Scène culte : « Gamla Nahin... Vase. » de La Famille Indienne.
29 mai 2022
— Cet article a été publié dans le numéro 15 de Bolly&Co, page 112, publié en 2019.
La scène d’un film peut avoir de multiples résonances. Qu’il s’agisse de son propos, de sa mise en scène ou de sa place dans la narration, une scène peut magnifier par sa pertinence un film comme le gâcher lorsqu’elle est superflue ou dénuée de sens. Dans cette nouvelle rubrique, Bolly&Co se propose d’analyser les séquences cultes du cinéma indien pour justement dégager ce qui fait toute leur singularité...
Réalisé par Karan Johar. Acteurs de la scène : Amitabh Bachchan (Yashvardhan Raichand), Kajol (Anjali Sharma), Farida Jalal (Sayeeda), Shahrukh Khan (Rahul Raichand), Kavish Majmudar (Rohan Raichand) et Malvika Raaj (Pooja Sharma).
Grande pièce qui semble être le bureau de Yashvardhan Raichand, des livres sont disposés dans une grande bibliothèque en bois, avec en fond un grand escalier au cœur de cet espace circulaire. Le bois renvoie au côté précieux et important de l’endroit dans lequel les personnages se trouvent. Et surtout au statut de pouvoir de Yashvardhan. Un assistant est d’ailleurs en train de faire signer des documents à son patron, signifiant de façon encore plus criante les responsabilités que porte ce dernier. La grande table centrale avec le vase marque la frontière entre ce monde et celui, plus humble, d’Anjali.
D’un côté, un costume gris pour Yashvardhan mais aussi un tuxedo et une cravate pour son cadet Rohan. Toujours avec des tons sobres et épurés, pour représenter l’élégance et un certain raffinement. Une façon de plus de marquer la richesse et le rang social de cette famille. De l’autre, un salwar kameez coloré (plus précisément un patiala salwar) pour Anjali qui insiste sur le côté plus populaire et généreux du milieu duquel elle vient. Pooja porte également une tenue de ce type, s’opposant à celle, beaucoup plus sérieuse, de Rohan. La tante Sayeeda est quant à elle vêtue d’un salwar kameez mais arbore un voile sur la tête, signifiant son appartenance religieuse.
Karan Johar filme sa scène en n’utilisant que des plans fixes. La séquence s’amuse justement des plans multiples, avec un premier plan mettant en avant Yashvardhan et un second plan où Rahul fait absolument tout pour décrédibiliser la belle Anjali. Le montage de Sanjay Sankla s’appuie d’ailleurs sur le point de vue de l’héroïne et la confusion que celle-ci génère chez Yashvardhan.
Anjali vient de renverser un vase de valeur en plein milieu de la fastueuse fête d’anniversaire de Yashvardhan. Sa tante (accessoirement nounou des fils Raichand) la somme de venir s’en excuser. C’était sans compter sur le style inimitable de la pétillante jeune femme...
Séquence humoristique par essence, c’est le comique de situation qui fait le sel de la scène. Anjali sermonne effectivement Rahul de l’avoir provoquée, mais Yashvardhan prend les apostrophes de la jeune femme pour lui. Ce running gag tient sa force de la prestation de Kajol, qui joue parfaitement les filles gauches et empotées.
D’un côté, il y a Yashvardhan, un multimillionnaire qui en impose. De l’autre, il y a Anjali, une fille déjantée du quartier populaire de Chandni Chowk. La scène s’amuse de leur opposition, du fait que tout les sépare. Et ce jusque dans la mise en scène avec cet énorme vase (sujet principal de l’échange entre les protagonistes) qui se dresse entre eux. Le vase se casse d’ailleurs symboliquement en conclusion, comme pour signifier (avec un peu d'avance) à Yashvardhan, qu’Anjali est celle qui viendra briser les traditions et l’ordre établi. De son côté, Rahul agit en secret, dans le dos de son père aussi bien au sens propre qu’au sens figuré.
Ici, le comique est plutôt de situation, s’appuyant davantage sur le jeu tordant de Kajol que sur des dialogues qui font mouche. Cela dit, l’une des répliques finales de la séquence, « Gamla nahin... vas e» (« Ce n’est pas un pot, c’est un vase ») est devenue incontournable par son caractère cocasse. Surtout, cette phrase vient une fois de plus marquer la différence sociale entre une jeune femme familiarisée à l’usage de pots fonctionnels là où son interlocuteur fait l’acquisitions de vases uniquement décoratifs et précieux. On soulignera également le fait que Yashvardhan parle peu et d’un ton posé tandis qu’Anjali s’exprime de façon bien plus volubile, et en punjabi, s’il-vous-plaît !
Pour sa chute ! La maladroite Anjali vient effectivement s’excuser d’avoir brisé un vase de valeur pour finalement en casser un second dans son élan ! La prestation aussi cabotine qu’attendrissante de Kajol fait tout le reste du travail. On aime sa voix stridente, son enthousiasme et le côté sincère et sans filtre de son personnage, qui détonne avec l’allure impétueuse de celui campé par Amitabh Bachchan. Une bouffée d’air frais et l’une des scènes les plus hilarantes de l’oeuvre de Karan Johar, mais qui demeure forte en symbole dans le cheminement de sa trame.
