Critique : London Paris New York (★★★☆☆)
14 juin 2023
— Cet article a été publié dans le numéro 6 de Bolly&Co, page 84.
Entre février et mars 2012, Bollywood aura vu débouler au box-office une flopée de films romantiques : Tere Naal Love Ho Gaya, Ek Main Aur Ekk Tu, Jodi Breakers, Ekk Deewana Tha, Chaar Din Ki Chandni, Will You Marry Me… Le dernier de la liste est London, Paris, New York, une production de Goldie Behl (dont la dernière réalisation, Drona, avec Abhishek Bachchan et Priyanka Chopra, a lamentablement sombré au box-office) avec deux acteurs à la popularité encore fébrile : le chanteur pakistanais Ali Zafar et la comédienne de seconds rôles Aditi Rao Hydari.
Et bien qu’il n'ait pas émergé comme étant un “hit” , il est largement entré dans ses frais avec un petit budget (7 crores de roupies) et beaucoup de sincérité. Pourtant, on ne peut pas dire que le scénario de London, Paris, New York brille par son originalité. 2005 à Londres, Lalitha Krishnan (Aditi Rao Hydari), l’intellectuelle activiste pour les droits des femmes, rencontre à l’aéroport son compatriote indien : Nikhil Chopra (Ali Zafar), le coureur de jupons déjanté. En attendant la correspondance de la belle pour New-York, ils décident de passer la journée ensemble et se marrent franchement. L’une découvre l’enfant brisé qui rêve de devenir réalisateur, l’autre aide la jeune fille de classe moyenne à déployer ses ailes dans un univers qu’elle ne connaît pas. Ils s’attachent l’un à l’autre, car il suffit d’une seconde pour tomber amoureux. Mais Lalitha doit partir, et ils se séparent sur la promesse de Nikhil que, 6 mois plus tard, il viendra la retrouver…
Deux indiens qui se rencontrent dans une ville inconnue et qui tuent le temps en attendant leur vol… Pendant 9 ans, leur relation sera rythmée par leurs rencontres hasardeuses et impromptues, pour finalement leur permettre de laisser émerger leurs sentiments. L’intrigue de London, Paris, New York connue aussi sous l’acronyme de LPNY, se base sur un concept similaire : les deux amants se croisent, se retrouvent, se dévoilent et se déchirent pendant 8 ans, durant une seule journée dans trois villes différentes du globe. Et s’il y a lieu de comparaison, c’est parce que les deux films parviennent à nous émouvoir à leur façon, bien qu’on ait facilement une préférence pour le plus maîtrisé Hum Tum, devenu un classique.
Si l’intrigue tient sur un post-it, le film en lui-même tient la distance pendant les 100 minutes du métrage. London, Paris, New York doit beaucoup, que dis-je, énormément à ses acteurs. Il n’y a pas de seconds couteaux, juste un petit rôle d’informateur excentrique pour Mantra Mugdh et un cameo de papa en colère oubliable de Dalip Tahil. Ali Zafar et Aditi Rao Hydari portent ce film seuls, et ils l’assurent. Amplement. Avec brio. Mais sans propension à l’exhaustivité, on sent effectivement beaucoup d’humilité dans ce film et pas seulement du fait des moyens financiers restreints de cette comédie sentimentale. La caméra filme les personnages au plus près de leurs actes, de leurs joies et de leurs peines. Parfois, on a l’impression que le cameraman porte son engin à l’épaule afin de saisir chaque mouvement, chaque soupir, chaque expression des protagonistes.
Ali Zafar nous avait montré son immense potentiel comique avec Tere Bin Laden et Mere Brother Ki Dulhan. Son sourire, son froncement de sourcils et sa voix contribuent à faire de lui l’un des acteurs les plus craquants de sa génération, et lorsqu’il sort une vanne même douteuse ou peu risible, on est séduit. Mais avec London, Paris, New York, il passe un cap en tant que comédien, lui, le chanteur populaire du Pakistan. On le retrouve certes dans un registre relativement léger et suranné, mais son rôle d’amoureux lui permet surtout d’explorer sa fibre dramatique, notamment grâce à l’une des ultimes scènes du métrage dans laquelle il délivre toute sa hargne pour nous tirer les larmes des yeux en un quart de seconde. Grâce à son interprétation audacieuse, il met en exergue la pluralité de sa palette de jeu et va sans doute nous surprendre à l’avenir avec des œuvres moins lisses et plus engagées.
