Deepika Padukone attaquée... Sandeep Reddy Vanga a-t-il un problème avec les femmes qui ouvrent leur gueule ?
4 juin 2025

Il fallait donc que nous nous penchions sur le cas de Sandeep Reddy Vanga, cinéaste aficionado des récits misogynes et polémiste à ses heures perdues...
Différends créatifs et conditions de travail à l'origine du conflit…
Au départ, Deepika Padukone devait effectivement tenir le rôle principal féminin de Spirit, aux côtés de Prabhas, auquel elle avait déjà donné la réplique l'an dernier dans Kalki 2898 AD. Cependant, il semble que des tensions soient rapidement apparues entre l’actrice et le réalisateur, manifestement autour du scénario et du développement de son personnage. En effet, la rumeur voudrait que Deepika ait eu l’outrecuidance d’exprimer son inconfort face à certaines scènes jugées trop explicites et aurait alors demandé des modifications substantielles du script. Des négociations sur ses conditions de travail - horaires réduits, part des profits, rémunération élevée, refus de tourner en langue télougoue - sont également évoquées. Le tout aurait mené à une impasse contractuelle et in fine à son retrait du projet. Rappelons que Deepika est une jeune maman, et que l'aménagement de ses horaires de travail résulte notamment de sa volonté d'être présente pour sa fille, Dua, née en septembre dernier.
Aussi, des rumeurs ont circulé il y a quelques mois, selon lesquelles Deepika Padukone aurait été écartée du film Baiju Bawra de Sanjay Leela Bhansali en raison de ses exigences salariales. L'actrice aurait effectivement demandé une rémunération équivalente à celle de son mari, Ranveer Singh, estimée entre 20 et 25 crores de roupies (soit environ 2,5 millions d'euros). Cette demande aurait toutefois été refusée par le réalisateur, entraînant le retrait de Deepika du projet.
Preuve que les inégalités existent toujours, et qu'une femme sera toujours la première à être punie pour avoir tenté de faire bouger les lignes d'un système qui la dessert…
Sandeep Reddy Vanga en roue libre.
Sauf que Sandeep, il n’aime pas qu’n lui dise non. Ainsi, l’affaire a pris une tournure explosive lorsque, peu après l’annonce officielle du remplacement de Deepika par l'actrice Triptii Dimri, le réalisateur intolérant à la frustration a publié sur X un message cinglant. Sans jamais nommer l’intéressée, il a accusé une personne d’avoir rompu un accord de confidentialité tacite, d’avoir divulgué des éléments de son scénario et d’avoir mené des jeux de relations publiques malveillants pour nuire à sa jeune collègue. Il a aussi mis en doute l’engagement féministe de la personne visée, ce qui a été interprété - sans trop de doutes - comme une attaque directe à l’encontre de Deepika Padukone.
« Quand je raconte une histoire à un acteur, je place 100% de ma confiance. [...] Mettre à terre une actrice plus jeune et saboter mon histoire ? C’est ça, votre féminisme ? » – Sandeep Reddy Vanga, sur X
Ce post a déclenché une tempête sur la toile, avec le hashtag #DirtyPRGames qui est rapidement arrivé en tendance, divisant ainsi les fans et alimentant les rumeurs sur les sombres coulisses du projet.
Un mode opératoire bien huilé – et dégueulasse.
D’autant que Sandeep n’en est pas du tout à son coup d’essai. Cette affaire effectivement s’inscrit dans une dynamique déjà observée en 2019 lors de l’altercation très médiatisée entre le réalisateur et la critique de cinéma Anupama Chopra. Ces deux épisodes révèlent effectivement un schéma récurrent dans la manière dont Sandeep Reddy Vanga gère (mal) la critique, le désaccord et la remise en cause de ses choix créatifs, tout en illustrant les rapports de pouvoir au sein de l’industrie cinématographique indienne. Parce que lorsque Sandeep s’autorise de façon répétée à invalider la parole féminine, c’est un symptôme inquiétant du climat sexiste de l’industrie hindi.
En effet, la discorde avec Anupama a émergé d’une interview durant laquelle la journaliste a confronté le cinéaste sur la glorification de la violence conjugale et du machisme toxique dans son film Kabir Singh (2019). Sandeep s’est alors justifié à l’antenne en expliquant que « l’intensité de l’amour » pouvait inclure des gestes violents. Ce qui a provoqué un véritable tollé, notamment de la part d'organisations de lutte contre les violences faites aux femmes.
