Noor vs Karachi You're Killing Me

vendredi 1 septembre 2017
livre film noor karachi you're killing me — Cet article a été publié dans le numéro 11 de Bolly&Co, page 56.

Les films racontent une histoire, tout comme les livres. Cela n'a rien de nouveau, que ce soit en Inde ou dans n'importe quelle autre industrie cinématographique, beaucoup de scripts sont basés sur des histoires déjà écrites par des auteurs littéraires. Mais que se passe-t-il quand ces histoires se transforment visuellement ? Comment l'adaptation se fait-elle ? Où les cinéastes ont-ils échoué ou, au contraire, réussi leur pari ?

Bolly&Co a décidé de se pencher sur ces projets officiellement inspirés d'ouvrages...


L'histoire générale



Karachi, you're killing me !
ÉCRIT PAR SABA IMTIAZ EN 2014.

Ayesha Khan est une jeune chroniqueuse pour un journal local à Karachi. Elle peine franchement à « réussir » dans le domaine malgré sa motivation. Ambitieuse mais maladroite, elle essaye de faire de son mieux pour être plus positive et trouver l'histoire qui fera d'elle une journaliste internationale. Comme toutes les autres femmes, elle espère aussi trouver l'amour de sa vie... Pas facile avec son métier !

Noor
RÉALISÉ PAR SUNHIL SIPPY EN 2017.

Noor Roy Chaudhary est une journaliste télévisée à Mumbai. Elle veut travailler pour la CNN et quitter sa ville pour travailler à l'étranger. Unn peu trop négative sur la vie, elle décide de prendre les choses en main et de réussir dans tous les domaines. Elle veut reprendre le contrôle de sa vie et prouver qu'elle est capable de plus. Dans la globalité, l'histoire semble identique à deux exceptions près : la ville et le métier.

Karachi se transforme en Mumbai et alors qu'Ayesha exprime clairement son envie de quitter cet enfer, Noor, elle, semble être au départ assez attachée à Mumbai.

La particularité du livre, c'est que Saba Imtiaz y raconte ce qui se passe à l'intérieur de sa ville sans édulcorer ses mauvais côtés. Ayesha connait les lieux par cœur, elle a d'ailleurs des contacts un peu partout. Elle ne veut plus y vivre parce qu'elle ne s'y sent jamais complètement libre, mais elle n'oublie pas que c'est là où elle a grandi et qu'il y a des endroits absolument magnifiques. Malgré sa négativité, le livre se termine sur une note positive où la colère de la journaliste pour sa ville s'atténue. Dans Noor, c'est l'inverse. Elle qui semblait satisfaite de Mumbai, finit par haïr la ville. Elle part plus dans un esprit de changement que d'acceptation.

En tant que journaliste pour la presse locale, Ayesha est dans l'écriture. Elle se fiche en permanence de son look, parce qu'elle se concentre davantage sur les mots. Passionnée, elle accumule les heures supplémentaires et les articles de dernière minute. Elle est douée ! Aucun doute là-dessus, mais elle n'arrive pas à saisir d'opportunité pour se révéler. Dans Noor, la jeune femme travaille pour la télévision et pourtant, le réalisateur a tenu à garder son look de « flemmarde ».

Malheureusement, durant tout le film, il ne nous convainc pas de la passion de Noor et on a même l'impression qu'elle n'est pas forcément douée dans ce qu'elle fait...

livre film noor karachi you're killing me

Les personnages



Ayesha/Noor

Sonakshi Sinha est parfaite en Noor. Sur de nombreux points, Ayesha et Noor sont identiques. A la sortie du livre, de multiples comparaisons ont été émises entre Noor et Bridget Jones. Noor est indépendante, ambitieuse, libre. Elle fume, boit, a des problèmes comme les autres. Elle peut être parfois égoïste, parfois trop sensible.

Saad et Zara

L'une des forces du livre réside dans les personnages des deux amis d'Ayesha : Saad et Zara. Le film ne les a pas changé, conservant ce qui fait leur essence et les positionnant en soutiens sur lesquels Ayesha/Noor s'appuie. Pourtant, Zara n'est à l'origine pas DJ comme dans le film, mais journaliste TV ! Elle a fait des études similaires à celles de Noor et les deux amies se comprennent parfaitement dans leurs vies rythmées. Shibani Dandekar est attachante et drôle. Elle est prête à tout pour son amie, la connaissant d'ailleurs par cœur. Elle est là pour aider Ayesha/Noor à aller de l'avant.

