Silk Smitha : le destin tragique d’une provocatrice.

mercredi 21 septembre 2022
silk smitha
— Cet article a été publié dans le numéro 5 de Bolly&Co, page 128.

Sa vie a fait l'objet d'un long-métrage à succès, The Dirty Picture (sorti en 2011) avec Vidya Balan dans le rôle-titre. Silk Smitha représentait le fantasme de tous les indiens des années 1980, cultivant son image de sex-symbol, en faisant un véritable argument de vente.Longtemps cantonnée aux rôles de belles plantes, elle deviendra absolument incontournable, aussi bien par sa quasi-omniprésence sur les écrans de cinéma que du fait à sa vie personnelle atypique.

Voici l’histoire d’une des comédiennes indiennes les plus mystérieuses et les plus productives de son ère…



Née sous le nom Vijayalakshmi au sein d’une famille pauvre d’Andhra Pradesh, la jeune fille arrête ses études prématurément, ses parents n’ayant plus les moyens de les financer. Elle est donc mariée très jeune, et ce contre sa volonté. Maltraitée par son époux et sa belle-famille, elle fuit chez sa tante à Madras (aujourd’hui Chennai, au Tamil Nadu) pour échapper aux coups de son bourreau. Elle postule auprès de nombreux directeurs de casting dans le but de devenir actrice, sans succès. Un jour, elle rencontre le réalisateur Vinu Chakravarthy, qui la nomme désormais Smitha. Sa femme Karna lui apprend l’anglais et lui fait prendre des cours de danse classique.

La vedette débutante est donc découverte pour la première fois dans le métrage en langue malayalam Inaye Thedi, sorti en 1979.

Le succès est au rendez-vous, l’image de sex-symbol qu’on lui connaît depuis étant ici exploitée comme jamais. Elle enchaîne par la suite les rôles de chanteuses de bar, de danseuses de cabaret et de garces provocatrices qui font sa gloire. C’est ainsi qu’elle devient actrice de genre en se limitant à des prestations dans le même registre. car c’est clair : quand Silk Smitha est engagée sur un projet, c’est pour assurer le succès commercial du film et non pour servir une intrigue.

Suite au carton du film de Kollywood Vandi Chakkaram la même année, elle est surnommée Silk en hommage à l’héroïne qu’elle campe dans l'œuvre. Tous ses projets font l’objet de plébiscites populaires incontestables, mais rares sont ceux qui lui permettent de se dépasser artistiquement et de changer de registre. La nouvelle vedette du cinéma indien des 1980s tourne alors en télougou, en tamoul, en malayalam, en kannada ainsi que dans quelques films hindis. Ses numéros de danse, ses scènes à moitié nue et ses performances osées (comme dans Moondru Mugam en 1982 avec Rajinikanth) la sacrent comme une icône de sensualité dans les industries dravidiennes.

Silk Smitha excelle pourtant dans les rares rôles où elle n’exhibe pas son avantageuse anatomie.

Elle a par ailleurs été acclamée par la critique pour son interprétation impeccable dans le drame tamoul Alaigal Oivathillai, sorti en 1981. On la découvre à fleur de peau, incarnant avec précision et émotion une femme blessée qui subit les infidélités de son mari volage. Cependant, elle reste un faire-valoir de choix des plus grandes stars indiennes. Notamment dans le bouleversant Moondram Pirai, sorti en 1982 et où c’est Sridevi qui brille en jeune fille handicapée face au sobre Kamal Haasan.

Silk Smitha est surtout devenue culte dans son domaine de prédilection grâce au film pour adulte malayalam Layanam en 1989. Ce sera un tel hit au box-office qu’il sera doublé en 2002 pour l’audience hindiphone sous le titre de Reshma Ki Jawani. En 17 ans de carrière, elle a d’ailleurs tourné dans plus de 450 films. A l’apogée de sa carrière, l’historien Randor Guy, spécialiste du cinéma tamoul, déclarait : « Des films restés dans les tiroirs durant des années étaient commercialisés par la simple addition d’une chanson de Silk Smitha. »

Pourtant, dès les années 1990, la star est en perte de vitesse.

Elle avoisine la trentaine et les producteurs lui préfèrent la volupté et la classe de Madhuri Dixit. Elle s’essaye à la production en 1995, sans succès. Puis elle tente de rester à flot en tournant dans des films à succès comme Vijaypath et Palnati Pourusham en 1994. Sa carrière est en déclin, et même son style de vie s’en ressent : elle perd alors beaucoup d’argent. S’ajoutent à cela ses nombreuses déceptions amoureuses. Silk Smitha sombre alors dans une profonde dépression et devient accro à l’alcool, et ce à l’image d’une autre actrice indienne torturée : Meena Kumari. Le 23 septembre 1996, elle est retrouvée sans vie dans son appartement à Chennai. Si les circonstances de sa mort restent un mystère, une investigation menée par la suite avancera la thèse du suicide. Néanmoins, personne ne comprendra le geste désespéré de celle qui a longtemps été la diva la plus audacieuse du sous-continent. Elle avait 35 ans…

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?