La critique de : Little Jaffna et The Loyal Man (★★★★★) #FFAST2020

lundi 3 février 2020
critique film little jaffna the loyal man ffast festival paris Depuis plusieurs années, je n'écris pas sur les films hors-compétition des festivals auxquels je suis conviée. Non pas par manque de volonté, mais parce que c'est mathématiquement compliqué. Il faut faire des choix et hélas, dans l'exercice de réactivité qui nous est demandé pendant toute cette semaine, nous ne pouvons pas être partout.

Toutefois, il fallait que je vous parle de ces deux courts-métrages.



Et que je vous parle de Lawrence Valin. Parce que bêtement, je ne m'attendais pas à ça. Parce que dans le paysage cinématographique français, je n'ai jamais vu ça. Et surtout parce que je n'ai jamais vu d'oeuvre franco-tamoule si aboutie et si sagace (et qui soit portée par un français, je ne parle donc pas de films comme Masaan ou The Lunchbox qui sont des métrages indiens co-financés par l'Europe). Je ne vais pas vous livrer le pitch des deux métrages et préfère vous laisser le plaisir de la découverte. Cependant, il faut vous intéresser au travail de Lawrence Valin. Ce comédien et réalisateur français et tamoul revendique sa double-identité, l'exploitant à merveille dans ses films. Parce que malheureusement, en France comme dans la plupart des oeuvres occidentales, la représentation de la communauté d'Asie du Sud (qu'il s'agisse de l'Inde, du Sri-Lanka, du Pakistan ou encore du Bangladesh) est terriblement réductrice.

Fatigué qu'on lui propose des rôles d'indien de service, Lawrence créé et impose son style, où les personnages qu'il incarne sont (comme lui) à mi-chemin entre leur culture tamoule très présente et leur profond attachement pour la France. Non, il ne joue ni un réfugié, ni un épicier. Au diable ces clichés exaspérants !

Les portraits que dépeint Lawrence dans Little Jaffna comme dans The Loyal Man sont complexes, à la fois rugueux et terriblement charmants.

En plus d'une écriture absolument impeccable et qui ne laisse aucune place à l'amalgame, le travail technique de Lawrence et de son équipe est juste bluffant. Les plans sont propres et ont en même temps à coeur de ne rien aseptiser. Le cinéaste saupoudre son récit de subtiles mais multiples références au cinéma tamoul, qui l'a façonné sans jamais le limiter. Parce que Lawrence a une approche ambivalente du cinéma, avec ces déclarations d'amour multiples à Kollywood et un langage cinématique qui s'apparente davantage aux industries européennes et américaines. Il y a l'âme des grands films tamouls mêlés au réalisme et au rythme des métrages de l'Occident. Sur un format court particulièrement périlleux, le cinéaste réussit par deux fois à nous saisir. On s'accroche viscéralement aux anti-héros qu'il nous propose. Probablement parce qu'on oublie presque qu'il s'agit d'une fiction. Bref, un tour de force multiplié par deux !

Et comme si ça ne suffisait pas, Lawrence est également très bon acteur..

Il rend justice aux beaux protagonistes qu'il a écrit et leur donne littéralement vie. Face à lui, on retrouve le formidable Antonythasan Jesuthasan, que j'avais personnellement adoré dans Dheepan. Thamilchelvan Balasingham hérite quant à lui d'un rôle abrupt, loin de sa prestation de gentil garçon dans Le Grand Bain. Enfin, la captivante Aurora Marion fait des merveilles et, rien qu'en quelques regards, parvient à nous cueillir. Devez-vous regarder Little Jaffna en premier ? The Loyal Man en second ? Lequel est le meilleur ? Impossible de trancher. Alors certes, les histoires ne sont liées en aucun cas. Mais il serait dommage de ne pas les découvrir toutes les deux tant elles possèdent en elles la même sensibilité et le même souffle. Alors, si l'occasion se présente, foncez !

Nous, on va attendre sagement le prochain projet de Lawrence Valin.
LA NOTE: 5/5
★★★★★
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
"Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même."
lui écrire un petit mot ?