Bolly&co Magazine

Critique : Tu Jhoothi Main Makkaar (★★★☆☆)

17 mars 2023
bollywood farzi faux prime video shahid kapoor vijay sethupathi
Ce mercredi, je me suis rendue, comme à mon habitude, au Gaumont Saint Denis afin d'y découvrir Tu Jhoothi Main Makkaar, nouvelle comédie romantique du réalisateur Luv Ranjan avec Ranbir Kapoor et Shraddha Kapoor dans les rôles principaux. Dès le début de l'annonce de ce projet, j'ai émis de sérieuses réserves et verbalisé un manque d'enthousiasme criant. Ranbir Kapoor avait-il réellement décidé de faire son come-back à Bollywood avec des films plus médiocres les uns que les autres ? Après le décevant Shamshera et l'aberrant Brahmastra, il avait donc décidé de s'associer au cinéaste misogyne de Pyaar Ka Punchnama?

Car en effet, pour ceux qui l'ignorent encore, le cinéma de Luv Ranjan est particulièrement marqué par son propos outrageusement sexiste et ses personnages féminins réducteurs qui ont surtout vocation à diaboliser la femme pour mieux glorifier l'homme.



Ses héroïnes sont manipulatrices, malintentionnées et vénales, là où ses héros sont les sincères victimes de leurs charmes et de leurs manigances… Cette vision tranchée des relations entre hommes et femmes, c'est la marque de fabrique du metteur en scène. Et c'est la raison pour laquelle cette collaboration me fait si peur !

En face, il y a Shraddha Kapoor, qui n'a rien fait depuis 3 ans et la sortie de l'affreux Baaghi 3. Ce film recouvre donc un enjeu important pour ses comédiens principaux : celui de revenir sur le devant de la scène, pour l'un après des prestations peu concluantes, pour l'autre après un long hiatus. D'autant qu'ils ont beau nous faire croire le contraire, mais Ranbir comme Shraddha vieillissent. Et oui, ils sont toutes mêmes vachement beaux gosses (même si je suis plutôt hermétique à ce que dégage Ranbir, mais c'est moi que ça regarde…). Cela dit, l'acteur va sur ses 41 ans et l'actrice a, selon les sources, entre 34 et 36 ans. Les voir donc jouer les jolis cœurs dans la fleur de l'âge peut donc soit passer, soit casser. Bref, tout cela pour dire que je suis relativement circonspecte et attend de voir Tu Jhoothi Main Makkaar avec une vive appréhension.

Après le visionnage, comment dire que je suis mitigée ?

Car d'un côté, le métrage compte d'indubitables atouts qui le rendent excessivement efficace. Effectivement, les 2h45 de la pellicule passent à une vitesse folle, et Tu Jhoothi Main Makkaar possède en son sein un sens du rythme accru. Aussi, la bande-originale composée par Pritam est truffée de tubes entêtants, de « Pyaar Hota Kayi Baar Hai » à « Show Me The Thumka », en passant par « Tere Pyaar Mein » et « Maine Pi Rakhi Hai ». Chaque séquence musicale est d'ailleurs intelligemment positionnée dans la narration et contribue à la cadence soutenue de l’œuvre.

Cependant, je ne peux fermer les yeux sur toutes ces choses qui ont gâché mon expérience.

Et la plus évidente réside, sans surprise, dans l'écriture des personnages. Pourtant, ça partait plutôt bien : Rohan, dit Mickey (Ranbir Kapoor) a un véritable coup de foudre pour Nisha, dite Tinni (Shraddha Kapoor). Il est sûr de lui : c'est la femme de sa vie. Ni une, ni deux, il la présente à sa famille, qui adopte immédiatement la jeune fille. Pourtant, Tinni commence à se sentir étouffée par cette famille nombreuse très intrusive et envahissante.

Et jusque-là, on comprend Tinni pleinement. C'est une femme indépendante et libre, qui souhaite vivre à l'homme qu'elle aime sans avoir à s'encombrer au quotidien de son excentrique famille ! Tinni souhaite avec son logement bien à elle, qu'elle partagerait avec Mickey. Mais ce dernier, beaucoup trop attaché aux siens, souhaite que tous vivent ensemble sous le même toit… C'en est trop pour Tinni, qui ne peut envisager de vivre dans ces conditions, elle décide donc de mettre fin à leur relation. Et à ce stade, le film est plutôt cohérent. Par ailleurs, en ce qui me concerne, je suis en totale empathie avec son héroïne. Les sentiments de Tinni sont parfaitement valables, tout comme sa décision de se séparer de Mickey du fait de leur incompatibilité sur ce sujet ô combien important. Cependant, c'est par la suite que ça se gâte… Car au lieu de le quitter autour d'une discussion, comme le ferait un adulte sensé, Tinni prend la décision d'engager un spécialiste des séparations pour orchestrer de toute pièce l’Armageddon de sa relation avec Mickey !

