Critique : Murder Mubarak (★★☆☆☆)

lundi 18 mars 2024
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Annoncé comme un whodunit fun et en plein cœur d’un club luxueux de Delhi, Murder Mubarak a tout pour plaire : c’est l’adaptation d’un livre populaire (Club You To Death d’Anuja Chauhan, à laquelle l’on doit The Zoya Factor, par exemple) avec un casting de rêve, notamment le retour sur nos écrans de Karisma Kapoor ! Tout pour me plaire, moi qui, d’une part, adore lire ce qui est adapté à l’écran. D’autre part, j’ai un amour profond pour tous les films à énigmes. Cependant, je dois avouer qu’en Inde, c’est un format plutôt casse-gueule, rarement maitrisé et les quelques exceptions se comptent sur les doigts d’une main.

Est-ce que Murder Mubarak est un whodonit sympa ? Ou est-ce juste du grand n’importe quoi ?



Avant de commencer, il faut admettre une chose : je ne suis pas une très grande fan du réalisateur. A mes yeux, Homi Adajania est très irrégulier dans ce qu’il fait. Globalement, je trouve ça toujours assez moyen, trop maladroit dans ses idées et jamais très cohérent dans l’ensemble. Entre Angrezi Medium (2020), Finding Fanny (2014) et Being Cyrus (2004), il est évident que le cinéaste à explorer différents genres, parfois avec succès. Mais à chaque fois, il y avait selon moi des défauts trop grossiers pour que l’objet filmique en lui-même soit complètement appréciable.

Et sans surprise, Murder Mubarak n’a pas fonctionné avec moi. Extrêmement cliché, avec des personnages sans profondeur ou sous-exploités, une narration mâchée et surtout un dénouement trop prévisible.

Pour une fois, pas le temps de lire l’œuvre originale qui a inspiré le film. En soi, ce n’est pas plus mal, ça donne davantage de chance au métrage de me surprendre. Pourtant, à peine lancé, Murder Mubarak est criant de problèmes. Dès le début, il y a un vrai confusion sur ce qui se passe, même si l’idée derrière cette introduction aurait pu être mieux amenée. Il y a aussi trop de personnages différents dont on oublie les noms et surnoms, et surtout dont on n’arrive pas à comprendre pleinement les connexions. Pire, il n’y a pas de tension. C’est pourtant un des éléments phares du genre : être dans l’urgence, avoir tous les suspects sous la main, découvrir petit à petit ce qu’il s’est passé, enchainer les suggestions, les révélations et donner la possibilité à celles et ceux qui regardent le film de mener leur propre enquête. Pourtant, même pas la peine de deviner les faces cachées des personnages car leurs “surnoms” le révèlent à l’instant même où le film les présente. Ce n’est donc même pas drôle de découvrir les vrais visages de ces gens si riches, qui n’ont rien d’autre à faire que de passer leur journée au club. Le seul truc réussi, quelque part, c’est le contexte initial. Ce club, à l’aspect plus que parfait, qui cache l’élite d’une société qui ne veut pas sortir de sa bulle, qui veut baigner dans ses illusions de grandeur. Même si ce n’est jamais vraiment exploité. Pas de cachette, de lieux secrets, de véritable exploration des règles du club et de son fonctionnement. Non.

Nous avons droit à un bon vieux riche contre pauvre, employé contre client.

Mais ce qui pose problème dans Murder Mubarak, c’est qu’on se doute très bien, au bout de 15 minutes, de qui est le tueur et ce non en raison d’indices particuliers, mais juste parce que la manière de filmer et de donne la place à certains personnages indique clairement qu’il ou elle est forcément derrière tout ça. Pire, les informations apportées par la suite sont tellement énormes que même si vous passez à côté des gros fils de la construction narrative, votre perspicacité va frapper avant même la moitié du métrage. Pas cool.

Et j’aimerais bien entrer dans le vif du sujet dire ouvertement qui et pourquoi, mais chez Bolly&Co, quand un film ne passe pas, nous essayons tout de même de laisser une chance à celles et ceux qui ne l’ont pas encore visionné. Il faut se faire son propre avis et par conséquent, je ne peux en dire davantage sans spoiler. Etre aussi prévisible gâche complètement l’intérêt de ce film, dont les rares rebondissements ne volent pas très haut.

En termes de personnages, c’est chaotique.

L’inspecteur est aussi désintéressé par l’enquête que nous - et ça n’aide pas que Pankaj Tripathi fasse du Pankaj Tripathi - à force de jouer les mêmes types de personnage, c’est lassant. Pire, quand il admet à la toute fin qu’il savait depuis le début, car “son instinct le lui a dit”, la crédibilité de l’inspecteur en prend un coup.

Quand il y a autant de célébrités, il est évident que certains auront plus de place à l’écran que d’autres. Mais ici, les suspects n’ont même pas la même valeur en termes d’écriture et de présence, ce qui est problématique. Même la victime n’a droit qu’à quelques flashbacks peu valorisants. S’il n’y a déjà plus d’intérêt à mener l’enquête au fil de l’histoire, et qu’en plus aucun personnage ne pique notre curiosité, comment apprécier le film ? Comment s’accrocher à ce qui nous est raconté ? Globalement, il n’y a pas vraiment de remarque à faire sur le jeu des acteurs. Chacun fait ce qu’il peut, avec ce qu’il a. Sara Ali Khan s’en sort relativement bien, jusqu’à un certain point où on a l’impression que l’actrice a atteint sa limite - ce qui gâche certaines scènes. Vijay Varma est plus doux, mais parfois trop effacé. Karisma Kapoor fait le minimum tant son aura fait déjà le taff, Dimple Kapadia aurait mérité plus de place tant elle est drôle, Tisca Chopra et Sanjay Kapoor sont toujours impeccables, Aashim Gulati semble crier à l’aide à chaque fois qu’il apparait à l’écran, et les autres n’ont tellement pas de place que c’est difficile d’en dire quoi que ce soit.

Murder Mubarak n’est vraiment pas à la hauteur de ses ambitions.

Au début, il y a du potentiel. Mais au final, il n’y a même pas ce sentiment de “monde à part” avec le club et cette limite entre riches et pauvres, à chaque fois amenée oralement, mais jamais vraiment visuellement. En réalité, beaucoup de choses sont dites, mais peu de choses sont faites.

Aussi, est-ce qu’on peut parler du background score ?! Il y a une musique pour les blagues, une musique pour le couple d’amoureux, une musique pour tirer une larme et une musique pour le suspense. Le tout tourne en boucle et devient incroyablement irritant. Comme si le réalisateur voulait nous tenir la main pour nous expliquer comment réagir à ses scènes…

C’est à se demander si, au final, Murder Mubarak n’a pas été bâclé, perdu dans ses décors bling bling, ses moqueries puériles et sa volonté de nous rendre aussi confus que ses personnages.

Le final est aussi appétissant que l’idée d’un jus de betterave avec une pointe de tequila. En fait, Murder Mubarak ne doit pas se regarder avec sérieux, et peut-être que là, il aura une meilleure chance d’être apprécié.
LA NOTE:2/5



mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
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