Belle, sensible et vulnérable, elle nous convainc volontiers de la véracité des états d’âmes de Lalitha, et on marche complètement sans même se faire prier, elle qui a longtemps été cantonnée à des seconds rôles acclamés par la critique comme dans Delhi-6, Rockstar et Yeh Saali Zindagi. Habituée aux rôles atypiques dans des métrages sérieux et travaillés, London, Paris, New York constitue son premier grand rôle dans un film plus aérien, moins sombre et plus jouissif. On la découvre drôle, pétillante… Elle constitue un véritable coup de cœur et nous prouve qu’elle mérite d’être mise en avant dans d’autres rôles principaux. C’est également un régal de l’entendre prononcer à de maintes reprises plusieurs phrases en français, et on peut dire qu’elle s’en sort mieux que Genelia D’Souza dans Tere Naal Love Ho Gaya !
Son alchimie avec Ali Zafar est palpable, ils sont tous les deux indéniablement adorables, totalement crédibles en amoureux tourmentés. On s’attache à eux à tel point qu’à la fin du film, on n’espère qu’une seule chose : de vite les retrouver dans un projet commun. Pourtant, tout cela aurait pu tourner à la catastrophe. Assurément, les deux héros sont des clichés géants à tel point qu’on a de prime abord l’impression de se retrouver dans une version alternative de I Hate Luv Storys, avec Imran Khan et Sonam Kapoor. Le tombeur allergique à l’amour et la fille réfléchie et romantique, il n’y avait pas mieux pour tomber dans le déjà-vu.
Les deux acteurs nous font ressentir qu’ils ont travaillé leurs interprétations, dans le look, mais également dans leurs voix, leurs postures et dans leurs psychologies qui évoluent pour tendre vers le dénouement heureux que l’on attend. Au fil de leur retrouvailles, on les voit grandir, mûrir et se découvrir : idéalistes à Londres, fougueux à Paris et matures à New-York. La narration est intelligente, avec de nombreux échos aux prémices amoureuses du couple, et la photographie de Sameer Arya est aussi fluide qu’intimiste. Film tous publics, mais pas exactement commercial, London, Paris, New York est un condensé de ce qui fait la réussite d’une œuvre romantique qui se respecte, qu’elle soit indienne, espagnole ou américaine.
S’il n’est pas estampillé “desi” visuellement, London, Paris, New York reste une romance hindi savoureuse et rythmée par la musique cosmopolite écrite, composée et interprétée par Ali Zafar lui-même. Il pose sa voix sur 6 des 7 morceaux de l’album du film, qui représente ses débuts de directeur musical. La bande-originale signe également la première expérience de chanteuse d’Aditi Rao Hydari, qui y fredonne deux titres. La chanson titre est un tube en puissance, portée par les voix de la star pakistanaise et de Sunidhi Chauhan, qui n’aura jamais été aussi productive ! Le titre aux influences bhangra “Ting Rang” est saisissant, à l’instar de “Thehree Si Zindagi” chanté par Ali et Aditi. La version piano de “Voh Dekhnay Mein” est agréable, mais celle en acoustique avec la voix d’Aditi a plus de caractère car moins calibrée et plus naturelle avec un éclat de rire de l'actrice en épilogue du morceau. Le son “Aaj” gagne quant à lui en intensité lorsqu’il est intégré au montage du film.
On se plonge sans concession ni frilosité dans cette mer de bons sentiments, de cynisme, d’humour et de dialogues épicés. Le premier film d’Anu Menon, sans être un chef-d'œuvre, est un fabuleux départ pour sa carrière de cinéaste. On lui souhaite que des producteurs continuent de lui faire confiance pour ses projets à venir. Si Tere Naal Love Ho Gaya nous emporte par son retour à un style narratif presque désuet dans le traitement d’une histoire d’amour loufoque et improbable, London, Paris, New York est plus terre-à-terre et s’attache aux drames, aux rêves et aux espoirs de ses protagonistes. Oeuvre contemporaine à l’image du travail d’Abbas Tyrewala (Jaane Tu Ya Jaane Na, Jhootha Ho Sahi), London, Paris, New York est un cocktail réussi entre deux cultures, deux visions du cinéma et de l’amour. Alors si vous êtes en manque de voyage, de répliques incisives, d’humour sans tabou, de danse dans les bars, de romance à travers le globe et de la voix d’Ali Zafar, vous pouvez vous lancer sans appréhension dans le visionnage de London, Paris, New York. Vous ne serez pas déçu !
Entre février et mars 2012, Bollywood aura vu débouler au box-office une flopée de films romantiques : Tere Naal Love Ho Gaya, Ek Main Aur Ekk Tu, Jodi Breakers, Ekk Deewana Tha, Chaar Din Ki Chandni, Will You Marry Me… Le dernier de la liste est London, Paris, New York, une production de Goldie Behl (dont la dernière réalisation, Drona, avec Abhishek Bachchan et Priyanka Chopra, a lamentablement sombré au box-office) avec deux acteurs à la popularité encore fébrile : le chanteur pakistanais Ali Zafar et la comédienne de seconds rôles Aditi Rao Hydari.
