Bolly&co Magazine

La critique de : Gehraiyaan (★★★☆☆)

12 février 2022
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Gehraiyaan est le troisième film de Shakun Batra, qui nous a offert en 2012 la sympathique comédie-romantique Ek Main Aur Ekk et en 2016 le drame familiale Kapoor & Sons. A chaque fois, je trouvais qu’il touchait juste et qu’il apportait un point de vue intéressant, même captivant parfois. Lorsque Gehraiyaan est annoncé et que les premières images ont été dévoilés, voilà que le réalisateur se lance dans un nouveau genre : le drame romantique.

Est-ce qu’on peut dire jamais deux sans trois, ou est-ce que cette fois, il est passé à côté de son sujet ?



La trame de Gehraiyaan est assez simple : lorsqu'Alisha (Deepika Padukone) retrouve sa cousine Tia (Ananya Panday) après 8 ans d’absence, elle rencontre son fiancée, le séduisant Zain (Siddhant Chaturvedi). Coincée dans une relation toxique avec un écrivain en devenir, Karan (Dhairya Karwa), Alisha voit en Zain quelque chose d’attrayant, d’excitant. Quelque chose qui va enfin faire bouger les choses dans sa vie monotone, la réveiller du monde duquel elle est prisonnière…

La raison pour laquelle j’avais hâte de découvrirGehraiyaan, c’est parce que j’espérais une relecture du classique schéma de l’adultère. Je voulais quelque chose d’authentique, une romance réaliste et sensible. Quelque chose qui permette de découvrir un autre regard, une autre compréhension quand deux personnes déjà liées à d’autres, se retrouvent incroyablement attirées l’une vers l’autre. Malheureusement, la première partie du film ne révolutionne pas grand-chose sur le sujet et respecte une to-do list cinématographique vue et revue.

Il n’y a rien de nouveau dans ce qu’on nous présente.

Ce n’est pas faute de nous suggérer qu’Alisha a un trauma d’enfance qui la pousse de plus en plus à prendre de nouvelles décisions, à quitter l’environnement dans lequel elle s'est enfermée. Mais la caméra, qui était jusque-là concentrée sur la jeune femme, change de perspective. Et la deuxième partie du film prend un nouveau tournant, s’attaque à Zain et à son travail – et force est de constater qu’on n'y trouve aucun intérêt. Ce qui nous parait alors inutile, prend sens plus tard. Pour autant, cela retombe comme un soufflé. La fin décompose différents questionnements, mais le tout manque de simplicité et de logique. Et quand c’est fini et bien, on est déçu.

C’est dommage car la cinématographie de Gehraiyaan est remarquable.

J’ai Mumbai Diaries 26/11 (disponible sur Amazon Prime Vidéo) sur ma liste depuis sa sortie, mais je vais définitivement y jeter un coup d’œil car le travail de Kaushal Shah dans Gehraiyaan est tout bonnement divin. L’aspect technique de l'oeuvre est presque irréprochable. L’ambiance, la musique, les lieux... Tout est parfaitement utilisé. Le casting est lui-même impressionnant de justesse, notamment Deepika Padukone. On peut aisément comprendre ce qui traverse l’esprit d’Alisha, les douleurs qui l’empêchent de trouver sa route, les doutes qui finissent toujours par la rattraper comme l’image de ces vagues gigantesques qui emportent tout sur leur passage et qu’on ne cesse de voir et revoir à l’écran. Elle se noie, et tente de sortir la tête de l’eau du mieux qu’elle le peut, quitte à faire des erreurs sur son sillage.

Mais quand l’histoire met Alisha de côté pour Zain, la magie n’opère plus.

On nous balance termes financiers sur termes financiers, et la caméra elle-même perd de sa beauté. Elle devient terne, réplétive, plate (ce qui est peut-être voulu, maintenant que j’y pense). Il n’y a plus d’ambiance, il n’y a que la frustration face aux enchainements prévisibles de la narration – ceux qui lisent mes critiques depuis 2010 savent que j’ai tendance à deviner ce qui va se produire, et que j’ai souvent du mal quand j’ai raison. Et s'il y a bien une situation où je n’aime pas avoir raison, c’est bien là. En face d’un film. Surtout quand Gehraiyaan décide de jouer sur le suspense, mais se plante complètement lorsque les révélations faites dix minutes avant la fin, ont été devinées 10 minutes avant le moindre début d'intrigue.

Pourtant, tout était là pour réussir ce troisième film.

Malgré mes déceptions, je ne peux pas nier que je suis allée au bout des 148 minutes sans trop de peine, que j’ai trouvé certaines scènes puissantes, riches. Que malgré des dialogues (beaucoup de dialogues) en anglais qui donnait un faux air de « film indépendant », le travail fait autour d’Alisha est vraiment chouette. En réalité, tous les personnages ont une personnalité propre, travaillée. L’apparition de Naseeruddin Shah m’a réchauffé le cœur, j’ai adoré détester Karan et Ananya Panday a réussi à ne pas se faire manger par le reste de l’équipe, je dirais même qu’elle s’est plutôt bien débrouillée ! La musique aurait mérité plus de place, même si elle est déjà plus qu’efficace quand elle est correctement utilisée, notamment dans la première partie.

Ce que j’avais adoré avec Ek Main Aur Ekk Tu, c’était le casting improbable. Imran Khan et Kareena Kapoor ensemble. Le duo fonctionnait à merveille, de la même manière qu’entre Deepika et Siddhant, ça colle. Shakun Batra sait surprendre, apporter des nouveautés. Mais surtout, il sait aborder des sujets avec délicatesse et authenticité. Gehraiyaan n’est pas un essai raté, mais un essai imparfait. Il vaut quand même le coup d’œil pour ses prestations extraordinaires et le travail minutieux de son metteur en scène. Qui sait, contrairement à moi, vous serez surpris par les rebondissements et vous vous ferez emporter par la vague...
LA NOTE: 2,5/5
mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
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