Critique : Any Body Can Dance (★★★★☆)

mercredi 21 juin 2023
ABCD critique bollywood
— Cet article a été publié dans le numéro 7 de Bolly&Co, page 122.

Un film de danse en Inde ? Pléonasme, non ? Et pourtant, c’est le pari qu’a fait le cinéaste Remo D’Souza après le succès de sa comédie F.A.L.T.U., avec Jackky Bhagnani et Puja Gupta. En 2013, il réalise effectivement Any Body Can Dance, connu sous l’acronyme ABCD. Ce chorégraphe de profession a officié dans de nombreux métrages à succès comme Tehzeeb, Life Partner, Student of The Year et Yeh Jawaani Hai Deewani. Il est également très connu à la télévision comme l’un des juges de la version indienne de Danse avec les Stars (Jhalak Dikhhla Jaa), en compagnie de Madhuri Dixit et Karan Johar. Il passe donc derrière la caméra pour mettre en image sa passion pour la danse. Il offre à sa troupe de danseurs professionnels les rôles principaux de ce film de danse qui se veut le tendant ‘curry/idli’ de Sexy Dance et autres Steppin’... Il se paie surtout le luxe d’engager le grand Prabhu Deva en mentor de ces danseurs talentueux mais aux tempéraments électriques. Le chorégraphe Ganesh Acharya tient également l’un des rôles centraux du film.

Produit par Siddharth Roy Kapur et Ronnie Screwvala, ABCD n’était pas le film le plus attendu de l’année 2013, et pourtant…



Vishnu (Prabhu Deva) est chorégraphe au sein de la Jehangir Dance Company, dirigée par Jehangir Khan (Kay Kay Menon), jusqu’à ce qu’un conflit d’intérêt ne mette Vishnu à la porte. Décidé à retourner à Chennai, son ami Gopi (Ganesh Acharya) le persuade de rester à Mumbaï et de monter sa propre compagnie de danse. C’est ainsi qu’il forme une bande de jeunes danseurs prometteurs mais ingérables : D (Dharmesh Yelande) et Rocky (Salman Yusuff Khan) se détestent, Chandu (Punit Pathak) est accro à la drogue, Shaina (Noorin Sha) danse dans les bars pour s’en sortir, Rhea (Lauren Gottlieb) est une ancienne élève de la JDC victime d’une agression sexuelle... Entre rancœurs du passé, amour, amitié, drames et désillusions, ces jeunes vont apprendre le véritable sens de la danse...

Qu’on se le dise de suite : les chorégraphies ne sont pas comparables à ce que les américains ont été capables de nous offrir en termes de films de danse. Mais la distribution est active et sait défendre des chorégraphies un peu faiblardes techniquement. Cependant, trois séquences musicales valent le détour : « Bezubaan », « Duhaai » et « Sadda Dil Vi Tu ». On appréciera aussi le solo de Prabhu Deva à un moment crucial du film. D’ailleurs, parlons de suite de la musique de ABCD : il s’agit d’un des plus grands atouts de l'œuvre.

Composée par Sachin-Jigar (à qui l’on doit les excellents albums de Tere Naal Love Ho Gaya, Jayantabhai Ki Luv Story et Ramaiya Vastavaiya), la bande-originale est de très bonne qualité et surtout en phase avec chaque scène qu’elle accompagne : des folkloriques « Shambhu Sutaya » et « Psycho Re » à la pieuse « Sadda Dil Vi Tu », en passant par les délurées « Chandu Ki Girlfriend » et « Sorry Sorry » et les poignantes « Bezubaan » et « Duhaai »… L’album dans son intégralité reste en tête et donne tout son sens et toute sa vivacité au film.

Prabhu Deva est dans son élément dans le rôle de ce professeur authentique et investi.

C’est surtout un plaisir pour les fans de le retrouver devant la caméra après tant d’années, lui qui a depuis longtemps pris le parti de diriger et chorégraphier plutôt que d’incarner. Remo D’Souza n’aurait pu trouver de meilleur candidat à ce rôle de gourou de la danse que celui que l’on nomme le ‘Michael Jackson indien’. La troupe de danseurs qu’il dirige n’a jamais joué la comédie. Pour la plupart, ils font leurs débuts d’acteurs avec ABCD.

Si Salman Yusuff Khan est celui que les spectatrices attendaient le plus pour sa plastique de rêve, ce n’est pourtant pas lui qui crève l’écran. Dharmesh Yelande en gosse des rues incontrôlable est très convaincant, touchant par sa gaucherie mais aussi par sa motivation. Lauren Gottlieb est américaine et bien qu’elle ne parle pas le hindi, elle a tenu à doubler sa propre voix. Elle est très touchante et surtout magnifique à regarder, c’est la meilleure danseuse de la troupe et elle affine les chorégraphies par son énergie et sa technique.

Mais celui dont on retient la prestation, c’est Punit Pathak.

En addict à la drogue sur la voie de la rédemption, amoureux transi de la danseuse de bar Shaina, il est poignant. Son personnage est le lien qui unit tous les personnages les uns aux autres. Son jeu est impeccable et c’est en plus un danseur incroyable.

En conclusion



Le film semble être un divertissement plutôt léger, mais il est en réalité empli d’émotion sans jamais tomber dans le mélodrame poussif. Remo D’Souza a réussi l’exploit de transmettre son amour de la danse sans avoir pour autant innové en la matière. C’est dans le jeu de ses acteurs, sa musique et son script que ABCD a puisé ses plus belles armes, tout cela pour devenir l’un des succès surprise de l’année 2013. Ce qui interpelle le plus, c’est la cohésion qui s’est créée au sein de la troupe, particulièrement palpable durant les trois séquences dansées précitées. Une suite est d’ores et déjà envisagée, toujours sous la direction de Remo D’Souza, galvanisé par son second succès commercial après F.A.L.T.U.. En attendant cette séquelle dont on espère qu’elle sera aussi prenante que son pilote, savourez ABCD comme une ode à la danse mais surtout à l’amitié et à l’Inde. C’est connu : si la danse est prépondérante dans les films indiens, ce n’est pas par sa technique qu’elle a brillé, mais par son âme et sa sincérité. Et c’est le message que délivre ABCD : l’authenticité de la culture indienne…



LA NOTE: 4/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?