Ce duo frais, moderne et tonique a charmé la critique qui a chaleureusement accueilli le métrage lors de sa sortie le 2 mars 2012.
Et bien qu’il n'ait pas émergé comme étant un “hit” , il est largement entré dans ses frais avec un petit budget (7 crores de roupies) et beaucoup de sincérité. Pourtant, on ne peut pas dire que le scénario de London, Paris, New York brille par son originalité. 2005 à Londres, Lalitha Krishnan (Aditi Rao Hydari), l’intellectuelle activiste pour les droits des femmes, rencontre à l’aéroport son compatriote indien : Nikhil Chopra (Ali Zafar), le coureur de jupons déjanté. En attendant la correspondance de la belle pour New-York, ils décident de passer la journée ensemble et se marrent franchement. L’une découvre l’enfant brisé qui rêve de devenir réalisateur, l’autre aide la jeune fille de classe moyenne à déployer ses ailes dans un univers qu’elle ne connaît pas. Ils s’attachent l’un à l’autre, car il suffit d’une seconde pour tomber amoureux. Mais Lalitha doit partir, et ils se séparent sur la promesse de Nikhil que, 6 mois plus tard, il viendra la retrouver…
Ça vous rappelle quelque chose ? En effet, la trame d’Anu Menon ressemble étrangement à celle de Hum Tum, romcom de 2004 dirigée par Kunal Kohli avec Rani Mukerji et Saif Ali Khan.
Deux indiens qui se rencontrent dans une ville inconnue et qui tuent le temps en attendant leur vol… Pendant 9 ans, leur relation sera rythmée par leurs rencontres hasardeuses et impromptues, pour finalement leur permettre de laisser émerger leurs sentiments. L’intrigue de London, Paris, New York connue aussi sous l’acronyme de LPNY, se base sur un concept similaire : les deux amants se croisent, se retrouvent, se dévoilent et se déchirent pendant 8 ans, durant une seule journée dans trois villes différentes du globe. Et s’il y a lieu de comparaison, c’est parce que les deux films parviennent à nous émouvoir à leur façon, bien qu’on ait facilement une préférence pour le plus maîtrisé Hum Tum, devenu un classique.
London, Paris, New York possède cependant une véritable empreinte, qui en fait une œuvre sympathique, solaire et attachante.
Si l’intrigue tient sur un post-it, le film en lui-même tient la distance pendant les 100 minutes du métrage. London, Paris, New York doit beaucoup, que dis-je, énormément à ses acteurs. Il n’y a pas de seconds couteaux, juste un petit rôle d’informateur excentrique pour Mantra Mugdh et un cameo de papa en colère oubliable de Dalip Tahil. Ali Zafar et Aditi Rao Hydari portent ce film seuls, et ils l’assurent. Amplement. Avec brio. Mais sans propension à l’exhaustivité, on sent effectivement beaucoup d’humilité dans ce film et pas seulement du fait des moyens financiers restreints de cette comédie sentimentale. La caméra filme les personnages au plus près de leurs actes, de leurs joies et de leurs peines. Parfois, on a l’impression que le cameraman porte son engin à l’épaule afin de saisir chaque mouvement, chaque soupir, chaque expression des protagonistes.
Ali Zafar nous avait montré son immense potentiel comique avec Tere Bin Laden et Mere Brother Ki Dulhan. Son sourire, son froncement de sourcils et sa voix contribuent à faire de lui l’un des acteurs les plus craquants de sa génération, et lorsqu’il sort une vanne même douteuse ou peu risible, on est séduit. Mais avec London, Paris, New York, il passe un cap en tant que comédien, lui, le chanteur populaire du Pakistan. On le retrouve certes dans un registre relativement léger et suranné, mais son rôle d’amoureux lui permet surtout d’explorer sa fibre dramatique, notamment grâce à l’une des ultimes scènes du métrage dans laquelle il délivre toute sa hargne pour nous tirer les larmes des yeux en un quart de seconde. Grâce à son interprétation audacieuse, il met en exergue la pluralité de sa palette de jeu et va sans doute nous surprendre à l’avenir avec des œuvres moins lisses et plus engagées.
Quant à elle, Aditi Rao Hydari réussit la prouesse de capter l'attention du spectateur malgré un personnage assez effacé dans son écriture.
