La critique de : Cat Sticks (★★★☆☆) #FFAST2020

vendredi 31 janvier 2020
critique film ffast festival paris cat sticks Troisième film en compétition lors du Festival du Film d’Asie du Sud, Cat Sticks est un étrange ovni de contemplation et d’alerte sur la réalité difficile de jeunes drogués des rues de Calcutta. A travers sa pellicule en noir et blanc, le réalisateur Ronny Sen a construit un regard nocturne et sincère sur ce quotidien.

Retour sur ce long-métrage particulier.



Instinctivement, tout spectateur a cherché l’histoire qui allait être narré lorsque Cat Sticks a démarré. Qui sont les protagonistes ? Quel est le voyage qui nous sera proposé ? J’étais moi-même assez dubitative, ne sachant absolument rien de ce projet avant sa projection. Néanmoins, le doute du départ finit par laisser place à une vérité criante : ici, ce sont plusieurs expériences qui font écho les uns aux autres, liées par une addiction dévorante. L’élément majeur, c’est la drogue. Plus le film avance, plus nous réalisons l’impact de cette consommation, parfois même avec la sensation qu’elle détruit l’humanité de ceux qui y touchent. Une scène, en particulier, m’a beaucoup marquée et reflète parfaitement cette impression : deux hommes se retrouvent nus sous un lampadaire, cherchant désespérément une veine pour se piquer. Dans cette recherche presque chorégraphiée, on a la sensation d’observer des animaux.

Avec tous ces différents portraits, Cat Sticks ne néglige aucun détail et n’a pas peur d’être direct.

La vision de cette vérité a pour effet de bousculer les esprits. Il y a comme une forme d’impuissance face à ce qui se produit sur l’écran. Que peut-on vraiment faire pour ces gens-là quand ils ont sombré si bas ? Car ce que Cat Sticks met en évidence, c’est jusqu’où quelqu’un est prêt à aller pour une dose supplémentaire. Dans ce désir qu’ils ne peuvent nier, les drogués peuvent se montrer incroyablement intelligents et astucieux. Tout comme ils peuvent être complètement stupides et exaspérants.

Cette rétrospective a été construire avec beaucoup de soin.

C’est certes en noir et blanc, mais c'est surtout filmé de nuit avec énormément de jeux de lumière et de contraste. Ici, le manque de couleur donne de la force au métrage. Chaque plan est si soigneusement réfléchi qu’on perçoit l’influence de la passion première du réalisateur, qui est la photographie. Même dans les moments les plus horribles, cela reste visuellement beau. C’est tellement impeccable que ça vole la vedette au propos du film. Pour moi, Cat Sticks s’apparente davantage à une œuvre d’art qu’à un métrage de fiction. C’est un enchaînement d’instants intimes, une réalité souvent ignorée ou inconnue. Le regard est saisissant, tantôt effrayant, tantôt déstabilisant. La qualité de ce travail marque et reste en mémoire. Nous ne sommes pas devant un divertissement et peut-être que le rythme peut jouer avec la patience du spectateur, mais j'ai complètement accroché du début à la fin, n'espérant aucun dénouement au récit mais attendant avec impatience le prochain cadre de ce Calcutta noir et terriblement démuni.

Cat Sticks ne cherche pas à donner de solution ou d'explication à ces junkies, c’est une fenêtre ouverte.

C'est une expérience à tenter pour plonger dans un film atypique qui déborde de sensibilité et d'honnêteté.
LA NOTE: 3/5
★★★☆☆
mots par
Elodie Hamidovic
"A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur."
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