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Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met : des romances de légende.

19 février 2022
Dilwale Dulhania Le Jayenge
Alors que Bollywood en est, à l'heure actuelle, à explorer différents genres de cinéma (oeuvre semi-commerciale, satyre sociale, biopic, thriller psychologique, films de sport ou de guerre...), je vous propose de revenir sur des petits bijoux du cinéma hindi, deux comédies romantiques restées dans les mémoires pour leur justesse et leur légèreté. En effet, l'un est un des plus gros blockbusterq de l'histoire de Bollywood, l'autre a créé la surprise lors de sa sortie malgré un petit budget et des vedettes en pleine séparation.

Ces deux merveilles du cinéma indien, qui sont similaires en bien des points, vous sont présentées et décryptées ci-dessous...



De quoi ça parle, Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met ?

Dilwale Dulhania Le Jayenge, plus connu sous l'acronyme DDLJ, raconte l'histoire de la jeune Simran (Kajol) qui, après avoir été promise au fils de l'ami de son père au Punjab, se voit autorisée à entreprendre un voyage à travers l'Europe en compagnie de ses amies. Lors de ce séjour, elle rencontre Raj (Shahrukh Khan), jeune indien fêtard et immature, alors qu'elle est réservée et lucide. S'ils ne peuvent pas se voir en peinture la première fois, ils finissent bien entendu par tomber amoureux l'un de l'autre. Pourtant, ils ne se l'avoueront pas pendant le voyage. Persuadée que Raj ne l'aime pas, Simran part en Inde afin d'épouser Kuljeet (Parmeet Sethi), le fils de l'ami de son père, comme prévu. Mais Raj n'a pas dit son dernier mot et part pour l'Inde traditionnelle et patriarcale de la famille de sa bien-aimée pour demander la main de celle qu'il aime...

Jab We Met, que tous les amateurs de cinéma hindi reconnaissent grâce à ses initiales JWM, commence par un Aditya (Shahid Kapoor) à l'humeur sombre, en froid avec sa mère et qui, après le décès de son père, apprend que sa petite-amie a décidé d'en épouser un autre. Désemparé et totalement perdu, il monte dans le premier train qui passe, à destination de Bhatinda. Mais il y rencontre une charmante emmerdeuse, bavarde, curieuse et peu discrète, aux antipodes de la femme de sa vie. En la personne de Geet (Kareena Kapoor). Après avoir désespérément tenté de la fuir, il finit par l'accompagner dans sa famille punjabi, mi-blasé mi-charmé, puis auprès de l'homme qu'elle a choisi d'épouser. S'il tombe très vite amoureux de la belle, cette dernière ne rêve que d'épouser Anshuman (Tarun Arora), son petit-ami niché dans un coin perdu de l'Inde montagneuse, à Badnagar. Alors qu'ils se séparent sur le point d'arrivée, il apprend 8 mois plus tard que la jeune femme a disparu, abandonnée par son bien-aimé et sans avoir laissé de nouvelles à sa famille. Aditya entreprend de la retrouver et de lui redonner goût à la vie... Jab We Met Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met : Un casting de rêve...

DDLJ réunit à l'écran le couple le plus populaire du cinéma indien Shahrukh Khan et Kajol, âgés à l'époque de 30 et 20 ans. La magie opère et c'est sans doute le film dans lequel leur alchimie transparaît le plus. Une Kajol resplendissante, naturelle et toute jeune, aux côtés d'un Shahrukh charismatique, charmeur et très présent. La mayonnaise a logiquement pris. Ils avaient déjà travaillé ensemble la même année dans Karan Arjun et avaient aussi collaboré tous les deux dans Baazigar, en 1993. DDLJ les propulse au rang de stars et fait d'eux des valeurs sûres de Bollywood auprès des gens de l'industrie, qui les sollicitent de plus en plus. Dans les seconds rôles, on retrouve le plus célèbre des papas gentils Anupam Kher, feu Amrish Puri, émouvant en père sévère mais compréhensif, et la plus douce des mamans Farida Jallal.

