Critique : Ishkq in Paris (★☆☆☆☆)

vendredi 23 juin 2023
Ishkq in Paris critique bollywood
— Cet article a été publié dans le numéro 7 de Bolly&Co, page 129.

On n’avait pas vu Preity Zinta depuis 2008 avec sa performance brillante dans le film indépendant Videsh - Heaven on Earth et son rôle secondaire dans l’émouvant Heroes. Pour faire patienter son public, elle fera deux apparitions en chansons dans Rab Ne Bana Di Jodi (pour le titre « Phir Milenge Chalte Chalte ») et Main Aurr Mrs Khanna (dans l’item number « Happening »). Quatre longues années durant lesquelles Preity Zinta a eu une vie mouvementée, aussi bien professionnellement que côté coeur.

Tout d’abord, elle s’est séparée de son petit-ami de longue date, le businessman Ness Wadia, avec lequel elle continue de travailler dans le cadre de l’équipe de cricket dont ils sont les actionnaires : les Kings XI Punjab. Son film Har Pal est dans les tiroirs, terrassé par une polémique de taille : son acteur vedette, Shiney Ahuja, est incarcéré pour agression sexuelle sur son employée de maison. Preity fera en attendant un détour par la télévision en animant son talk-show Up Close & Personal with PZ, où elle accueillera le tout Bollywood comme Salman Khan, Shahrukh Khan, Hrithik Roshan et Farhan Akhtar. Enfin, la sortie de sa production Ishkq In Paris, prévue pour le second semestre de 2012, est décalée pour une durée indéterminée. En effet, son réalisateur Prem Soni perd son père durant la période de postproduction, et le jeune cinéaste apprend dans le même temps qu’il est atteint d’un cancer. Finalement, Ishkq In Paris sort le 24 mai 2013 après la rémission de Prem, dans l’ignorance générale. Un flop auquel le public s’attendait, malgré le retour de l’actrice aux fossettes et tous les investissements qu’ont nécessité cette œuvre.

Mais Ishkq In Paris méritait-il un tel verdict ? A-t-il fait un tel bide car il a souffert de son manque de promotion ? Ou alors parce qu’il n’est tout bonnement pas réussi ?



Ishkq Élise (Preity Zinta) est une photographe franco-indienne qui coule des jours heureux à Paris, où elle vit avec sa mère, l’actrice Marie Élise (Isabelle Adjani). Cette épicurienne croque la vie à pleines dents sans se soucier de l’avenir. Elle ne croit d’ailleurs pas en les relations à long terme, encore moins au sentiment amoureux. Dans un train, elle rencontre Akash (Rhehan Malliek), un businessman indien qui partage son état d’esprit. Ils décident de passer du bon temps ensemble sans succomber l’un pour l’autre, sauf que...

On a déjà vu mille fois le schéma du phobique de l’engagement qui finit par tomber amoureux et... s’engager ! Ici, il n’y en a pas un, mais deux !

Preity Zinta et Gaurav Chanana (acteur de télévision renommé Rhehan Malliek pour l’occasion) campent ces allergiques à l’amour fondant l’un pour l’autre bien malgré eux. Le récemment nommé Rhehan Malliek fait donc ses débuts dans un rôle titre au cinéma avec ce film, face à la désormais incontournable Preity Zinta. Pourquoi avoir choisi un inconnu quand Preity aurait pu solliciter Shahrukh ou Salman Khan, ses deux amis de longue date ? La rumeur veut qu’aucun acteur d’envergure n’ait voulu faire partie de l’aventure, contraignant Preity à engager une nouvelle tête.

Ce que l’on ne peut pas nier, c’est que le couple que forment Preity et Rhehan fonctionne bien. Les acteurs semblent avoir le même âge, ils sont physiquement harmonieux, Gaurav Chanana/Rhehan Malliek a d’ailleurs de faux airs d’un autre bellâtre aux yeux clairs : Akshay Oberoi, qui démarrait sa carrière en 2010 dans Isi Life Mein. L’acteur a sans doute voulu signer le renouveau de sa carrière en devenant Rhehan Malliek, et ce après un passage oubliable dans des séries télévisées qui le sont tout autant.

Dans Ishkq In Paris, il s’en sort très bien dans un rôle immensément réducteur.

C’est d’ailleurs l’un des défauts de Ishkq In Paris, parmi tant d’autres : l’histoire, écrite par Prem Soni et Preity Zinta elle-même. Le tout est terriblement cliché, les personnages sont caricaturaux, et il en va de même pour les dialogues et les situations. Cela manque cruellement de fraîcheur et d’originalité, là où des films comme Ekk Main Aur Ekk Tu ou Cocktail apportaient de l’audace dans leur trame et leurs protagonistes. On a l’impression d’avoir vu ce type d’intrigues des centaines de fois, sans que cette fois-ci ne nous apporte quelque chose en plus.

