Bolly&co Magazine

Critique de La légende de Baahubali - Deuxième Partie : la lente montée vers le plaisir héroïque...

28 octobre 2025
Critique du film Baahubali 2
— Cet article a été publié dans le numéro 12 de Bolly&Co, page 156.

Baahubali par ci, Baahubali par là... Plus on me parle d'un film, moins j'ai envie de le voir. Et si l'équipe Bolly&Co n'avait pas décidé de traiter du métrage dans cette nouvelle édition du magazine, j'aurais probablement évité Baahubali 2 encore longtemps. Mais voilà, j'ai vu les deux métrages sur deux jours. Après le premier volet que j'avais beaucoup apprécié (et dont la critique est disponible ici), je n'avais pas envie d'attendre pour découvrir la suite des aventures de Baahubali, Bhallaladeva et Kattappa.

Alors, le résultat est-il à la hauteur ?



Tout d'abord, je n'évoquerai pas la trame de Baahubali 2, au risque de spoiler l'épilogue du premier métrage, au cas où vous ne l'auriez pas encore vu. Autant maintenir le suspense. Disons-le de suite : Baahubali 2 est empli de scènes WTF qui vous feront bondir de votre siège.

C'est à se demander ce que consomme Monsieur Rajamouli. Car clairement, il plane à 15 000 ! Aussi, les effets spéciaux possèdent encore des faiblesses, mais c'est aussi la faute à un budget ridicule à côté de ce que connaissent les américains. Et pourtant, Baahubali 2 parvient tout de même à estomper les aspérités majeures du premier volet en nous faisant directement entrer dans le vif du sujet. Dès le générique introductif, il est rappelé au spectateur les éléments majeurs du métrage antérieur, avec l'incroyable cliffhanger conclusif, le tout sur le titre tonitruant « Oka Praanam ».

Le ton est donc donné : Baahubali 2 sera encore plus incisif et spectaculaire que son prédécesseur !

Baahubali 2 adapte librement le Mahabharata et constitue une réussite à la hauteur de l'immense ambition de S.S. Rajamouli. Les plans sont d'une richesse et d'une inventivité folle, et pourtant à mille lieux des blockbusters hollywoodiens formatés. Rajamouli va au bout de son rêve avec cette odyssée fantastique ébouriffante aux séquences de combat absolument dantesques. Les paysages sont aussi captivants que totalement surnaturels et les décors sont encore plus fastueux que dans la première partie. La principale impression qui se dégage de cette réalisation aussi improbable qu'efficace est celle d'une énergie imaginative exubérante et débridée au service de ce delirium fantastique animé et vibrant.

Face à cet heroic fantasy explosif et bariolé, impossible de rester de marbre. Soit on plonge la tête la première dans l'univers improbable imaginé par Rajamouli, soit on s'esclaffe face à l'inventivité insolente du cinéaste.

En ce qui me concerne, je fais clairement partie de la première catégorie. Baahubali 2 est encore plus fracassant que le film qui le précède, plus vif et étoffé également. Mais le plus remarquable, c'est la précision avec laquelle Rajamouli a constitué son univers, ne lésinant sur aucun détail pour nous le rendre aussi compréhensible que prenant. Jamais une oeuvre cinématographique indienne ne m'avait fait cet effet, en m'embarquant dans un macrocosme aussi éloigné de la réalité.

De coutume, je suis très pragmatique et très attachée à la vraisemblance. Je suis plutôt du genre à exprimer un rire relativement moqueur face à une réplique cheesy ou à une scène de bagarre excessive. Mais là, j'étais à fond ! Rajamouli aurait pu me faire avaler n'importe quoi tant sa direction artistique est vendeuse. Il est très bon commerçant dans le sens où il sait amener au spectateur les ingrédients qui lui feront apprécier son produit. C'est imposant, généreux et rythmé. Je n'ai pas pu résister, et il y a des chances que ce soit également votre cas lorsque vous serez face à Baahubali 2.

La distribution est une fois de plus impériale.

Prabhas s'illustre dans un double-rôle convaincant, entre le fidèle Amarendra et son fils Mahendra/Shivudu, prêt à tout pour le venger. Mais comme dans la première partie, ce n'est pas vraiment lui qui m'a marqué. En effet, Kattappa m'a une fois de plus clouée à mon siège. D'ailleurs, il était déjà mon personnage favori du premier Baahubali. J'ai trouvé sa personnalité bouleversante, entre profonde fidélité, sentiment d'infériorité et besoin de reconnaissance. Kattappa est le plus humain des personnages de Baahubali. Il en est également le plus accessible. Difficile à la fois de ne pas s'identifier à lui et encore moins de ne pas s'y attacher ! Pour ma part, je persiste et signe lorsque j'encense le travail de Sathyaraj, prodigieux dans la peau de ce papy de 80 ans qui n'a pourtant rien à envier aux jeunes Prabhas et Rana Daggubati.