JWM possède une distribution assez hétéroclite. En tête d'affiche, on retrouve la bankable Kareena Kapoor et le prometteur Shahid Kapoor. Alors que leur osmose à l'écran est plus intense que jamais, on apprend que les deux acteurs, en couple depuis 2004, se sont séparés avant le début du tournage. En effet, ils se rencontrent sur le plateau de Fida et sortent ensemble peu après. Ils tourneront pas moins de 4 films tous les deux (dont Milenge Milenge, resté dans les placards du producteur Boney Kapoor pendant 6 ans, qui sortira finalement en 2010), avant d'en finir avec leur collaboration et surtout avec leur idylle au travers du projet Jab We Met. Un beau point final pour ainsi dire. Comme seconds couteaux, on retrouve la légende du cinéma hindi et punjabi Dara Singh, ainsi que les acteurs de télévision Saumya Tandon et Tarun Arora. Le cinéaste Imtiaz Ali déclare que son choix pour les personnages principaux s'est directement porté sur Kareena et Shahid, tant ils étaient parfaits pour les rôles. Il estimait par ailleurs que tout leur potentiel n'avait pas été suffisamment exploité. Dilwale Dulhania Le Jayenge Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met ou les secrets du succès.

DDLJ était, lors de sa sortie, une comédie romantique différente et innovante. Avec un réalisateur surdoué et un couple vedette devenu la coqueluche du public indien, DDLJ était assuré de rencontrer le succès. Mais surtout, les attentes des producteurs ont largement été dépassées. Le film est devenu un "All Time Blockbuster". Il a dépassé en 2014 sa 1000ème semaine de diffusion en salles et a remporté en 1996 pas moins de 10 prix lors de la cérémonie des Filmfare Awards. Le film est devenu légendaire, au-delà de l'apport pécuniaire qu'il a représenté pour la maison de production Yash Raj. En matière de comédie romantique, DDLJ est une référence et un exemple pour tous les amateurs du genre.

JWM fait partie, à l'instar de DDLJ, de ces films au véritable potentiel, mais au budget très limité. Il s'agit d'ailleurs du second film du réalisateur Imtiaz Ali, après le bide du charmant Socha Na Tha. Avec Jab We Met, les critiques l'attendaient au tournant et s'attendaient à un échec retentissant. De plus, le film sortait deux semaines à peine avant le film le plus attendu de l'année : Om Shanti Om. Et malgré tout, cette petite production a été la révélation de l'année, le film dont personne n'attendait rien, mais qui a créé la surprise en trouvant son public. Une intrigue subtile, une direction d'acteurs exceptionnelle et un album qui s'est hissé en tête des charts un mois avant la sortie du film. Jab We Met a été le carton le plus imprévisible de 2007, alors que le somptueux Saawariya a sombré face au paquebot Om Shanti Om. Le film a aussi séduit la critique, dithyrambique dès la sortie du métrage. JWM a d'ailleurs gagné 16 prix, toutes cérémonies et catégories confondues. Jab We Met Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met, des romances qui transcendent les codes de la comédie romantique en Inde...

DDLJ sort en 1995. Première réalisation d'Aditya Chopra, fils aîné de l'expert en la matière Yash Chopra, ce film est historique sur bien des points. Cette fresque romantique réunit à l'écran le super-couple Shahrukh Khan et Kajol pour la troisième fois. Mais en plus d'une mise en scène variée et d'un duo resplendissant, l'histoire regorge d'une sincérité et d'une émotion rarement égalées, tout en sachant séduire un jeune public. Tout d'abord, les jeunes héros sont des NRI (Non Resident Indian), autrement dit des immigrés indiens vivant en Angleterre. Une nouveauté pour un film "made in India". De plus, l'image pas toujours élogieuse de l'Inde et des indiens a provoqué de vives réactions, pour ensuite créer un intérêt total. Mais c'est surtout la manière dont cette histoire d'amour, à la base des plus classiques, a été abordée et portée à l'écran par son réalisateur qui est révolutionnaire. Dans ce film, s'il y a présence maternelle et paternelle, celle-ci ne prêche pas nécessairement la bonne parole et n'a pas toujours raison. Un changement radical pour Bollywood, dont beaucoup de films appartiennent au genre du cinéma familial, comme DDLJ. C'est une remise en cause de l'autorité parentale et de sa véracité qui est exécutée dans ce film pas comme les autres. Et c'est sans doute pour cela qu'il est devenu un classique.

