Critique : Kennedy (★★☆☆☆)

jeudi 25 mai 2023
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Kennedy, le nouveau film d’Anurag Kashyap était projeté cette nuit en sélection cannoise dans le cadre des Séances de Minuit. Le réalisateur est effectivement un habitué de la Croisette puisque ses précédents métrages Gangs of Wasseypur et Ugly avaient été présentés lors de la Quinzaine des Cinéastes. Il n’est donc pas vraiment surprenant de le retrouver à Cannes cette année.

Et si je suis une fan de longue date du metteur en scène, ses récents métrages m’ont tout de même déçue, si bien que je me pose cette question existentielle : est-ce qu’on n’aurait pas perdu Anurag ?



Kennedy sonnait pour moi comme une ultime lueur d’espoir. S’il a été sélectionné, il doit forcément être qualitatif, n’est-ce pas ? Et j’étais enchantée à l’idée de le découvrir dans le cadre si iconique du Palais des Festivals. Elodie et moi avons donc dégainé nos petites robes noires, nos talons les plus vertigineux (et les plus douloureux) pour arpenter la fameuse montée des marches que je suivais de mon canapé depuis l’enfance…

Bref, tout est alors propice à me faire passer un excellent moment de cinéma, et ce malgré la fatigue accumulée.

Kennedy est d’ailleurs un projet intriguant à bien des égards. En effet, le cinéaste missionne pour son film l’actrice Sunny Leone qui, après une carrière notable dans le X, a tourné des métrages franchement oubliables à Bollywood. L'œuvre semble signer un tournant pour la comédienne, qui pourrait y bénéficier d’une belle reconnaissance après un parcours aussi atypique. Et avant de voir le film, je trouve la démarche d’Anurag absolument formidable !

Le réalisateur retrouve également l’acteur Rahul Bhat, qu’il avait précédemment dirigé en 2014 dans le sombre Ugly, cette fois au service d’un rôle qu’il avait initialement écrit pour la star dravidienne Vikram. Bref, tout ça pour vous dire que je suis à fond.

Hélas, le verdict est sans appel dès ma sortie de la salle de projection : je n’ai vraiment pas aimé Kennedy.

Que s’est-il passé pour qu’au bout d’une heure de film, je commence à m’endormir ? Et sachez que ce n’est pas du tout dans mes habitudes. Surtout quand le film m’enthousiasmait autant que Kennedy. Le métrage raconte l’histoire d’un ancien flic qui, après la mort tragique de son fils, travaille pour l’ennemi. Pourtant, dès le départ, quelque chose ne fonctionne pas. Le personnage de Kennedy, incarné de manière viscérale par un Rahul Bhat au regard pénétrant, n’a aucune cohérence ! Sans rien vouloir vous divulgâcher, c’est l’histoire d’un policier corrompu qui devient encore plus corrompu ! Anurag ne nous donne rien pour que l’on comprenne son personnage, encore moins pour que l’on s’y attache. Il est donc particulièrement laborieux d’investir un protagoniste dont on ne saisit ni les motivations, ni le fonctionnement. Kennedy agit comme un meurtrier de sang froid, comme un robot tueur sans jamais réfléchir aux conséquences. Ses actes ne recouvrent aucun calcul, aucune intelligence et relèvent plutôt de la cruauté pure, bête et méchante. Difficile de voir un flic meurtri quand, dès le départ, on nous le montre comme une sombre ordure.

Rahul Bhat est un excellent comédien qui est hélas mal investi par son metteur en scène.

Pour le voir dans un rôle glaçant et bien maîtrisé (et chez le même cinéaste), je vous invite chaleureusement à voir Ugly. Pour lui donner la réplique, Sunny Leone écope d’un rôle tertiaire assez cliché. Et si elle s’en tire avec les honneurs, parvenant à être drôle et pertinente quand il le faut, son personnage ne recouvre aucun enjeu déterminant dans la trame. Et quand on voit à quel point la communication autour du film misait sur sa participation, c’est à mon sens incompréhensible de lui avoir donné si peu d’espace.

Que dire de la réalisation d’Anurag Kashyap qui, malgré de bonnes idées parsemées, choisit systématiquement la route de la fainéantise.

Comme si Anurag n’avait plus l’énergie ni le courage de prendre les chemins tortueux qui ont fait sa gloire… La flemme, quoi ! Il en va de même pour la bande-originale de l'œuvre, envoûtante mais extrêmement mal utilisée. Composée par Amir Aziz et le rappeur Boyblanck, elle possède d’excellents morceaux qui ne sont hélas pas mis au service d’une narration rythmée et efficace.

En conclusion



Kennedy est un thriller paresseux, peu inspiré et cruellement décousu malgré le talent de son acteur principal et quelques bonnes idées de mise en scène, hélas beaucoup trop rares pour réellement faire la différence.
LA NOTE: 2/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?