Bolly&co Magazine

Critique de The Mehta Boys, une première réalisation sincère et universelle.

28 avril 2025
critique the Mehta Boys Festival des cinémas indiens de Toulouse
C'est dans une salle déjà chargée d'émotion, en cette dernière journée du Festival des Cinémas Indiens de Toulouse, que The Mehta Boys a été projeté après en clôture. Et quelle meilleure manière de conclure qu'avec ce petit film intimiste, porté par un duo d'acteurs en pleine maîtrise et une émotion brute, aussi simple qu'universelle ?

Première réalisation de l’acteur chevronné Boman Irani, The Mehta Boys le met également en scène dans le rôle principal, face au charismatique Avinash Tiwary, jeune talent confirmé du cinéma hindi contemporain. À leurs côtés, Shreya Chaudhry, révélée au public par la série Prime Video Bandish Bandits, complète ce casting au diapason.

Le récit de The Mehta Boys est aussi vieux que le monde : celui d’une relation complexe, conflictuelle, entre un père et son fils. Un sujet mille fois abordé au cinéma, et que Boman Irani et son co-scénariste Alexander Dinelaris (Oscar du meilleur scénario pour le cultissime Birdman) choisissent d'aborder sans fioritures et avec une sincérité désarmante. Dès les premières scènes, le ton est donné ! Ici, pas de grandes envolées dramatiques artificielles, mais des silences lourds, des regards fuyants, des mots qui blessent plus qu'ils ne réparent. Le métrage sait être touchant, même si, reconnaissons-le, sa narration emprunte des sentiers bien balisés, parfois même téléphonés.

Cependant, cette prévisibilité ne compromet pas la portée émotionnelle de l'œuvre. Car ce qui compte dans The Mehta Boys, ce ne sont pas tant les rebondissements mais l'authenticité du chemin parcouru par ses personnages.

Cette authenticité, The Mehta Boys la cultive patiemment, plan après plan, au gré d'une mise en scène attentive aux micro-gestes, aux infimes variations d'expressions, renforcée par l’utilisation intelligente de plans rapprochés. Ces choix visuels, qui viennent capturer au plus près les failles et les blessures des personnages, témoignent de la volonté de Boman Irani de rester au plus près de l'humain.

Visuellement, le métrage propose d'ailleurs quelques audaces notables. La photographie tamisée, presque ouatée, confère aux scènes une douceur crépusculaire, comme si le récit lui-même baignait dans la lumière d'une fin de journée. Une esthétique intéressante, qui aurait pu déployer toute sa puissance si elle n’avait pas été légèrement freinée par la linéarité du scénario. Il n’en demeure pas moins que ce soin formel donne au film une atmosphère cohérente, enveloppante et participe surtout à sa capacité à toucher le spectateur avec douceur.

Aussi, l'un des atouts majeurs de The Mehta Boys réside incontestablement dans l'alchimie qui lie Boman Irani et Avinash Tiwary.

Tous deux insufflent une vie crédible et émouvante à leurs personnages. Le premier campe ce père à la fois bourru, maladroit et rongé par ses propres regrets, tandis que le second incarne avec une intensité contenue ce fils en quête d'un pardon qu'il n'ose formuler. Entre eux, la tension est palpable, mais elle est également traversée par des éclairs d'humanité qui viennent rappeler que, derrière les rancunes, demeure toujours l’amour. Shreya Chaudhry, bien que plus en retrait, trouve elle aussi sa place avec beaucoup de justesse, offrant un contrepoint de fraîcheur et de douceur bienvenue dans cet univers saturé de non-dits et de blessures.

Ce qui fait véritablement la force de The Mehta Boys, c’est son universalité.

Impossible de ne pas penser à ses propres fantômes, à ses propres conflits familiaux en assistant à cette tentative maladroite de réconciliation entre deux êtres qui se ressemblent plus qu'ils ne veulent se l'admettre. Le film parvient ainsi, avec une économie de moyens et une franchise rare, à parler à tous, sans détour ni distinction. Que l'on soit fils, père, fille ou mère, chacun peut se reconnaître dans cette quête fragile du lien perdu.

Il serait cependant malhonnête de passer sous silence les limites du métrage. Outre sa narration parfois convenue, The Mehta Boys pâtit d’un certain enfermement spatial et émotionnel. A force de resserrer son cadre autour des personnages, le film risque parfois l'étouffement, et certaines scènes semblent manquer d’oxygène. Un écueil sans doute inévitable pour une première réalisation aussi intimiste, mais qui n'enlève rien au mérite de la tentative.

Là où d'autres premiers films cherchent à impressionner par leur virtuosité technique, Boman Irani fait le choix courageux de la modestie.

Il filme ce qu'il connaît, ce qu'il ressent, sans chercher à tout prix à épater. Cette humilité donne au métrage une chaleur particulière, celle d'une œuvre personnelle, traversée de vérités simples et sincères. Disponible dès à présent sur Prime Video, The Mehta Boys mérite amplement d’être découvert. Pas tant pour ses rebondissements - relativement attendus, que pour la qualité de ses interprètes, la justesse de son regard et cette capacité à évoquer sans emphase les blessures familiales. A travers ce premier essai derrière la caméra, Boman Irani s'impose comme un conteur sensible, capable de faire naître l'émotion dans un simple geste, un silence ou un regard.

En conclusion



The Mehta Boys est un film de cœur. Modeste mais profondément humain qui, derrière son classicisme narratif, déploie une force émotionnelle authentique. Une œuvre qui, sans révolutionner le genre, rappelle que le cinéma n'a pas toujours besoin d'être grandiloquent pour toucher juste. Il lui suffit parfois d'être vrai.
LA NOTE: 3,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?