La critique de : Bulbul (★★★★☆) #FFAST2020

dimanche 2 février 2020
critique film ffast festival paris bulbul Réalisé par Binod Poudel, Bulbul est le dernier film en compétition projeté lors du Festival du Film d’Asie du Sud. Métrage sans prétention dont l’histoire tourne autour d’une femme conductrice de tempo (terme commun au Népal pour parler du rickshaw), Bulbul a été choisi pour représenter son pays dans la catégorie du Meilleur Film Etranger aux Oscars, et on pense savoir pourquoi !

Le récit se focalise Ranakala, ou plutôt sur une parenthèse de sa vie. Cette femme mariée se plie en quatre pour tenir son foyer. Son mari est à l’étranger pour un travail qui ne fournit à Ranakala aucun revenu supplémentaire, son beau-père est paralysé et nécessite toute son attention alors que sa fille de sept ans est en internat pour obtenir l’éducation la plus complète. Pour gérer tout ça, Ranakala travaille dans un univers plutôt masculin, mais dont elle maîtrise tous les rouages.

La force de Bulbul, c’est son personnage principal.

Ranakala est d’abord une femme forte qui crache par terre et insulte les gros lourds qui lui rentrent dedans. Puis, petit à petit, on réalise qu’elle étouffe dans un quotidien dans lequel elle se sacrifie complètement. Ranakala essaye de penser à elle, de se libérer de ses chaines. Impossible de ne pas compatir pour elle tant on saisit chacune de ses facettes. De son côté tendre et attentionné en tant que mère à celui de belle-fille en colère qui se défoule verbalement sur son beau-père sans jamais le laisser tomber, tout en passant par ce côté ‘bonne copine’ qui est toujours là en cas de problème. Surtout, Ranakala n’est pas une femme parfaite. Elle a ses faiblesses, ses défauts et ses regrets. Elle fait de son mieux pour survivre, voire peut-être s’épanouir malgré la douleur qui résonne en elle. C’est agréable de voir à l’écran une femme comme Ranakala, surtout dans une industrie où le protagoniste féminin fait surtout office de belle plante qui se déhanche en musique. Ici, nous avons le droit à un vrai portrait de femme.

La caméra ne tourne qu'autour d'elle. En même temps, Ranakala est seule. Le réalisme est poussé jusqu’au bout avec des plans sur des petits détails comme lorsqu’elle mange ou qu'elle fume dans le noir. Ces plans-là accentuent cette solitude permanente. Abandonnée, elle ne désire maintenant qu’une chose : être aimée et choyée. Que pour une fois, quelqu’un s’occupe d’elle et pas l’inverse. Voilà pourquoi quand Chopendra arrive dans sa vie et qu’il lui déclare sa flamme, Ranakala n’est pas en mesure de refuser. Parce qu’il répond à un besoin qui devient de plus en plus grand en elle. Il est le pansement idéal d'une plaie qui ne veut pas se fermer.

Swastima Khadka se glisse dans la peau de Ranakala avec beaucoup de naturel. L’actrice est vraiment incroyable et le film fonctionne en grande partie grâce à sa performance. Elle est simplement formidable et parvient à dégager tant d'émotions rien que par ses regards et ses silences. J'ai été impressionnée et ne demande qu'à revoir cette actrice plus souvent sur grand écran ! Le reste du casting fait également très bien l'affaire.

Pourtant, Bulbul n’est pas un film parfait.

Il y a beaucoup d’idées derrière la caméra, ce qui explique le fait que le rythme ne soit pas toujours régulier. Il y a également des temps de doute, de réflexion vis-à-vis de ce qui nous est raconté et le spectateur peut être un peu perdu. Ranakala est si bien écrite qu’il y a aussi cette sensation que son entourage n’est pas assez abouti. Je me souviens d’une scène en particulier, durant laquelle elle se retrouve face à une vue de la ville de Katmandou, décrite comme magnifique. Mais la caméra n’ose jamais flouter Ranakala pour montrer ce qui l’entoure – ce qui peut être légèrement frustrant.

Bulbul prouve que le Népal est capable d’expérimenter et d’offrir de vraies histoires et ça, ce n'est pas rien ! Binod Poudel est peut-être bien à la tête d'une nouvelle vague de l'industrie népalaise qui va apporter encore bien des surprises. C’est un film qui ne cherche pas à idéaliser une histoire, mais à la raconter le plus justement et le plus honnêtement possible.
LA NOTE: 3,5/5
★★★★☆
mots par
Elodie Hamidovic
"A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur."
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