans laquelle ils nous embarquent.

Il faut savoir que Farzi a d’abord été conçu comme un film en 2014, puis a été transformé en format série. Dès les prémices du projet, les réalisateurs avaient porté leur choix sur Shahid Kapoor, et je comprends clairement pourquoi. Shahid est Sunny du début à la fin. L’acteur est absolument irréprochable dans un rôle taillé pour lui, et qui s’inscrit quelque peu dans la continuité de ses dernières prestations de mâle alpha/écorchés vifs. Et si ce n’est pas sa prestation la plus surprenante, on ne peut enlever au comédien son impeccable maîtrise du personnage. Face à lui, le jeune Bhuvan Arora se révèle. La complicité qui lie les deux acteurs est sans pareille, si bien qu’on croit dès les premières minutes à la force de leur amitié.

Mais la raison principale pour laquelle j’attendais Farzi avec une telle impatience, c’est pour l’association entre Shahid Kapoor et un autre comédien que j’adore : Vijay Sethupathi.

Le Makkal Selvan signe ici son premier rôle en langue hindi (en attendant de le retrouver plus tard cette année dans Jawan, face à Shahrukh Khan). Et je dois dire qu’il excelle dans l’exercice du flic nonchalant et pas franchement honnête. C’est typiquement le genre de personnages qui lui vont bien, on n’est donc pas vraiment sur un rôle de composition. Ceci étant, on peut reconnaître à Raj & DK un sens du casting assez développé.

Raashi Khanna est de son côté très juste, bien que son personnage manque à mon avis de nuance. Elle est l’incarnation d’une certaine forme d’honnêteté et de droiture. Et c’est symptomatique de la mentalité indienne où la figure féminine (notamment maternelle) est toujours droite, toujours sacrificielle au milieu d’hommes qui n’ont de cesse de fauter. Il est dommage qu’on ne lui ait pas donné l’occasion d’être plus que ça, d’être définie autrement car l’actrice est tout bonnement formidable.

Kay Kay Menon et Shahid Kapoor se retrouvent ici après leur fructueuse collaboration dans le génial Haider en 2014.

Dans Farzi, Kay Kay incarne Mansoor, un gangster influent qui contribue largement au commerce illégal des deux amis. Et le comédien est de nouveau en terrain conquis avec ce personnage qui lui va comme un gant. Il sait être facétieux, charismatique et terrifiant quand il le faut. Enfin, quel plaisir de retrouver Amol Palekar dans un petit rôle très attachant, celui de l'honnête grand-père de Sunny. Il est d’ailleurs bon de rappeler que ce grand monsieur a remporté six National Awards tout au long de sa carrière d’acteur et de cinéaste, et qu’il a redéfini la comédie à l’indienne entre les années 1970 et 1980.

Farzi, en plus d’être une série d’arnaque efficace, pose en filigrane une véritable critique du système monétaire indien et de ses failles.

Il ose également dénoncer ouvertement le concept de méritocratie au sein d’un pays qui se réfère encore à son système de castes. Il y a des grosses ficelles, des arcs narratifs un peu paresseux, mais aucune scène n’est à proprement parler inutile. Tout a un sens dans Farzi, tout vient servir l’histoire qui nous est racontée. De plus, contrairement à beaucoup d’autres séries, Raj & DK ont dirigé la totalité des épisodes de Farzi, et ça se sent. Il y a une cohérence visuelle qui maintient l’attention du spectateur.

Personnellement, j’ai trouvé qu’à chaque épisode, la série montait en qualité, en impact. Et ce jusqu’à l’épisode final, véritable feu d'artifice qui annonce clairement une seconde saison. Cependant, et sans spoiler, les parenthèses qu’ouvre la conclusion de Farzi pourraient lui porter préjudice. Effectivement, il ne faudrait pas que le programme tombe dans une forme de prévisibilité et de conformité. Aussi, j’espère que Sunny ne deviendra pas un héros typique de films d‘action mais qu’il restera fidèle à ce qu’il était dès le début de la série.

En conclusion



Farzi est à découvrir de toute urgence. J’ai tellement aimé le programme que ça m’a donné envie de retenter un visionnage de The Family Man, pour voir ce à côté de quoi je suis manifestement passée.
LA NOTE: 4/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?