JWM sort en 2007. A l'heure où des films purement commerciaux comme Partner, Dhoom ou No Entry font un carton, avec leur lot de filles en bikini et en micro-short, JWM est un retour aux sources, sans pour autant être un plagiat de vieilles romances. C'est un film "à l'ancienne", ce qui ne l'empêche pas d'être unique, original, frais et audacieux. En plus de personnages à la psychologie parfaitement étayée, la tournure de l'histoire et le schéma narratif du film constituent à eux seuls un vrai changement dans les codes de la comédie romantique de Bollywood. De plus, les personnages de Geet et Aditya sont presque totalement indépendants, émancipés de tout devoir familial, d'ordre religieux, honorifique ou social. Et ce contrairement à DDLJ, dans lequel l'autorité paternelle et la soumission maternelle constituaient le fil conducteur du récit. Dans JWM, les deux héros n'ont pas peur de la pression familiale, ce qui donne une véritable liberté aux personnages et aux émotions qu'il éprouvent. JWM narre le conte moderne de deux personnalités modernes, dans une Inde qui n'a pas changé d'un pouce, toujours relativement conservatrice. Si les mentalités de la jeune génération évoluent, le pays reste à l'identique. Et là est le véritable intérêt de ce film : c'est une réflexion de l'Inde actuelle, véridique et nuancée. Pas de prise de position de la part de l'équipe du film, juste la réalité. Les acteurs y mettent du leur, et l'essentiel est là : des bons sentiments et une happy end ! Dilwale Dulhania Le Jayenge Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met : deux films qui se ressemblent, mais pas tant que ça...

Plus d'une décennie sépare les sorties de ces deux films. Et pourtant, on peut noter de nombreuses similitudes entre les deux long-métrages, aussi anodines que flagrantes. Tout d'abord le contexte. En effet, si entre temps les mentalités de la jeune génération ont évolué, le contexte politique, social et religieux n'a pas changé d'un pouce. D'où le véritable intérêt d'émettre un parallèle entre ces deux films de différentes époques. En effet, si dans DDLJ, les héros vouent un culte à la bénédiction parentale et au respect des traditions ainsi qu'à l'autorité des aînés, JWM est beaucoup plus libéré de ce point de vue là. Les héros sont livrés à eux-même, tout comme dans la première partie de DDLJ, mais ils le restent presque durant tout le film. Dans DDLJ en revanche, les parents ont une place presque capitale dans l'intrigue. Dans JWM, toutes les péripéties sont dues aux héros et aux héros seuls. S'ils ne se retrouvent pas, ce n'est en rien dû à une différence de milieu, de religion ou à l'obstacle que constitue le refus des parents illustré dans DDLJ. C'est juste que les héros sont trop égarés pour se rendre compte qu'ils sont amoureux. Alors que dans DDLJ, l'amour arrive beaucoup plus vite, mais l'élément perturbateur de cette relation est le père de Simran. On note que dans JWM, il y a une absence presque totale de figure maternelle, celle de Geet étant très peu présente à l'écran, et celle d'Aditya est en froid avec ce dernier. En revanche, dans DDLJ, la mère est un élément important de l'histoire, même si elle est bien plus effacée que son mari.

Enfin, dans DDLJ, les personnages féminins sont un peu éteints face aux rôles masculins. Amrish et Shahrukh sont en effet bien plus présents que Farida et Kajol. Dans JWM au contraire, le personnage central est Geet, une femme gaffeuse, audacieuse et culottée, sans tabou ni timidité, loin de la fille plus "old-fashioned" interprétée par la sublime Kajol dans DDLJ. Il y a une similitude qui peut sans doute paraître anodine, mais qui est en fait très profonde : le train. En effet, le fait d'avoir contextualisé ces romances autour d'un voyage en train est en tous points symbolique. Le train évoque une certaine émancipation des héros, et de manière générale de la jeunesse indienne. L'histoire évolue au même rythme que le train n'avance. De plus, le fait de centrer la rencontre des héros lors d'un voyage rend la séparation encore plus délicate : on sait que le séjour va se terminer, et l'on s'interroge forcément sur l'issue de l'aventure des deux héros. Et dans JWM comme dans DDLJ, cette "fin" est mise en image avec une finesse rarement atteinte par la suite dans l'industrie. Pas de pleurnicheries surjouées et à la limite du supportable, mais une justesse et une émotion, tout cela en même temps, qui sont réellement prenantes. Et là est le véritable point commun entre ces deux chefs-d'oeuvre, et c'est en cette force que réside la pérennité de ces films inimitables... Jab We Met Dilwale Dulhania Le Jayenge et Jab We Met, des films à voir. Pour conclure, ce sont deux films à voir parce qu'ils véhiculent amour, optimisme et bonhomie sans tomber dans le mélodrame poussif. Toujours avec justesse et subtilité, ils abordent les méandres de l'amour sans sombrer dans le gnan-gnan total. Grâce à une distribution impeccable et à une musique mémorable, Jab We Met et Dilwale Dulhania Le Jayenge resteront dans les mémoires pour leur fraîcheur mais aussi pour leur sincérité et leur lucidité dans leur façon d'aborder ces idylles, a priori très basiques, mais qui deviennent hors du commun grâce à une mise en image formidable et à un jeu percutant des deux jodi.

Deux films qui resteront dans les annales du cinéma hindi et du genre romantique indien.

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
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