Critique : Bangalore Days (★★★★★)
21 juillet 2023
— Cet article a été publié dans le numéro 8 de Bolly&Co, page 235.
L’un des premiers films en langue malayalam que j’ai vu, c’était Thattathin Marayathu, avec Nivin Pauly et Isha Talwar. J’ai eu un coup de foudre littéral pour ce film, comme je vous le disais dans ma critique du métrage. Comme beaucoup avant moi, je suis tombée amoureuse de Nivin Pauly et de son alchimie avec Isha, jeune fille du nord du pays qui faisait ses débuts d’actrice avec cette œuvre. Entre temps, j’ai découvert une actrice formidable de l’industrie de Mollywood dans un film tamoul déjà culte : Raja Rani. Il s’agit de la jeune Nazriya Nazim, qui est depuis clairement devenue mon actrice malayali préférée. Alors, quand on annonce que cette bande de joyeux lurons font un film ensemble, avec en plus le talentueux Dulquer Salmaan (révélé par l’excellent Ustad Hotel) et l’attachant Fahadh Faasil (qui épousera dans la foulée Nazriya), cela ne vous étonnera guère si je vous dis que j’ai couru en faisant des tours et des bonds dans mon salon comme si je concourais pour l’épreuve du 100 mètres haies aux Jeux Olympiques ! Nazriya, Nivin et Isha dans un même film ? Une comédie romantique, en prime ? C’est Noël avant l’heure ou quoi ?
Sérieusement, je me demande comment j’ai pu faire pour négliger le cinéma malayalam durant toutes ces années. Parmi les fans de cinéma indien francophones, il y a ce qu’on appelle le diktat pro-Bollywood. Lorsqu’on vous parle d’Inde, les plus ignorants vous parleront de Slumdog Millionaire, de Coup de Foudre à Bollywood ou de la pub Schweppes avec Nicole Kidman. Ceux qui seront un peu plus érudits vous évoqueront Shahrukh Khan, Aishwarya Rai et Rani Mukherjee. Sauf que, comme l’indique le slogan de notre magazine, l’Inde ne se résume pas à Bollywood ! L’industrie tamoule est pleine de films magnifiques et le cinéma télougou est extrêmement divertissant. Mais au panthéon des « films qui te marquent au fer rouge comme l’ont fait DDLJ et Jab We Met », les œuvres de Mollywood occupent une place particulière dans mon cœur de fan.
A toi, fan de Bollywood averti, qui sait faire la différence entre le hindi et le punjabi, qui sait ce que « dil » ou « deewana » veut dire et qui sait que tous les Kapoor de l’industrie ne sont pas frères et sœurs, écoute-moi bien ! Toi que j’ai souvent vu regretter l’époque d’un cinéma hindi plus pudique et valeureux, plus romantique et sincère... Toi qui en a marre de voir Katrina Kaif en bikini et Deepika Padukone rouler des pelles à ses co-stars ! Toi qui voudrait ressentir en ton fort intérieur la magie que te procurait un Kuch Kuch Hota Hai ou un Kal Ho Naa Ho ! A toi, fan de Bollywood averti mais meurtri, je te le dis, tu trouveras ton bonheur ailleurs ! Car oui, toi, fan de Bollywood averti mais de moins en moins conquis, tu veux du love ? Tu veux de la romance sans les bisous ? Tu veux de la pluie ? Tu veux du folklore ? Tu veux des salwar kameez et des saris ? Tu veux du naturel et pas des gravures de mode anorexiques qui font 20 centimètres de plus et ont 20 ans de moins que leur partenaire ? Et bien, toi, écoute-moi bien ! Visionne des films de Mollywood ! Et pour commencer, si tu le peux, attarde toi sur un film en particulier : Bangalore Days…
Divya (Nazriya Nazim), Kuttan (Nivin Pauly) et Arjun (Dulquer Salmaan) partagent une relation fraternelle fusionnelle. Ils vivent tous ensemble, et à l’aube du mariage de Divya arrangé avec Das (Fahadh Faasil), ils se questionnent sur le véritable sens qu’ils donnent à la sempiternelle quête du grand amour. Kuttan, attaché à sa culture et aux valeurs qui en découlent, souhaite épouser une indienne traditionnelle, qu’il croit trouver en Meenakshi (Isha Talwar). Arjun est quant à lui plus aventureux. L’amour, ce n’est pas son truc ! Du moins, c’est ce qu’il pense jusqu’à sa rencontre avec Sarah (Parvathy)...