Dans les deux situations, le réalisateur adopte systématiquement une posture défensive, accusant ses interlocutrices de déformer ses propos ou de mener une campagne de dénigrement à son encontre, se positionnant en victime d’un système qui chercherait forcément à le discréditer… Pauvre chou. Après son interview avec Anupama Chopra, il a accusé la journaliste et son équipe d’avoir monté l’entretien de manière malveillante, affirmant que ses propos avaient été sortis de leur contexte pour attiser la colère des féministes.
Et dans les deux cas, il cherche toujours à discréditer la parole féminine. Sa volonté ? Mobiliser l’opinion publique en sa faveur en se présentant comme incompris ou victime d’un système qui lui serait hostile. C'est sa façon à lui de reprendre le contrôle du récit.
Deepika Padukone se fait harceler. Encore...
En tout cas, la polémique a rapidement envahi les réseaux sociaux, sur lesquels Deepika Padukone a été la cible d’une vague de harcèlement intense. Les internautes se sont effectivement déchaînés, certains l’accusant d’avoir saboté le film et d’avoir mené une campagne de dénigrement contre la comédienne Triptii Dimri. D’autres ont quand même pris sa défense, dénonçant au passage le sexisme du réalisateur et la violence inouïe de ses propos.
D'autant que Deepika Padukone a été victime d’un autre épisode de cyberharcèlement auparavant, cette fois durant sa grossesse. Après une apparition publique à l’occasion de laquelle elle arborait fièrement son ventre arrondi, la star a été la cible de trolls qui l’accusaient de simuler sa grossesse, certains allant jusqu'à analyser son ventre pour en dénoncer le caractère présumé factice. Avant cela, son passage plein de sincérité dans l'émission Koffee With Karan (2024), aux côtés de son époux Ranveer Singh, lui avait valu les attaques assassines des twittos.
Bref, s'en prendre à Deepika est devenu une très mauvaise habitude sur la toile. Il est bon de rappeler qu'en 2015, l'actrice a osé révéler publiquement avoir souffert de dépression, devenant ainsi l'une des premières célébrités indiennes à briser le silence sur le sujet. Lors de l'émission Pariksha Pe Charcha en février 2025, elle a d’ailleurs déclaré : « Je ne voulais plus vivre. Heureusement, ma mère a reconnu les signes de mon mal-être et m'a encouragée à consulter un psychologue. »
Suite à son expérience personnelle, Deepika a fondé en 2015 la LiveLoveLaugh Foundation (LLL), une association qui a pour but de sensibiliser à la santé mentale, à la réduction de la stigmatisation et à l'amélioration de l'accès aux soins psychologiques en Inde. La fondation mène des programmes variés, notamment en milieu rural où elle offre des consultations psychiatriques, des séances d’accompagnement mais aussi des formations professionnelles.
Le passif douloureux de la comédienne tout comme son engagement caritatif ne la protègent hélas pas du harcèlement permanent dont elle est la cible. Dans un tel contexte, le dérapage agressif de Sandeep Reddy Vanga est non seulement dépourvu de bienveillance, mais il est plus que tout dangereux.
Sandeep Reddy Vanga contre l'esprit critique.
En plus de Deepika Padukone et Anupama Chopra, d'autres personnalités ont été la cible des invectives du metteur en scène. La critique de cinéma Sucharita Tyagi a été directement visée par Sandeep Reddy Vanga après avoir publié une critique négative de Animal (2023). Une tentative de sa part - parmi tant d’autres - de discréditer une voix féminine critique et d’intimider les journalistes qui osent remettre en cause ses travaux…
De son côté, l’acteur Adil Hussain avait exprimé publiquement son malaise face à la glorification de la violence dans les films du cinéaste que sont Kabir Singh et Animal. En réponse, Sandeep Reddy Vanga l’a également attaqué sur les réseaux sociaux, insinuant que Adil Hussain n’était pas en position de juger ses choix artistiques et en minimisant son impact dans l’industrie. Il l'a aussi targué d'hypocrisie et d'ingratitude puisque le comédien a joué sous sa direction pour Kabir Singh.
