Critique : Kismat Konnection (★★★★☆)

dimanche 11 juin 2023
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— Cet article a été publié dans le numéro 6 de Bolly&Co, page 70.

En tant que fan de Shahid Kapoor, c’est à la fois avec excitation et anxiété que j’appréhendais le visionnage de ce qui semblait être une romcom bateau au scénario tout droit sorti des téléfilms du dimanche après-midi de M6. De plus, la critique indienne semblait dubitative quant au duo que mon Chocolate Boy chéri formerait avec la ravissante Vidya Balan, qui avait jusque-là tourné avec des acteurs plus mûrs comme Saif Ali Khan, Akshay Kumar ou encore Sanjay Dutt. A la lecture du synopsis, et alors que je venais de faire l’acquisition du DVD le jour-même, mes inquiétudes se sont amplifiées devant ce projet vaguement inspiré du navet américain Lucky Girl. Qu’est-ce que mon cher et tendre Sasha, qui venait à peine d’être enfin reconnu grâce à Jab We Met, venait faire dans cette production incongrue à l’intrigue plus niaise que tous les Disney réunis ?

Sans vraiment me l'expliquer, Kismat Konnection augurait selon moi le pire.

Si bien que j’ai retardé l’échéance jusqu’à une soirée d’été pluvieuse, et ce alors que le DVD du film moisissait sur mon étagère depuis près de 6 mois. L’affiche, le titre, le concept même du film semblaient laisser présager une production 100% commerciale sans identité ni fraîcheur. Fort heureusement, l’album du métrage que j’avais écouté au préalable m’avait laissé de meilleurs souvenirs. Le film démarre, oh joie, Shahid prend une douche… Je n’aurais pas lancé le DVD pour rien tant mes yeux sont émerveillés devant un tel spectacle ! Et l’histoire commence. La romance qui se profile à l’horizon aussi. Et à propos d’histoire, justement…

Raj Malhotra (Shahid Kapoor) avait tout pour lui. Durant ses études, il était celui à qui l’on prédisait un avenir plein de promesses et de réussite. Mais depuis, il peine à trouver des contrats et rame clairement, n’ayant en poche que son humble diplôme et aucune expérience significative. Les petits boulots s’enchaînent, les opportunités lui filent entre les doigts, sa motivation s’effrite et son moral est au plus bas. A tel point qu’il s’en remet à Haseena Bano Jaan (Juhi Chawla), une voyante loufoque et excentrique. Celle-ci lui prédit un événement d’ampleur dans un futur proche : en effet, Raj trouvera son porte-bonheur, qui lui permettra de voir sa carrière décoller comme il le souhaite. Et le porte-bonheur en question lui apparaît sous une forme assez particulière, en la personne de la pétillante Priya (Vidya Balan). Bien qu’ils aient du mal à se supporter au début, une véritable amitié lie les deux jeunes gens par la suite. Mais les choses se compliquent quand Priya annonce qu’elle est sur le point d’épouser Karan son petit-ami (Amit Verma)…

Pour tout vous dire, Kismat Konnection pourrait vous surprendre, prouvant ainsi qu’il est parfois bon de ne pas s’arrêter à ses a priori.

Le script manque définitivement de profondeur, les clips ne sont pas toujours intégrés de façon judicieuse à la narration, le tout manque quelque peu d’identité indienne… Là sont les quelques failles de ce film bourré de charme. Ce que l’on en retient, c’est sa magie ambiante. Les coups du sort, les actes manqués, les signes du destin et autres coïncidences font la force de la comédie romantique la plus fraîche de la filmographie de Shahid depuis Jab We Met.

Ce n’est pas tout : le véritable atout de cette comédie sentimentale attachante et sensible, c’est sa distribution.

De l’art de nous étonner, le cinéaste Aziz Mirza (à qui l’on doit les intéressants Chalte Chalte et Phir Bhi Dil Hai Hindustani) signe son premier film sans Shahrukh Khan en tête d’affiche (ce dernier est tout de même le narrateur de la trame). Mieux, il lie Shahid Kapoor à Vidya Balan, un couple assez improbable sur le papier. Comment faire en sorte que la romance soit crédible si le couple lui-même sonne faux ? Voilà ce que j’ai pensé, car pour moi Shahid Kapoor, l’acteur jeune et énergique, était parfaitement incompatible avec la sérieuse et grave Vidya Balan. Et pourtant, une fois embarquée dans le tourbillon de bons sentiments qui émanent de Kismat Konnection, j’ai fondu pour ce duo à croquer. On oublie les acteurs, et on ne voit que les personnages, on ne voit que l’amour que porte Raj à Priya.

