Bolly&co Magazine

Critique : The Archies (★★★★☆)

8 décembre 2023
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Depuis son annonce en 2022, The Archies intrigue. D’une part, parce que la bande-dessinée du même nom (extrêmement populaire en Inde) a déjà une série sur Netflix, Riverdale. Et d’autre part puisque le métrage est réalisé par la géniale Zoya Akhtar.

La réalisatrice a fait jusqu’ici un sans-faute dans sa carrière en dirigeant Luck By Chance, Zindagi Na Milegi Dobara, Dil Dhadakne Do et Gully Boy. Aucun de ses projets n’a déçu, ni en termes de recettes au box-office, ni auprès de la critique. Bref, tout le monde attend de pied ferme son nouveau film. La dernière particularité (et sans doute ce qui nous rend tous aussi impatients) de The Archies, c’est que son casting principal est uniquement composé de jeunes acteurs (à l’exception de Mihir Ahuja qui, depuis ses débuts en 2019, enchaine pas mal de rôles au cinéma et à la télévision). Et si beaucoup parlent uniquement de la fille de Shahrukh Khan (Suhana Khan), de la fille de Sridevi (Kushi Kapoor) ou du petit-fils d’Amitabh Bachchan (Agastya Nanda), il y en a trois autres (Vedang Raina, Aditi Saigal et Yuvraj Menda) qui vont se présenter devant la caméra pour la première fois avec cette comédie musicale indienne. Notre curiosité est piquée à vif.

The Archies est-elle une adaptation réussie ? Ou est-ce le premier raté de Zoya Akhtar ?



Comme beaucoup, j’ai grandi en découvrant Archie Andrews et l’univers de Riverdale grâce à la bande-dessinée, mais aussi grâce aux adaptations animées comme Archie, Mystères et Compagnie (Oui, je suis née dans les années 1990). Quand le projet The Archies est annoncé comme une comédie musicale, je trouve ça génial. Tout le monde sait que la musique est un aspect important dans l’univers d’Archie, et qui mieux que Bollywood pour s’éclater dans le genre ?! Je me fiche pas mal du casting au final, c’est vraiment la nostalgie que dégage la bande-annonce et les premières chansons du film qui m’attire. Nous sommes au cœur des sixties, une époque musicalement très chouette en Inde et clairement, Zoya Akhtar a prévu du grand spectacle.

Premièrement, si vous vous attendiez à une comédie musicale typiquement indienne, c’est raté.

En effet, pour transposer l’histoire et l’univers d’Archie en Inde, l’équipe du film a joué sur la carte de la colonisation britannique, et des anglo-indiens qui ont continué à vivre en Inde après l’indépendance. Pour le coup, ça permet de garder tous les noms et toutes les références, ce qui est en soi intéressant. Musicalement, ça surfe donc naturellement sur l’influence occidentale, et on a ainsi un cocktail plutôt atypique d’un film indien qui, à première vue, n’a vraiment pas grand-chose d’indien. Pour être honnête, je ne saurais dire si c’était une bonne ou une mauvaise idée. Mais pour les fans de la BD, ça permet de rendre la première partie, très introductive, franchement amusante. On repère très vite qui et qui, les liens entre les uns et les autres, et on s’amuse des ressemblances entre le cartoon et le film. Pas certaine que tout le monde appréciera, car à mes yeux, c’est un peu du fan-service et pour ceux qui n’y connaissent rien, ça peut être ennuyant comme début. Il est pourtant nécessaire de comprendre la petite bulle dans laquelle tout ce petit monde vit.

Avec The Archies, on a droit à un Riverdale hors du temps, presque trop joyeux et doux. Irréel.

Le travail fait pour créer la ville et surtout son ambiance, est vraiment remarquable. On joue ici sur quelque chose de kitsch, mais surtout de nostalgique. En fait, je crois que pour une fois, Zoya Akhtar a voulu se faire plaisir en créant un film purement divertissant qui n’avait pas forcément besoin de s’ancrer dans notre réalité. Pas la peine d’être ultra authentique ou fiable. Ici, on ne cherche pas à parler d'actualité ou à faire des métaphores pour parler de problèmes sociétaux. The Archies assume son côté fun, léger et agréable. Pas besoin de psychologie trop détaillée, ou de récit novateur. Tout le monde connaît Archie Andrews et ses péripéties, il n’y a aucune raison de transformer ça et c’est quelque chose que j’ai apprécié.

Zoya Akhtar nous a habitués à des films intelligents, qui poussent à la réflexion tout en mettant en avant des situations complexes et jusqu’ici, rarement abordées au cinéma. Mais elle est également capable de changer de genre et de se lancer des défis. The Archie est un ovni dans sa carrière, mais un ovni appréciable.

Le côté comédie musicale est imparfait, l’ensemble reste correct mais laisse une impression de bâclé.