Mais ce n'est pas tout, Sandeep avait déjà qualifié le journaliste Rajeev Masand d'illettré et d'incompétent, l’accusant de ne pas comprendre son langage cinématographique et de ne s’intéresser qu’à la polémique. Il lui reproche également d’avoir construit sa notoriété en critiquant Kabir Singh et de faire partie d’un « gang de critiques » qui ne soutiennent qu’un certain type de cinéma, qu’il juge élitiste.
A ses nombreuses cibles s'ajoute la réalisatrice et productrice Kiran Rao, qui a publiquement dénoncé la misogynie dans le cinéma en citant Kabir Singh comme exemple. De nouveau, le metteur en scène n’a pas pu s’empêcher d’y répondre en affirmant que Kiran n'était pas en capacité de saisir la « véritable émotion » de ses œuvres.
Des voix s'élèvent contre le sexisme… et contre Sandeep (cheh).
Lors de la conférence de presse de son film Maa (2025), l’actrice Kajol a déclaré « adorer l'idée de pouvoir travailler moins. » A cela, son époux, l'acteur et producteur Ajay Devgn, a ajouté : « Les réalisateurs honnêtes n'auront jamais de problème avec ça. C'est une question de respect mutuel et de souplesse. »
La comédienne Radhika Apte, qui vient également de donner naissance à son premier enfant, déplore quant à elle le fait que l'industrie hindi ne « comprenne pas les besoins des jeunes mamans », réaffirmant par ce truchement son soutien à Deepika Padukone.
De son côté, l’acteur Saif Ali Khan, qui a donné la réplique à Deepika sur de nombreux films, va également dans son sens. « Le succès et le privilège, c'est de pouvoir dire non au travail et oui à du temps avec ma famille. »
Les femmes sont-elles condamnées à fermer leur gueule ?
Cet épisode vient raviver le débat sur la représentation des femmes dans le cinéma indien, la liberté créative des actrices et la manière dont les différends professionnels sont exposés et amplifiés sur les réseaux sociaux. Les attaques personnelles portées contre Deepika illustrent la difficulté symptomatique pour les actrices d’imposer leurs conditions sans s’exposer à des campagnes de dénigrement et à un harcèlement massif, incontestablement pétri de sexisme.
L’industrie indienne, comme l’ont révélé le mouvement #MeToo et The Hema Committee report, fonctionne selon des rapports de force largement dominés par des hommes puissants et influents. Les actrices, même parmi les plus célèbres, sont souvent contraintes de se plier à leurs exigences ou de subir des pressions de leur part, sous peine d’être exclues ou de voir leur réputation entachée. Le harcèlement, les représailles et le chantage à l’emploi sont ainsi monnaie courante. La réaction publique de Sandeep Reddy Vanga, accusant implicitement Deepika Padukone de nuire à une collègue et de ne pas être une « vraie » féministe, s’inscrit dans cette logique de décrédibilisation des femmes qui osent s’affirmer, notamment sur leurs conditions de travail.
Surtout que ce contrôle s’étend aussi à la censure officielle. Le Central Board of Film Certification (CBFC) peut interdire ou modifier des œuvres jugées immorales ou subversives, renforçant ainsi la position dominante de décideurs masculins. N'oublions pas qu'un film engagé comme Déesses Indiennes en Colère (2015) avait été censuré au prétexte qu'il était « trop centré sur les femmes »…
La puissance des fans extrêmes et la viralité des polémiques sur les réseaux sociaux sont désormais des leviers de pouvoir majeurs. Deepika Padukone, déjà visée lors de la sortie de Padmaavat (2018) ou de la mise en ligne du clip « Besharam Rang » de Pathaan (2023), subit régulièrement des offensives coordonnées, illustrant la fragilité de la position des stars féminines face à la vindicte populaire.
En conclusion
L’affaire Deepika Padukone/Sandeep Reddy Vanga dépasse largement le cadre de la discorde professionnelle. Elle révèle les tensions persistantes autour du pouvoir, de la représentation des femmes et de la violence des réseaux sociaux à l’encontre de ses actrices. Alors que Deepika n’a pas encore pris la parole publiquement à ce sujet, le tollé suscité montre combien la frontière est ténue entre désaccord artistique et harcèlement moral…