Critique : Natchathiram Nagargiradhu (★★★★☆)

dimanche 4 septembre 2022
critique de Natchathiram Nagargiradhu cinéma indien france
Ce vendredi 2 septembre, je suis allée découvrir en salles le dernier film du cinéaste Pa. Ranjith, intitulé Nachathiram Nagargiradhu. Ce métrage engagé avait pour sous-titre “Love is political”. L’amour est politique. Rien qu’avec ce postulat de départ, j’ai hâte !

Ajoutons à cela un post dithyrambique d’Anurag Kashyap, un de mes réalisateurs favoris, sur ses réseaux sociaux, disant tout le bien qu’il pense de l'œuvre… Je ne pouvais donc pas attendre plus longtemps pour le découvrir, qui plus est au cinéma ! Car je suis personnellement très attachée à l’expérience de la salle, tant découvrir un film dans de telles conditions transforme l’expérience que l’on s’en fait !

C’est ainsi qu’après ma longue journée de travail dans le Nord, j’ai pris la route pour assister à la séance de 21h au Pathé Aéroville, dans le Val d’Oise, à moins de 10 minutes de mon nouveau chez-moi… Et clairement, je ne m'attendais pas à ce que je m'apprêtais à voir !

Avec Natchathiram Nagargiradhu, Pa. Ranjith livre un OVNI dans son intéressante filmographie.

Si le métrage est fidèle à l’engagement du réalisateur, déjà palpable dans ses précédents métrages, il fait ici des choix de mise en scène qui s’éloignent nettement du reste de son œuvre. Loin du rythme tempétueux de ses autres films ou de leur montage frénétique, Natchathiram Nagargiradhu s’installe, prend son temps pour que l’on cerne les enjeux et intentions de tous les protagonistes. On assiste à des débats, des échanges vifs, des querelles sur une question aussi complexe qu’universelle : celle de l’amour.

Pa. Ranjith marque ici surtout une rupture avec le cinéma plus “mainstream” qu’il produisait jusque-là, livrant un vrai film indépendant, émancipé de tous les codes du blockbuster tamoul commercial. Et en vrai, ça fait grave plaisir !

L’intégralité du casting est follement investi pour servir cette troupe de théâtre de Auroville, de Kalidas Jayaram à Kalaiyarasan, en passant par Regin Rose et la regrettée Sherin Celin Mathew. Cette dernière s’est effectivement donnée la mort en mai dernier, et touche beaucoup dans ce film où elle défend une cause qui lui était chère : celle de la communauté trans.

Cela dit, la véritable star du métrage, c’est Dushara Vijayan, qui y incarne l’âme de Natchathiram Ngaragiradhu. La comédienne, dont c’est la seconde collaboration avec le réalisateur, est absolument parfaite dans la peau de Renée, une actrice au tempérament de feu ! J’espère vraiment que cette prestation impeccable lui vaudra de multiples distinctions, et fera décoller sa prometteuse carrière…

Attention, car Natchathiram Nagargiradhu est parfois éprouvant, la caméra statique par moments pouvant donner l’impression de figer le temps.

Mais il y a énormément d’idées visuelles et narratives, et surtout une audace impressionnante derrière ce projet. Et par les temps qui courent, c’est tellement rafraîchissant de voir un cinéma indien qui n’a pas peur de prendre position, et de parler de sujets qui peuvent froisser la classe politique. A ce propos, Pa. Ranjith n’y va pas avec le dos de la cuillère ! Ça parle férocement de crimes d’honneur, du système de castes, d’homophobie et de transphobie en donnant à chaque fois une humanité profonde aux causes défendues. Et dès qu’un personnage est en décalage avec les valeurs du groupe (ici Arjun, incarné par Kalaiyarasan), on l’amène à grandir, à réfléchir sur sa vision pour mieux la déconstruire.

C’est peut-être moins accessible que les autres métrages du cinéaste (que je vous conseille tous sans exception, notamment Sarpatta Parambarai, sorti en 2021 et disponible sur Prime Video), mais ça vaut le détour pour son courage et la passion qui l’anime.

En conclusion, si vous avez le temps et l'opportunité d’aller découvrir Natchathiram Nagargiradhu au cinéma, je vous invite sincèrement à le faire.



Ce sera sans doute une expérience singulière, probablement pas la plus divertissante qui soit, mais qui vaut la peine d’être vécue. J’en profite au passage pour remercier le distributeur Friday Entertainment de nous avoir rendu ce film accessible en France.
LA NOTE: 4/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?