On assiste donc à un plan machiavélique visant à gaslight Mickey, à lui faire porter la responsabilité de la rupture pour que Tinni se sorte de cette situation avec les honneurs.

Les magouilles sont de mise et on assiste à une lutte lorsque Mickey apprend que sa chère et tendre prévoit en réalité de le larguer. Et si les méthodes de Tinni sont douteuses, on apprend qu'elles sont guidées par son envie de ne pas contraindre Mickey à un choix entre sa famille et elle. Là où Mickey réplique uniquement parce que son égo est blessé. D'ailleurs, il n'a de cesse durant tout le film de se présenter comme un « gars bien », un pauvre gentil garçon qui ne comprend pas pourquoi la vilaine demoiselle ne veut pas de lui… Alerte, Ross Geller et Ted Mosby n'ont qu'à bien se tenir ! On a affaire à un énième pick-me toxique qui ne voit pas plus loin que le bout de son pif !

Le film glorifie également cette notion millénaire, et très ancrée en Inde selon laquelle on n'épouse pas seulement une personne, mais on épouse également sa famille.

La vision de Tinni est donc présentée comme décadente, loin des valeurs indiennes traditionnelles. On a beau nous montrer la famille de Mickey comme très libérée dans son discours, elle conserve un fonctionnement bien archaïque et patriarcal. Et ça, Tinni le voit ! On la dépossède de sa voix, on parle à sa place et décide pour elle de ce que sera son avenir. Ça la terrifie en toute légitimité, et elle prend conscience qu'elle mérite mieux. Pourtant, Mickey ne la comprend jamais réellement. Il estime qu'elle est égoïste, qu'elle veut juste le garder pour elle toute seule. Et dans le film, il n'évolue jamais sur la question, ce qui le rend à mon sens particulièrement antipathique.

La mentalité de Tinni est d'ailleurs illustrée comme le problème du film à résoudre, tandis que la vision de Mickey n'est jamais interrogée. Si elle est si indépendante, c'est uniquement parce qu'elle a été élevée par une mère célibataire. Si elle désire avoir son espace propre avec son mari, c'est uniquement parce qu'elle n'a jamais fait l'expérience d'une vraie famille… Bref, Tu Jhoothi Main Makkaar porte un message fondamentalement sexiste, comme pour nous rappeler que Luv Ranjan n'a jamais vraiment renié là d'où il venait.

Ranbir Kapoor s'en sort plutôt bien, même s'il donne l'impression de jouer une version vieillie de son personnage dans Bachna Ae Haseeno. A bientôt 41 ans, l'acteur a passé l'âge de jouer de tels rôles.

Et malgré sa présence notable à l'écran et sa jolie complicité avec sa partenaire, on le sent limité dans sa prestation, aussi bien par la caractérisation de son personnage que par son physique, qui ne colle plus vraiment à ce que devrait être Mickey. En revanche, Shraddha Kapoor est une révélation. Son image de bubbly girl est désormais loin derrière elle ! Dans les séquences dansées « Show Me The Thumka » et « Maine Pi Rakhi Hai », la comédienne est divine, magnétique. Il y a du Sridevi en elle dans certains plans tant elle est magnifique. Mais en plus, elle délivre une prestation emplie de malice, de charme et de sensibilité. Elle sait être drôle et séductrice quand il le faut, tout en déployant de l'émotion dans les scènes qui l'exigent.

Le reste du casting évolue en satellite, que ce soit la toujours impeccable Dimple Kapadia et la révélation Inayat Verma, que j'avais tant aimé dans Ludo en 2020. L'arc narratif de l'humoriste Anubhav Singh Bassi, qui incarne le meilleur ami de Mickey, est totalement jeté aux ordures après 20 minutes de film sans la moindre logique. Le métrage est également l'occasion de voir le producteur Boney Kapoor, papa de Jahnvi Kapoor, faire l'acteur de manière assez peu convaincante. Enfin, les apparitions spéciales de Kartik Aaryan et Nushrat Bharucha, acteurs récurrents du réalisateur, sont cartoonesques au possible et ne recouvrent pas d'enjeux intéressants.

En conclusion,



J'ai davantage de griefs contre Tu Jhoothi Main Makkaar que de points en sa faveur. Si le métrage se regarde sans bouder son plaisir, il laisse un goût amer quant à son message, résolument rétrograde. J'aurais aimé que Luv Ranjan face son mea culpa avec ce film, qu'il tourne définitivement le dos à ses métrages sexistes du passé… Mais hélas, ce ne sera pas pour cette fois !



Sorti le 15 mars 2023 en France, Distribué par Desi Entertainment Paris

LA NOTE: 2,5/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?