Si The Archies est le groupe d’Archie Andrews, pourquoi ne pas mettre davantage en avant celui-ci (surtout quand le film porte ce nom) ? Et si tout le monde chante, pourquoi ne pas avoir davantage de vrais moments musicaux entre les personnages ? Je parle en particulier des passages qui accompagnent les états-d’âme de Betty, par exemple. Pourquoi ne pas avoir créé de vraie chanson, et pas juste quelques paroles qui coupent le rythme du film ? Et d’ailleurs, comment se fait-il que les filles n’intègrent jamais vraiment le groupe ? Les compositions sont correctes, mais le côté comédie musicale n’a pas l’air totalement maîtrisé. C’est même assez inégal, en particulier dans la seconde partie.

Réussir à faire tenir tout ce beau monde à l’écran sans faire de sacrifice, c’est impossible, mais l’histoire parvient à donner un peu de place à chacun.

Évidemment, j’aurais aimé que tout ça soit davantage développé, notamment quand on sent le potentiel chez certains ! Si Agastya Nanda est plutôt attachant et Suhana Khan correcte dans son rôle d’héritière pourrie gâtée, c’est Khushi Kapoor qui se débrouille le mieux en tant que Betty. Comme tous ces personnages proviennent de la bande-dessinée, on sent ici la volonté de retrouver les traits de caractère qui sont associés à chacun. Ce sont des stéréotypes. Archie est un coureur de jupon plutôt sympathique, Veronica peut paraître égocentrée, mais possède tout de même un grand cœur, Betty est adorable et gentille, Jughead est bizarre mais loyal… Bref, vous avez compris. Vous n’en verrez pas plus, parce que The Archies n’a pas la volonté de créer un drame psychologique compliqué. Il veut juste donner vie à des personnages déjà appréciés et en vrai, les acteurs font très bien leur job. Evidemment, Suhana, Agastya et Khushi sont davantage mis en avant en raison du triangle amoureux que tout le monde connaît. Mais malheureusement, ils sont moins bons que les acteurs secondaires qui, même complètement limités, se démarquent !

Mihir Ahuja est formidable, avec un potentiel comique que je n’avais encore pas vu chez lui. Vedang Raina a tout du bad boy, mais donne de la nuance à sa prestation et profite de son arc narratif pour montrer que Reggie Mentel est bien plus qu’un beau gosse rebelle. D’ailleurs, sa complicité avec Yuvraj Menda est adorable et les deux réunis auraient mérité quelques scènes supplémentaires. Enfin, Aditi Saigal a un vrai truc. Non seulement, Ethel a l’air d’être bien plus la meilleure amie de Betty que ne l’est Veronica mais en plus, Aditi est très touchante. Il y a des connexions qui ne sont pas pleinement exploitées, mais en même temps, je ne suis pas certaine que The Archies aurait eu le temps de tout aborder.

Le reste des comédiens, qui interprètent les parents notamment, sont tous investis et permettent vraiment de ne laisser aucune fausse note dans les personnages secondaires, voire tertiaires.

C’est un chouette casting d’ensemble, et je n’ai trouvé personne foncièrement mauvais. Au contraire, je pense que Zoya Akhtar a su révéler le potentiel de chacun et si certains ont encore du chemin à faire, ils ont le mérite d’avoir donné de leur personne. Alyy Khan est vraiment le méchant par excellence, d’ailleurs. Presque digne d’un film Disney, tout ça !

Il va de soi que le film ne plaira pas à tout le monde. Peut-être un peu trop bon enfant, peut-être un peu trop axé sur les connaisseurs des Archie Comics. Peut-être aussi, qu’avec la hype autour des acteurs principaux, certains seront déçus ou auront imaginé certaines choses sur ce que The Archies aurait pu être. Il y a tout de même des moments très bien écrits, accompagnés par les dialogues de Farhan Akhtar (qui fait une petite apparition vocale), dont l’humour ne manque jamais de faire sourire.

Pour ma part, j’ai été ravie de ce qui a été présenté. Je n’ai eu aucun problème à entrer dans le film et à apprécier son univers.

Certes, il n’y a rien d’innovant, mais en même temps, ce n’était pas utile. Les histoires d’Archie ont déjà eu bien des adaptations, mais c’est la première fois que l’Inde s’y attaque. Je trouve que le film s’en sort très bien. Est-ce que c’est trop occidentalisé ? Est-ce que Zoya a voulu davantage viser la sphère internationale puisque c’est une production Netflix ? C’est si important que ça, pour apprécier un film ? En tout cas, le timing est plutôt pas mal car j’ai bien envie de dire (et ce n’est pas une insulte) que The Archies est un très bon film de Noël.

Ce qui est certain aussi, c’est que ces petits nouveaux n’auraient pas pu rêver mieux comme film de lancement. C'est quand même vachement mieux que Student Of The Year...
LA NOTE:4/5

mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
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