Saad est l'ami d'enfance, le meilleur ami depuis toujours. Si le film a gardé le fait qu'il accumule les conquêtes, il a changé Saad en cuisinier londonien au lieu du businessman de Dubai qu'il est à la base. S'il y avait une superbe dynamique entre Saad et Ayesha dans le livre, le personnage restait tout de même limité là où le film lui donne un peu plus de place et de profondeur (même si ce n'est pas flagrant) et le comédien Kanan Gill s'en sort plutôt bien pour ce qui constitue son premier rôle au cinéma ! Ce qu'il faut savoir, c'est que Zara et Saad ont réussi, là où Ayesha/Noor se sent toujours à l'écart, loin d'avoir réalisé ses objectifs.

Jaime/Ayan

C'est sas doute l'un des personnages qui affiche le plus de différences entre l'ouvrage et le métrage, et encore... Jaime est un journaliste/photographe qu'Ayesha rencontre lors d'un festival. Américain et visiblement charmant, elle tombe sous son charme.

Dans le film, c'est Purab Kohli qui interprète Ayan, dont l'histoire est relativement différente. Le personnage d'Ayan est cependant un peu plus travaillé, plus approfondi et permet presque d'ajouter une dose de drame dans l'histoire de Noor, là ou l'histoire de Jaime est assez superficielle. L'acteur est formidable. Je ne peux pas en dire plus au risque de spoiler, tant il a une part importante dans la vie d'Ayesha/Noor. Il est celui qui va lui permettre d'ouvrir les yeux sur son travail, mais aussi celui qui va la pousser à grandir.

Shekhar

Le patron de Ayesha/Noor tient une grande place dans l'histoire ! Mais le Shekhar du livre est complètement différent du Shekhar du film. C'est simple, dans le livre, Shekhar est le patron d'un journal papier qui fait de son mieux pour maintenir son entreprise à flot. Concentré sur son but, il est tyrannique, un peu égoïste et n'a pas le temps de publier les récits d'Ayesha parce que personne n'a envie de les lire.

Dans le film, il est un modèle pour Ayesha ! Leur relation semble plus intime et Shekhar semble partager un lien assez fort avec elle. Je ne pense pas que c'était nécessaire. En étant véritablement un patron « horrible », Shekhar poussait Ayesha à se dépasser. En ayant une relation plus personnelle avec lui, Noor est parfois odieuse et irrespectueuse envers cet homme qui semble l'aider à grandir dans le domaine du journalisme. Et ce point fait qu'on a tendance à trouver Noor hors de propos et parfois même injuste.

livre film noor karachi you're killing me

L'ambiance globale



Dans le livre, Ayesha sait toujours de quoi elle parle. Le roman est alimenté de faits et d'anecdotes réelles liées à Karachi. C'est une vraie plongée dans l'histoire de la ville. Son travail fait qu'elle est incollable et que sa culture générale est au top. Ayesha est intelligente et futée. Elle sait aussi comment faire pour dénicher les informations dont elle a besoin afin de nourrir ses articles. C'est un aspect qui manque à Noor.

Tout lui tombe dessus sans qu'elle ne fasse rien. L'histoire qu'elle trouve (et qui est liée à sa femme de ménage, inexistante dans le livre) est complètement inventée par l'équipe du film pour qu'elle touche Noor plus directement. Le métrage se focalise alors plus sur cette affaire que sur le personnage et génère un vide considérable dans la narration. La trame ne peut pas commencer avec des ambiances légères et 'feel good' pour se perdre ensuite dans le drame surdosé. L'histoire que trouve Ayesha est liée à une rencontre faite trois ans plus tôt ! C'est sa passion qui l'amène à creuser et à faire son maximum pour en savoir plus sur la nature des événements.

Le film a totalement échoué dans la réécriture de cette partie du livre, simplement pour l'adapter à Mumbai.

Mais le manque de crédibilité de Noor dans son travail est loin de nous convaincre de ce qu'elle fait et la seconde partie du film perd de son rythme et de son charme. L'ambiance globale du livre est légère et honnête. C'est un peu prévisible, mais sa force réside dans sa ville et dans la narration fun d'Ayesha. Le film a échoué dans la mise en avant de Mumbai et quand Noor raconte son histoire, elle semble plus pessimiste qu'optimiste. Elle semble se plaindre constamment sans vraiment chercher des solutions.

La note d'adaptation



Si les personnages sont fidèles à ceux du livre, l'histoire finit par nous donner l'impression qu'il manque un fil conducteur. Le tout est parsemé de scènes copiées puis collées de l'histoire écrite par Saba Imtiaz et semble en totale incohérence avec ce que le film souhaitait raconter.

Même si certains légers changements sont intéressants, le simple fait de ne pas avoir fait plus de recherches sur Mumbai donne l'impression d'avoir bâclé le film sur le côté « journalisme ». Et autant le dire tout de suite, c'est quand même l'un des points les plus importants de l'oeuvre...
mots par
Elodie Hamidovic
contacter
"A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur."