La critique de : Ae Dil Hai Mushkil (★★★☆☆)

lundi 31 octobre 2016
critique film Ae Dil Hai Mushkil J'avais vraiment peur avant d'entamer le visionnage de Ae Dil Hai Mushkil. Certaines de mes craintes se sont matérialisées en le découvrant. D'autres ont été plus atténuées. Mais il faut le dire : Ae Dil Hai Mushkil est un film très moyen. On est loin de l'authenticité de Kuch Kuch Hota Hai, de la générosité de La Famille Indienne ou de la justesse de My Name Is Khan. Ae Dil Hai Mushkil semble vouloir allier tous les ingrédients qui ont fait le succès de ses précédents films (mais aussi de ceux des autres) sans jamais réellement parvenir à trouver sa propre voie. Ayan (Ranbir Kapoor) aime Alizeh (Anushka Sharma). Mais Alizeh aime Ali (Fawad Khan). Le cœur brisé, Ayan se console dans les bras de la poétesse Saba Taliyar Khan (Aishwarya Rai Bachchan)...

Ae Dil Hai Mushkil est un métrage qui, en surface, constitue un drame romantique haut de gamme. Les seconds rôles sont tenus par l'excellent Fawad Khan et l'envoûtante Aishwarya Rai Bachchan, qui avait refusé ses précédents projets Kuch Kuch Hota Hai, La Famille Indienne et Kabhi Alvida Naa Kehna. Karan Johar se paie de surcroît le luxe de missionner Shahrukh Khan le temps d'une apparition spéciale et d'utiliser Imran Abbas et Lisa Haydon en insipides faire-valoir. Alia Bhatt fait également un cameo dans la peau d'un DJ, ce qui n'est pas sans rappeler la 'guest appearance' de John Abraham dans ce même registre pour l'œuvre Kabhi Alvida Naa Kehna, également dirigée par KJo.

Depuis ses débuts, l'industrie nous vend Ranbir Kapoor comme LA sensation de l'industrie hindi. Ce n'est pas un secret, mais j'ai beaucoup de mal avec cet acteur qui, selon moi, ne parvient à exister que lorsque l'écriture de son personnage est solide. Dans un film plus bancal, le « talent » de l'acteur ne suffit pas et sa prestation est au final relativement plate. Dans Ae Dil Hai Mushkil, le comédien nous propose un patchwork de ses prestations dans Rockstar (en chanteur meurtri), Anjaana Anjaani (en amoureux naïf) et Yeh Jawaani Hai Deewani (en ami sincère). Ce ne sont pas ses pires performances, me direz-vous. En effet, cela pourrait faire illusion si je ne m'étais pas retrouvée face à un film de Karan Johar, qui est tout de même parmi les réalisateurs les plus emblématiques de Bollywood. J'attendais donc légitimement de ce dernier (et de son écriture) plus d'originalité et de consistance. De fait, je ne peux pas blâmer Ranbir tant j'ai le sentiment qu'il fait de son mieux dans un rôle particulièrement mal écrit. On partage en tout cas sa peine et il nous touche par la pureté inéluctable de son amour.

J'adore Anushka Sharma ! Je trouve cette jeune femme généreuse et incroyablement naturelle à l'écran. Elle est à mes yeux la seule vedette 'commerciale' dont le potentiel puisse la mener au niveau des Kajol, Karisma Kapoor et autres Juhi Chawla. Ici, on a le sentiment que son rôle constitue un mélange entre la Shruti de Band Baaja Baraat et la Akira de Jab Tak Hai Jaan. Encore une fois, je pense que c'est l'écriture de Karan qui pêche et nous empêche de nous attacher à Alizeh dès les premières minutes du métrage. Le cinéaste peut d'ailleurs remercier ses deux acteurs principaux qui sauvent littéralement le film dans son épilogue, tant leurs prestations sont généreuses et intenses, comme pour nous faire oublier le profond truisme de leurs personnages et des situations qu'ils illustrent.

Aishwarya Rai Bachchan semble être une incarnation moderne de la courtisane, poétesse séductrice qui tend à inspirer l'amant brisé qu'est devenu Ayan. J'ai trouvé intéressant le fait qu'Aish s'essaye à ce rôle là où elle a plutôt été habituée à camper la belle amoureuse au cœur pur dans la plupart de ses films (cf Devdas, Hum Dil De Chuke Sanam...). Dans la peau de cette femme mature et perspicace, l'actrice ne tombe jamais dans la vulgarité. Hélas, Saba ne dispose pas d'assez d'espace et d'épaisseur pour être réellement marquante, la faute (de nouveau) à l'écriture dépouillée du réalisateur. Ae Dil Hai Mushkil enchaîne les clins d'œil au cinéma indien, Karan Johar tombant régulièrement dans l'auto-référence (une tendance agaçante tant elle me semble prétentieuse). Au début, la cinéphile que je suis en tirait un plaisir non dissimulé. Mais à force de multiplier les emprunts à d'autres films, j'ai surtout eu le sentiment que Karan Johar voulait noyer la faiblesse de son histoire originale sous ces 'inspirations' à des œuvres cultes, comme si Ae Dil Hai Mushkil ne se suffisait pas à lui-même et ne pouvait posséder le souffle nécessaire à son bon déroulement qu'à travers des clins d'œil à Dilwale Dulhania Le Jayenge, An Evening in Paris ou encore à Kuch Kuch Hota Hai. C'est assez triste et en même temps clairement révélateur du manque de foi de Karan dans sa plume.

Le problème majeur réside dans le fait qu'on ne dispose d'aucun moyen de s'accrocher aux héros, d'aucune matière qui nous permette de nous identifier à eux ou, a minima, de comprendre leur état d'esprit et les émotions qu'ils éprouvent. A la fin uniquement, après avoir passé plus de deux heures en leur compagnie, il est possible de ressentir un certain attachement pour eux tant les acteurs qui les portent donnent tout ce qu'ils peuvent pour nous atteindre. Je l'avoue volontiers, j'ai fini en larmes ! Et en ce sens, Ae Dil Hai Mushkil n'est pas la catastrophe monumentale à laquelle je m'attendais. Mais quand un mec comme Karan Johar réalise, que la promotion est organisée de telle sorte qu'on nous vende une histoire intense et viscéralement liée aux êtres profonds que sont les protagonistes, tout cela pour finalement se retrouver face à des héros esquissés qui frisent à de multiples reprises la caricature (le fils à Papa qui se rêve chanteur, la nana vive d'esprit qui ne croit pas en l'amour, la poétesse sensuelle chez qui tout est maîtrisé, la petite-amie cruche et cupide...), il y a de quoi être déçue.

La musique pourtant magnifique de Pritam ne sauve pas vraiment le film tant les morceaux sont trop espacés dans la narration pour maintenir un réel rythme autour d'eux. Ceci étant, la bande-originale de l'œuvre reste une réussite et constitue l'un des meilleurs albums de l'an, de la poignante « Channa Mereya » à la dynamique « Breakup Song », en passant par la chanson titre « Ae Dil Hai Mushkil » et l'entraînante « Bulleya ».

En conclusion, peut-être me faudra-t-il un second visionnage, en connaissant un minimum les protagonistes et ce qu'ils traversent, pour être embarquée par Ae Dil Hai Mushkil. J'avais eu un sentiment similaire (et franchement amer) après avoir découvert Jab Tak Hai Jaan, en 2012. Lorsque je l'ai revu cette année (et dans un contexte beaucoup plus sympathique, à savoir au cinéma et en compagnie de mes amies), j'ai été saisie par l'efficacité et le romantisme prégnant du dernier film du grand Yash Chopra. Concernant Ae Dil Hai Mushkil, je dois sans doute m'éloigner du sentiment que ce métrage emprunte assez honteusement les trames de Rockstar, Kuch Kuch Hota Hai et Kal Ho Naa Ho pour l'apprécier concrètement et en tant qu'œuvre à part entière. Si les critiques partagent mon scepticisme, les fans français semblent avoir quant à eux apprécié le film. C'est pourquoi je vous invite à faire votre propre expérience de Ae Dil Hai Mushkil, distribué par notre partenaire Night ED Films que nous remercions encore de nous offrir de telles opportunités de voir des films indiens au cinéma et en toute légalité.
LA NOTE: 2,5/5
★★★☆☆
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
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"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."