Bangalore Days est pourtant très minimaliste dans sa construction. On suit trois cousins en quête de l’amour véritable. Voilà. C’est tout. Et ça suffit vraiment à faire un bon film ? Non, car Bangalore Days n’est pas qu’un « bon film », c’est une pépite cinématographique, un bijou du septième art indien comme on n’en fait plus à Bollywood.
C’est là que le cinéma malayalam devrait être une inspiration pour les producteurs hindi, qui ne jurent que par les gros budgets et les mises en scène grandiloquentes. Avec un budget 14 fois inférieur à celui de Happy New Year, la réalisatrice Anjali Menon nous offre un film plein d’âme et d’intelligence en misant sur le talent de son casting, sur l’accessibilité de son histoire et la beauté de sa musique. Elle donne ici une belle leçon d’humilité à ses homologues hindi en nous touchant en plein cœur avec ce petit film qui n’est ni plus ni moins qu’un chef-d’œuvre ! Et le public la récompensera en faisant de Bangalore Days l’un des plus gros succès commerciaux de l’année au Kerala.
Commençons par la distribution de haut vol de ce film absolument formidable. La jeune génération du cinéma malayalam est ici représentée. Ce sont eux qui mènent actuellement la danse à Mollywood face aux géants Mammootty et Mohanlal. Nazriya Nazim est divine dans la peau de Divya. Dans un rôle parfaitement écrit par Anjali Menon, elle illustre le parcours de cette jeune femme avec autant de subtilité que de conviction. On voit Divya mûrir sous nos yeux, découvrir la vie et sa dureté pour mieux en savourer les rares instants de beauté. Nazriya nous tisse tout d’abord le portrait d’une enfant idéaliste, pour ensuite éclore aux yeux du spectateur en une jeune femme droite et pondérée. Elle est le souffle de Bangalore Days comme elle devient celui de Das, cet homme meurtri qu’elle a épousé. Elle lui communique sa joie de vivre, quitte à la recevoir plus violemment en retour. Son histoire avec Das est bouleversante. Pour lui donner la réplique, Anjali Menon a missionné le sensible Fahadh Faasil. On pouvait craindre que le film n’exploite à outrance l’histoire d’amour de l’acteur avec Nazriya à la ville, mais il n’en est rien.
Fahadh incarne donc Das, un jeune homme détruit par son lourd passé. Un vrai mystère entoure son personnage, et c’est avec intérêt que l’on suit la quête de Divya pour découvrir ce qui fait tant souffrir son mari. On s’attache à cet homme et cette femme qui peinent à se trouver. La gaieté de Divya est d’ailleurs communicative, elle nous inonde de sa bonne humeur, qui éclate au visage de Das sans vraiment qu’il ne s’en rende compte. Fahadh est l’élément le plus mature de la distribution. Son jeu est distillé et savamment dosé, là où Nazriya fait preuve de plus de largeur et de générosité. Il existe un véritable équilibre entre les deux acteurs, une bonne répartition des émotions qui fait que le tout fonctionne à merveille. A travers eux, on évoque le deuil et la capacité à aimer de nouveau après un douloureux échec.
C’est clairement le couple à l’histoire la plus complexe du film, et il en devient de fait mémorable. Mais rassurez-vous, les autres acteurs ne sont pas en reste. On retrouve avec plaisir le duo Nivin Pauly-Isha Talwar, qui a fait les beaux jours du film Thattathin Marayathu. Hélas, si vous vous attendiez à une romance qui soit à la hauteur de leur précédente collaboration, vous risquez d’être fort déçus.
Si on peut apprécier leur complicité le temps d’une chanson, il est clair qu’Isha Talwar est le faire-valoir de son partenaire. Bangalore Days trace davantage le chemin réflexif de Kuttan quant à ses représentations sur son idéal féminin. Il a des attentes figées auxquelles il se refuse à déroger. Mais ses présupposés vont l’amener à s’attacher à Meenakshi, une fille qui se révèle à l’opposé de ses expectatives de départ. Avec Kuttan, on apprend qu’on n’aime pas une personne parce qu’elle remplit une liste de pré-requis. On l’aime justement pour ce qu’elle nous apporte de nouveau et d’inattendu, parfois même sans vraiment pouvoir se l’expliquer. Nivin Pauly est absolument adorable dans ce rôle plutôt convenu. Il n’a pourtant qu’un espace d’expression limité, mais s’en sort avec les honneurs. C’est surtout dans la relation fraternelle qui lie Kuttan à ses cousins que Nivin se révèle, pour notre plus grand bonheur.