Un casting intelligent et équilibré, là est la richesse de ce film qui a pour lui beaucoup de points positifs. Les seconds rôles sont plus en retrait mais restent, pour la plupart, très performants. Vishal Malhotra collabore avec Shahid Kapoor pour la seconde fois depuis leurs débuts communs dans Ishq Vishk en 2003. Dans un rôle de second plan, il irradie une candeur communicative. Mais la surprise vient surtout de Boman Irani, exceptionnel dans un rôle minuscule. On le voit très peu, mais son personnage demeure crucial dans la scène finale du film. Om Puri est efficace dans un rôle irritant, Himani Shivpuri est légère, Amit Verma agaçant comme l’exige son rôle.

Le message de Kismat Konnection, au-delà de nous narrer une idylle contrariée, s’inscrit dans la continuité du travail d’Aziz Mirza.

En effet, la majorité de ses films traitent d’une thématique récurrente dans son œuvre de manière générale : l’amour peut-il s’affranchir de l’ambition et le désir de réussir peut-il nuire à une relation ? Ici, bien avant de parler d’un poissard qui s’entiche de son “lucky charm”, le cinéaste nous raconte le parcours chaotique de cet architecte prêt à tout pour réussir, au point de se servir des autres pour y parvenir. Là est le tour de force de Shahid Kapoor : il parvient à nous rendre Raj sympathique malgré son ambition écrasante et sa propension à se lamenter constamment. Quant à Vidya, elle incarne la fille parfaite : belle, engagée, droite et innocente. C’est le genre de rôle casse-gueule pour n’importe quelle actrice au potentiel limité, mais la beauté révélée dans Parineeta lui insuffle une humanité et une douceur qui nous rendent Priya encore plus attachante.

On ne peut nier quelques maladresses dans le scénario, mais l’homogénéité de l’ensemble fait de Kismat Konnection une comédie romantique relativement réussie. Sans en faire une œuvre magistrale de subtilité et d’originalité, elle suffira à ravir les amateurs de romances de qualité. La vraisemblance relative du résultat est vite occultée par l’ambiance sucrée de cette romance emplie de tendresse et par la complicité bluffante de ses têtes d’affiche.

La musique de Pritam, sans atteindre des sommets d’intensité, est tout à fait appropriée à l’ambiance urbaine de ce film entièrement tourné à Toronto, au Canada (avec quelques séquences dans les studios de Mumbai). Si les tubes “Aai Papi” et “Move Your Body Now” n'attireront pas l’attention des mélomanes, ils demeurent tout de même très efficaces. La ballade “Kahin Naa Lage Mann” interprétée par Mohit Chauhan est un peu gâchée par ses paroles en anglais, mais reste un joli morceau à découvrir. Le titre qui reste le plus réussi de l’album est sans conteste “Bakhuda Tumhi Ho”, chanté par Atif Aslam, qui constitue le morceau incontournable de la bande-originale. Le son bhangra “Soniye Ve” fera bouger vos épaules en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.

En conclusion



Je dirais que Kismat Konnection s’apprécie vraiment lorsqu’on n’en attend pas grand-chose. Si vos espérances sont énormes, vous risqueriez fort d’être déçus. En ce qui me concerne, ma seule motivation à voir ce film était la présence de Shahid Kapoor au casting. Sans ça, il serait encore en train de dépérir sur mon étagère attendant patiemment (vainement !) d’être regardé. Et je ne le regrette pas, car j’ai passé un charmant moment de cinéma, sans me poser de question et sans espérer le métrage de l’année. Les acteurs, aussi bien Shahid que le reste de la distribution, semblent prendre un plaisir infini, y compris Vidya Balan qu’on aura malheureusement moins l’occasion de retrouver dans ce registre par la suite. Si ce n’est pas déjà fait, regardez cette histoire d’amour pleine de souffle et d’humour un soir de pluie ou pour un dimanche morose, de manière à ce qu’il vous réchauffe le cœur grâce à son avalanche de musique, de délicatesse et de rythme.

LA NOTE: 3,5/5
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?