Dans ce second volet, le personnage de Bhallaladeva gagne encore plus en profondeur, là où il constituait déjà le rôle le mieux écrit de la première partie. Dans le commencement, il n'est que l'instrument de son père pour accéder au pouvoir. Mais dans la conclusion, Bhallaladeva devient le seul maître à bord et manipule à souhait ceux qui l'entourent pour parvenir à ses fins. On le découvre plus machiavélique et calculateur que jamais. Rana Daggubati donne une dimension jouissive à ce personnage négatif. Car tout au long du diptyque, Bhallaladeva se contient. Il est dans le contrôle de chacun de ses mots et de ses gestes. D'où le plaisir incroyable que l'on éprouve en le voyant exploser durant les séquences de confrontation décisives avec le héros. Aussi, Rana est tellement charismatique qu'il vient exacerber le côté séducteur de Bhallaladeva, absolument indéniable. Et oui, accessoirement, il est beau à tomber ! #Asmaequibave

Bhallaladeva est le résultat du conflit entre ses parents. Surinvesti par son père et délaissé par sa mère qui le place au même rang que son cousin orphelin Amarendra, il nourrit avec le temps une rancoeur de plus en plus profonde à son égard au travers d'Amarendra. Il profite ensuite d'elle en jouant sur leur filiation et en se présentant à elle comme le fils légitime et uniquement fiable.

Les personnages féminins ont ici une vraie place à tenir et recouvrent de véritables enjeux dramatiques.

Anushka Shetty confirme son talent en princesse qui en impose et qui s'impose. Devasena n'est pas une frêle princesse baissant le regard en signe d'approbation. Elle tient tête aux hommes et n'hésite pas à manifester son désaccord face à l'imposante reine mère Sivagami. L'exquise Anushka Shetty fait vivre la sublime Devasena avec une élégance folle. Si elle est une habituée du registre épique avec des films tels que Nagavalli et Rudhramadevi, l'actrice de 36 ans sait se démarquer au coeur d'une distribution puissante qui aurait pu la mettre en difficulté. Mais bien entendu, il n'en est rien.

De son côté, l'extraordinaire Ramya Krishnan est encore plus investie par le cinéaste dans cette préquelle fascinante et onirique. L'actrice vole la vedette à ses partenaires, qu'elle affronte avec un aplomb désarmant. Tantôt souveraine rugissante, tantôt mère blessée, l'actrice pousse son personnage dans ses retranchements et nous permet d'entrevoir de nouvelles facettes de Sivagami. Seul regret, et il est de taille : le personnage d'Avanthika, qui tombe carrément aux oubliettes dans cette seconde partie. On voit la ravissante Tamannaah à peine quelques minutes, nettement oubliables. Si son personnage avait totalement disparu, cela n'aurait fait aucune différence dans l'avancement du film. Bref, un beau gâchis. #frustration

L'album du film, composé par M.M. Keeravani est truffé de pépites musicales.

En commençant par « Kanna Nidurinchara », ballade aérienne portée par la voix cristalline de T. Sreenidhi. Le morceau « Hamsa Naava » est magnifiquement mis en scène et donne surtout à voir la superbe complicité qui lie Prabhas à sa partenaire à l'écran Anushka Shetty. Mais la chanson que j'ai préféré reste « Dandaalayyaa », grâce à laquelle j'ai découvert le superbe timbre de Kaala Bhairava.

En conclusion



Baahubali 2 est une saga flamboyante et virevoltante. La critique, aussi bien indienne qu'internationale, est quasi unanime et malgré quelques voix discordantes, les médias s'accordent à exprimer leur enthousiasme sur le film. On est face à une production grandiloquente et extravagante, entre mélodrame et grand spectacle. Il y a tout de même un arrière-goût du fameux Roi Lion, mais la réalisation de Rajamouli est suffisamment inspirée pour trouver sa propre voie et nous faire oublier un scénario à l'issue attendue. Cette suite vient nous apporter les réponses qu'on attendait tout en élevant la barre sur les plans technique et narratif.

Il est presque dommage que Rajamouli ait bouclé son histoire aussi vite, car j'en redemande ! Pourquoi l'univers de Baahubali n'inspirerait pas des oeuvres parallèles, comme c'est le cas en Occident pour Harry Potter, Star Wars ou encore Le Seigneur des Anneaux ? Car le cinéaste tient quelque chose de fort avec ce diptyque. Alors, est-ce vraiment la fin pour Baahubali ? Je ne l'espère pas et j'en veux encore.
LA NOTE: 4,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?