La critique de : Sharmaji Namkeen (★★★★☆)

mardi 19 avril 2022
critique Sharmaji Namkeen rishi kapoor
Juste avant de nous quitter, Rishi Kapoor tournait un film : Sharmaji Namkeen. Dirigé par Hitesh Bhatia (dont c’est la première réalisation), ce métrage raconte l’histoire d’un père de famille forcé à la retraite qui doit faire face à son nouveau train de vie. Plutôt que de refaire la totalité du film avec un autre acteur, l’équipe a préféré engager Paresh Rawel pour compléter les scènes inachevées par Rishi et ainsi lui rendre un ultime hommage. Les deux acteurs alternent donc l’interprétation de Sharmaji, ce qui peut être déroutant.

Mais outre ce détail, que vaut Sharmaji Namkeen ? Et en quoi est-ce un film à voir ?



J’ignorais de quoi parlait le film. J’ai même été assez surprise de le voir apparaitre dans mes suggestions sur Amazon Prime Video (disponible avec des sous-titre anglais). J’étais persuadée que Sharmaji Namkeen ne sortirait jamais sur nos écrans, mais l’effort collectif autour de ce projet pour le terminer et le proposer, est franchement louable. Selon les dires de Ranbir Kapoor – qui remet en contexte le film lors d'un rapide prologue – l’acteur Paresh Rawal a intégré le tournage à la dernière minute, tel un miracle.

Je pense que si vous débutez le visionnage de Sharmaji Namkeen en connaissance de cause, et que vous vous préparez mentalement à accepter que Sharmaji a deux visages, alors vous allez passer un très bon moment !

Sharmaji est un homme tendre, un peu maladroit, conscient que la génération de ses fils est différente de la sienne. Il a passé toute sa vie à suivre les règles et à travailler dans une usine de produits ménagers sans se plaindre, et se retrouve démuni sans sa routine habituelle. C’est aussi un père passionné, qui a su prendre les choses en main après la mort de sa femme, qui met la main à la pâte pour préparer les boîtes à déjeuner de ses enfants (des adultes, au passage). L’histoire reste simple et se focalise sur cette transition compliquée. Sur le regard de la famille face à la retraite, que ce soit le point de vue des plus jeunes, convaincus qu’il n’y a rien de mieux dans la vie que de ne rien à faire, ou des plus anciens qui comprennent les tourments du nouveau retraité. La narration refuse de tomber dans le mélodrame et s’engage plutôt à être positif. Le hasard et la passion de Sharmaji pour la cuisine vont lui ouvrir les portes d’une nouvelle ambition. C’est ainsi qu’il fera des rencontres extraordinaires, et retrouver sa joie de vivre.

J’ai forcément pensé à Sridevi dans English Vinglish. Un film contemporain sur une mère de famille qui s’émancipe en apprenant une nouvelle langue. Ou encore à Hindi Medium, dans lequel des parents sont prêts à tout pour le futur de leur enfant, quitte à mentir sur leur situation sociale. Il y a dans Sharmaji Namkeen la même approche, la même authenticité. L’humour est familier, tout comme les personnages. Qui n’a pas un oncle un peu trop bavard, ou un fils trop têtu ? Les jugements énoncés sont universels, et donc le spectateur n’est jamais dans le flou ou dans l’incompréhension. Ce métrage intimiste dans son approche est aussi incroyablement réconfortant. Il fait du bien.

Le casting est absolument génial. Le rôle de Sharmaji était fait pour Rishi Kapoor, incroyablement touchant et juste dans chacune de ses scènes.

Impossible de ne pas s’attacher à lui, de ne pas le soutenir dans ses démarches pour reprendre sa vie en main. Paresh Rawal est également excellent et réussit le pari fou d’en faire assez pour nous permettre de suivre l’histoire sans jamais se dire que le Sharmaji devant nous est différent de celui de la scène précédente. C’est la preuve de son talent indéniable et on ne peut que le remercier d’avoir accepté cette mission de sauvetage. Suhail Nayyar sait ce qu’il doit faire dans le rôle du fils ainé, Rinku. Un businessman tiraillé entre son envie d’indépendance et son besoin d’aider sa famille. La dynamique qui le lie à sa petite amie Urmi (la superbe Isha Talwar) et à son plus jeune frère (Taaruk Raina) fonctionne parfaitement et apporte des éléments supplémentaires sur sa caractérisation. Enfin, le film ne manque pas d'actrices formidables, souvent sous-employées mais qui, ici, prennent les choses en main ! Sheeba Chaddha (hilarante à chaque fois), Juhi Chawla (divine, il faut le souligner) et toutes les autres nouvelles connaissances de Sharmaji sont purement et simplement attachantes, drôles et sublimes ! Ce groupe très éclectique permet d'aborder l'émancipation des femmes dans la boucle des enjeux auxquels se confronte Sharmaji, et surtout de souligner l'importance d'avoir du soutien inconditionnel pour avancer dans la vie.

A mes yeux, Sharmaji Namkeen est une belle surprise dont les petits détails font la force. Evidemment, j'aurai aimé que Rishi Kapoor puisse aller jusqu'au bout de ce métrage auquel il croyait si fort, mais je suis ravi que l'équipe du film ait trouvé un compromis pour le proposer au grand public ! Regardez-le avec bienveillance et je vous garantis que vous passerez un très bon moment.

LA NOTE: 4/5
mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
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