Belle, sensible et vulnérable, elle nous convainc volontiers de la véracité des états d’âmes de Lalitha, et on marche complètement sans même se faire prier, elle qui a longtemps été cantonnée à des seconds rôles acclamés par la critique comme dans Delhi-6, Rockstar et Yeh Saali Zindagi. Habituée aux rôles atypiques dans des métrages sérieux et travaillés, London, Paris, New York constitue son premier grand rôle dans un film plus aérien, moins sombre et plus jouissif. On la découvre drôle, pétillante… Elle constitue un véritable coup de cœur et nous prouve qu’elle mérite d’être mise en avant dans d’autres rôles principaux. C’est également un régal de l’entendre prononcer à de maintes reprises plusieurs phrases en français, et on peut dire qu’elle s’en sort mieux que Genelia D’Souza dans Tere Naal Love Ho Gaya !
Son alchimie avec Ali Zafar est palpable, ils sont tous les deux indéniablement adorables, totalement crédibles en amoureux tourmentés. On s’attache à eux à tel point qu’à la fin du film, on n’espère qu’une seule chose : de vite les retrouver dans un projet commun. Pourtant, tout cela aurait pu tourner à la catastrophe. Assurément, les deux héros sont des clichés géants à tel point qu’on a de prime abord l’impression de se retrouver dans une version alternative de I Hate Luv Storys, avec Imran Khan et Sonam Kapoor. Le tombeur allergique à l’amour et la fille réfléchie et romantique, il n’y avait pas mieux pour tomber dans le déjà-vu.
Heureusement, London, Paris, New York en échappe très vite en suivant une trajectoire inattendue dans l’évolution de ses personnages.
Les deux acteurs nous font ressentir qu’ils ont travaillé leurs interprétations, dans le look, mais également dans leurs voix, leurs postures et dans leurs psychologies qui évoluent pour tendre vers le dénouement heureux que l’on attend. Au fil de leur retrouvailles, on les voit grandir, mûrir et se découvrir : idéalistes à Londres, fougueux à Paris et matures à New-York. La narration est intelligente, avec de nombreux échos aux prémices amoureuses du couple, et la photographie de Sameer Arya est aussi fluide qu’intimiste. Film tous publics, mais pas exactement commercial, London, Paris, New York est un condensé de ce qui fait la réussite d’une œuvre romantique qui se respecte, qu’elle soit indienne, espagnole ou américaine.
S’il n’est pas estampillé “desi” visuellement, London, Paris, New York reste une romance hindi savoureuse et rythmée par la musique cosmopolite écrite, composée et interprétée par Ali Zafar lui-même. Il pose sa voix sur 6 des 7 morceaux de l’album du film, qui représente ses débuts de directeur musical. La bande-originale signe également la première expérience de chanteuse d’Aditi Rao Hydari, qui y fredonne deux titres. La chanson titre est un tube en puissance, portée par les voix de la star pakistanaise et de Sunidhi Chauhan, qui n’aura jamais été aussi productive ! Le titre aux influences bhangra “Ting Rang” est saisissant, à l’instar de “Thehree Si Zindagi” chanté par Ali et Aditi. La version piano de “Voh Dekhnay Mein” est agréable, mais celle en acoustique avec la voix d’Aditi a plus de caractère car moins calibrée et plus naturelle avec un éclat de rire de l'actrice en épilogue du morceau. Le son “Aaj” gagne quant à lui en intensité lorsqu’il est intégré au montage du film.
Grâce au plus versatile des artistes de Bollywood depuis Kishore Kumar et à sa lumineuse partenaire, London, Paris, New York est en conclusion une comédie romantique délicieuse, pas tape-à-l’oeil pour un sous et criante d'authenticité.
On se plonge sans concession ni frilosité dans cette mer de bons sentiments, de cynisme, d’humour et de dialogues épicés. Le premier film d’Anu Menon, sans être un chef-d'œuvre, est un fabuleux départ pour sa carrière de cinéaste. On lui souhaite que des producteurs continuent de lui faire confiance pour ses projets à venir. Si Tere Naal Love Ho Gaya nous emporte par son retour à un style narratif presque désuet dans le traitement d’une histoire d’amour loufoque et improbable, London, Paris, New York est plus terre-à-terre et s’attache aux drames, aux rêves et aux espoirs de ses protagonistes. Oeuvre contemporaine à l’image du travail d’Abbas Tyrewala (Jaane Tu Ya Jaane Na, Jhootha Ho Sahi), London, Paris, New York est un cocktail réussi entre deux cultures, deux visions du cinéma et de l’amour. Alors si vous êtes en manque de voyage, de répliques incisives, d’humour sans tabou, de danse dans les bars, de romance à travers le globe et de la voix d’Ali Zafar, vous pouvez vous lancer sans appréhension dans le visionnage de London, Paris, New York. Vous ne serez pas déçu !
LA NOTE: 3/5