Preity Zinta n’est pas plus chanceuse : le rôle de Ishkq ne lui convient pas. En premier lieu, du haut de ses 38 ans, elle est trop âgée pour entrer dans les chaussures de Ishkq sans faire de dégâts. Mais ce n’est pas le plus grave, car Preity ayant toujours été connue pour sa candeur et son sourire ravageur, on se dit légitimement qu’elle nous fera oublier son âge pour nous illuminer de ses expressions adorables et de sa justesse d’interprétation. Mais il n’en est rien. Selon plusieurs ragots, la magnifique rajput aurait eu recours à des injections de botox. Il semble que Ishkq In Paris ne les confirme, puisque Preity affiche un visage figé, ses expressions faciales en sont devenues très artificielles. Elle n’avait pourtant nullement besoin de telles interventions et faisait partie des plus belles actrices de Bollywood. Du coup, elle semble encore plus vieille qu’elle ne l’est vraiment.

Ensuite, on peut décemment se demander ce qu’une actrice du calibre d’Isabelle Adjani est venue faire dans cette galère. Effectivement, cette comédienne a tout de même gagné cinq Césars de la Meilleure Actrice ! Elle incarne dans Ishkq In Paris la mère de Preity Zinta. Et on peut dire qu’elles sont en phase puisque la comédienne française de renom est aussi figée que sa fille fictive ! Isabelle Adjani n’y dit que quelques mots. Le reste du temps, elle est doublée en hindi par une autre personne. Elle est surtout exploitée comme argument de vente, car son rôle n’a guère d’impact sur l’histoire de Ishkq et Akash, si ce n’est la phobie de la première en ce qui concerne l’amour. On a en revanche le petit plaisir de voir Shekhar Kapur dans une brève apparition, pour laquelle il campe le père de Ishkq. Côté cameo, Salman Khan partage quelques pas de danse avec Preity Zinta tandis que Chunky Pandey fait le clown, comme à son habitude.

Le film a été presque intégralement tourné en France, tantôt à Lyon, tantôt à Paris, avec quelques séquences à Prague et en Inde.

Les images sont magnifiques, résultat d’un budget énorme pour cette première production de Preity Zinta. D’où le bide retentissant du film au box-office, qui ne comblera que le cinquième de ses frais. L’album est sorti le 17 septembre 2012, de quoi faire patienter les fans avant l’arrivée tardive du film dans les salles obscures. La musique est composée par le binôme Sajid-Wajid, devenu très convoité depuis le succès de leur travail sur Dabangg, en 2010. La bande-son est constituée de 5 morceaux. Le premier de la liste est aussi le plus efficace, il s’agit de « It’s All About Tonight », interprété par Sunidhi Chauhan et Rahul Vaidya, avec également la voix de Sophie Choudhry pour chanter les paroles en français. S’en suit le titre qui sert d’accompagnement à la ‘guest appearance’ de Salman Khan « Kudiye Di Kurti », auquel Sonu Nigam prête sa voix en duo avec Shreya Ghoshal.

La version de « Jaane Bhi De » de Sonu Nigam et Sunidhi Chauhan est bien plus marquante que celle, en solo, de Wajid. L’excellent Rahat Fateh Ali Khan pose son timbre transcendant sur « Saiyaan ». Enfin, le morceau bhangra « Teri Choodiyan Da Crazy Crazy Sound Soniye » est clairement entêtant, même s’il est évident que la voix de Wajid est ici passée à la moulinette d’autotune. Une chanson ne faisant pas partie de la bande-originale, « Une Nuit à Paris/One Night in Paris », conclut le film partiellement en français, avec la voix et la musique de la franco-tunisienne Dalia Raiyen.

En conclusion



Ishkq In Paris n’est pas une daube, mais s’en approche tout de même. On attendait autre chose de la part de la ‘dimple queen’, celle qui a apporté un nouveau souffle au cinéma indien dès ses débuts au cinéma, en 1998.

Ouverte d’esprit, loquace, fraîche et culottée, l’actrice a pris le parti d’orienter ses choix vers des films forts et des rôles stimulants. Ishkq In Paris n’est qu’un point noir dans la carrière impeccable de Preity, qui a fait une sacrée boulette en soutenant ce projet insipide. On regrette qu’elle n’entende pas son âge, qu’elle ne l’accepte pas, avec les rides mais surtout les rôles qui vont avec. De grandes vedettes comme Kajol et Sridevi l’ont parfaitement intégré, et ont saisi que les romcom puériles ne leur correspondaient plus. On espère qu’il en sera de même pour Preity, qui mérite tellement mieux que ce flop violent mais hélas justifié. En somme, Ishkq In Paris s’oublie très vite, et malgré sa durée limitée (1h36), il traîne horriblement en longueur. On souhaite à Preity d’avoir dans ses manches d’autres rôles qui la mettront réellement en valeur.

LA NOTE: 1/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?