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Critique : Sikandar, un Jawan du pauvre ?

7 avril 2025
critique Sikandar Salman Khan
Sorti en France ce 30 mars, Sikandar nous arrive comme un généreux cadeau de l'Aïd offert par Friday Entertainment. Mais à l'ouverture du paquet, on découvre un produit frelaté : un blockbuster démesuré en budget, mais incroyablement pauvre en propositions artistiques. Aux commandes, A.R. Murugadoss, un réalisateur capable du meilleur (Ghajini, 7aum Arivu) comme du pire (Holiday, Sarkar). Ici, il se contente hélas d'officier en pilote automatique, livrant une fresque désincarnée et téléphonée, aussi expressive qu'un tutoriel PowerPoint sur le charisme.

Soyons clairs : Sikandar n'est pas un film, c'est un monument dédié à l’ego hypertrophié de Salman Khan, une fresque triomphale où l’acteur se met en scène en messie musclé, nettoyant la société de ses impuretés à coups de punchlines et de baffes bien senties.

L’œuvre ne se gêne pas pour effectuer des parallèles appuyés avec la vie réelle de son acteur principal : célibat prolongé, philanthropie surjouée, accès de colère… Tout y est. Tout, sauf bien sûr les zones d’ombre de la superstar, comme ses démêlés judiciaires, son alcoolisme ou ses violences conjugales passées. À croire que Sikandar a été conçu comme un programme de réhabilitation en 4K HDR !

Dans cette grande odyssée de la moralité, Salman Khan, fidèle à lui-même, joue avec l’enthousiasme d’un fonctionnaire territorial un lundi matin.

Tantôt s'essayant à une émotion qu'il ne maîtrise pas, tantôt se contentant de se balader les mains dans les poches ; il incarne un justicier auto-proclamé, super-héros du pauvre prêt à s’attaquer à tous les maux de la société : misogynie, corruption, harcèlement, pauvreté, inégalités… Rien que ça ! Mais pas de panique : à la fin, tout est réglé, et notre héros en ressort intact, sa chemise miraculeusement sans le moindre pli.

Côté casting, c’est le festival du n'importe quoi. Rashmika Mandanna joue comme une carpe farcie, incapable de partager la moindre alchimie avec un Salman qui pourrait largement être son père. Prateik Smita Patil campe quant à lui un fils de politicien véreux avec la subtilité d’un enfant roi capricieux en plein supermarché. Sathyaraj, en antagoniste en carton, ne bénéficie d'aucune écriture digne de ce nom. De son côté, Kajal Aggarwal, d’habitude un désastre ambulant, réussit presque à être passable ! Mais son rôle est si limité que l’effort semble vain. Quant à Sharman Joshi, il a le privilège d’être le fidèle bras droit sans relief du grand Sallu, dont la mission principale consiste à applaudir religieusement chaque geste de son souverain.

Alors, y-a-t-il encore quelque chose à sauver dans Sikandar ?

Peut-être son refus de sombrer dans l’islamophobie ambiante, et une tentative (bien que grossière) de prôner un vivre-ensemble. Musicalement, Pritam signe une bande-son oubliable, malgré quelques titres comme “Zohra Jabeen” et “Hum Aapke Bina” qui s’écoutent sans provoquer de saignement des oreilles. Hélas, dans sa dernière ligne droite, le film tente de se prendre pour Jawan, et va même jusqu’à piller sans vergogne la musique de fond de son climax.

Au final, Sikandar est un non-film, une hagiographie boursouflée de Salman Khan, un projet vidé de toute ambition cinématographique au profit d’un culte de la personnalité ridicule.



Qu'importe la cohérence, au diable la nuance, tant que Sallu Bhai en sort grandi. Mission accomplie ? Peut-être pour lui. Pour nous, c’est une autre histoire.

LA NOTE: 1,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?