La scène d’un film peut avoir de multiples résonances. Qu’il s’agisse de son propos, de sa mise en scène ou de sa place dans la narration, une scène peut magnifier par sa pertinence un film comme le gâcher lorsqu’elle est superflue ou dénuée de sens. Dans cette nouvelle rubrique, Bolly&Co se propose d’analyser les séquences cultes du cinéma indien pour justement dégager ce qui fait toute leur singularité...
« Gamla Nahin... Vase. » de La Famille Indienne.
Réalisé par Karan Johar. Acteurs de la scène : Amitabh Bachchan (Yashvardhan Raichand), Kajol (Anjali Sharma), Farida Jalal (Sayeeda), Shahrukh Khan (Rahul Raichand), Kavish Majmudar (Rohan Raichand) et Malvika Raaj (Pooja Sharma).
Le set
Grande pièce qui semble être le bureau de Yashvardhan Raichand, des livres sont disposés dans une grande bibliothèque en bois, avec en fond un grand escalier au cœur de cet espace circulaire. Le bois renvoie au côté précieux et important de l’endroit dans lequel les personnages se trouvent. Et surtout au statut de pouvoir de Yashvardhan. Un assistant est d’ailleurs en train de faire signer des documents à son patron, signifiant de façon encore plus criante les responsabilités que porte ce dernier. La grande table centrale avec le vase marque la frontière entre ce monde et celui, plus humble, d’Anjali.
Les costumes
D’un côté, un costume gris pour Yashvardhan mais aussi un tuxedo et une cravate pour son cadet Rohan. Toujours avec des tons sobres et épurés, pour représenter l’élégance et un certain raffinement. Une façon de plus de marquer la richesse et le rang social de cette famille. De l’autre, un salwar kameez coloré (plus précisément un patiala salwar) pour Anjali qui insiste sur le côté plus populaire et généreux du milieu duquel elle vient. Pooja porte également une tenue de ce type, s’opposant à celle, beaucoup plus sérieuse, de Rohan. La tante Sayeeda est quant à elle vêtue d’un salwar kameez mais arbore un voile sur la tête, signifiant son appartenance religieuse.
La caméra
Karan Johar filme sa scène en n’utilisant que des plans fixes. La séquence s’amuse justement des plans multiples, avec un premier plan mettant en avant Yashvardhan et un second plan où Rahul fait absolument tout pour décrédibiliser la belle Anjali. Le montage de Sanjay Sankla s’appuie d’ailleurs sur le point de vue de l’héroïne et la confusion que celle-ci génère chez Yashvardhan.
L'enjeu
Anjali vient de renverser un vase de valeur en plein milieu de la fastueuse fête d’anniversaire de Yashvardhan. Sa tante (accessoirement nounou des fils Raichand) la somme de venir s’en excuser. C’était sans compter sur le style inimitable de la pétillante jeune femme...
Le caractèr / le ton de la scène
Séquence humoristique par essence, c’est le comique de situation qui fait le sel de la scène. Anjali sermonne effectivement Rahul de l’avoir provoquée, mais Yashvardhan prend les apostrophes de la jeune femme pour lui. Ce running gag tient sa force de la prestation de Kajol, qui joue parfaitement les filles gauches et empotées.
Les héros
D’un côté, il y a Yashvardhan, un multimillionnaire qui en impose. De l’autre, il y a Anjali, une fille déjantée du quartier populaire de Chandni Chowk. La scène s’amuse de leur opposition, du fait que tout les sépare. Et ce jusque dans la mise en scène avec cet énorme vase (sujet principal de l’échange entre les protagonistes) qui se dresse entre eux. Le vase se casse d’ailleurs symboliquement en conclusion, comme pour signifier (avec un peu d'avance) à Yashvardhan, qu’Anjali est celle qui viendra briser les traditions et l’ordre établi. De son côté, Rahul agit en secret, dans le dos de son père aussi bien au sens propre qu’au sens figuré.
Les répliques
Ici, le comique est plutôt de situation, s’appuyant davantage sur le jeu tordant de Kajol que sur des dialogues qui font mouche. Cela dit, l’une des répliques finales de la séquence, « Gamla nahin... vas e» (« Ce n’est pas un pot, c’est un vase ») est devenue incontournable par son caractère cocasse. Surtout, cette phrase vient une fois de plus marquer la différence sociale entre une jeune femme familiarisée à l’usage de pots fonctionnels là où son interlocuteur fait l’acquisitions de vases uniquement décoratifs et précieux. On soulignera également le fait que Yashvardhan parle peu et d’un ton posé tandis qu’Anjali s’exprime de façon bien plus volubile, et en punjabi, s’il-vous-plaît !
Pourquoi c'est culte ?
Pour sa chute ! La maladroite Anjali vient effectivement s’excuser d’avoir brisé un vase de valeur pour finalement en casser un second dans son élan ! La prestation aussi cabotine qu’attendrissante de Kajol fait tout le reste du travail. On aime sa voix stridente, son enthousiasme et le côté sincère et sans filtre de son personnage, qui détonne avec l’allure impétueuse de celui campé par Amitabh Bachchan. Une bouffée d’air frais et l’une des scènes les plus hilarantes de l’oeuvre de Karan Johar, mais qui demeure forte en symbole dans le cheminement de sa trame.