Il donne la réplique à Parvathy, qui campe quant à elle Sarah, une animatrice radio en situation de handicap. Ce qui est d’ailleurs intéressant, c’est que son invalidité ne fait pas l’objet d’une analyse dans le film. Sarah est un personnage comme les autres, auquel on s’attache sans vraiment faire attention à son fauteuil roulant. Ce n’est qu’un détail, aussi bien pour Arjun que pour le spectateur. Bangalore Days ne tombe pas dans le mélodrame lacrymal et se refuse à prendre en pitié une Sarah à la personnalité tellement lumineuse que l’on ne songe même pas à son handicap comme étant un ressort narratif. On découvre ici le lien qui se tisse entre deux êtres aux aspirations divergentes, où Arjun le cancre ne se sent pas digne de la belle et brillante Sarah. Et c’est en cela que le film puise toute son intelligence. On évite le cliché indécent du héros chevaleresque qui, dans sa grandeur d’âme, s’éprend de la jeune fille handicapée. Ici, Sarah est une princesse, une héroïne digne et indépendante. Elle n’a nullement besoin de la considération d’Arjun pour exister, mais elle recherche uniquement son amour. Leur relation est certainement la plus pure qui soit narrée dans Bangalore Days. C’est pourtant la plus simple et la plus classique dans son écriture, mais c’est également celle qui nous touche le plus par son efficacité.
La française Paris Laxmi y tient également un petit rôle. Cette danseuse de kathakali a suivi une formation initiale à Aix-en-Provence avant d’épouser le danseur indien Pallipuram Sunil et de s’installer au Kerala à ses côtés. Son rôle est plutôt accessoire mais demeure clairement sympathique.
Un des autres atouts du film d’Anjali Menon, c’est sa musique. Composée par Gopi Sunder, elle nous offre un album franchement solaire. « Maangalyam », interprétée par Vijay Yesudas, Sachin Warrier et Divya S. Menon, est une chanson de mariage survitaminée à l’énergie démonstrative. « Nam Ooru Bengaluru » de Gopi Sunder, est un morceau agréable, même si on sent qu’il a été grandement pompé sur le tube de Bryan Adams « Summer of ‘69’ ». De son côté, la douce « Ethu Kari Raavilum » nous permet d’apprécier la voix de l’excellent Haricharan.
Qu’est-ce qui vous retient encore de regarder Bangalore Days ? En ce qui me concerne, je ne peux que vous le conseiller. Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce film que j’ai trouvé drôle, touchant et onirique. On est pourtant loin des moyens colossaux des productions hindi. Bangalore Days est effectivement une œuvre plutôt sobre dans sa fabrication. Cependant, il fait partie de ces films plus construits sans pour autant avoir besoin d’extravagance visuelle. Au fil des critiques, mon goût pour la romance s’est toujours affirmé. Mais je pense sincèrement que Bangalore Days ne peut être réduit à ce genre. C’est un film universel, susceptible de parler à tous, que vous soyez romanesque dans l’âme ou au contraire totalement hermétique au genre. Alors foncez, découvrez ce métrage brillant sans plus attendre !
L’un des premiers films en langue malayalam que j’ai vu, c’était Thattathin Marayathu, avec Nivin Pauly et Isha Talwar. J’ai eu un coup de foudre littéral pour ce film, comme je vous le disais dans ma critique du métrage. Comme beaucoup avant moi, je suis tombée amoureuse de Nivin Pauly et de son alchimie avec Isha, jeune fille du nord du pays qui faisait ses débuts d’actrice avec cette œuvre. Entre temps, j’ai découvert une actrice formidable de l’industrie de Mollywood dans un film tamoul déjà culte : Raja Rani. Il s’agit de la jeune Nazriya Nazim, qui est depuis clairement devenue mon actrice malayali préférée. Alors, quand on annonce que cette bande de joyeux lurons font un film ensemble, avec en plus le talentueux Dulquer Salmaan (révélé par l’excellent Ustad Hotel) et l’attachant Fahadh Faasil (qui épousera dans la foulée Nazriya), cela ne vous étonnera guère si je vous dis que j’ai couru en faisant des tours et des bonds dans mon salon comme si je concourais pour l’épreuve du 100 mètres haies aux Jeux Olympiques ! Nazriya, Nivin et Isha dans un même film ? Une comédie romantique, en prime ? C’est Noël avant l’heure ou quoi ?
Sérieusement, je me demande comment j’ai pu faire pour négliger le cinéma malayalam durant toutes ces années. Parmi les fans de cinéma indien francophones, il y a ce qu’on appelle le diktat pro-Bollywood. Lorsqu’on vous parle d’Inde, les plus ignorants vous parleront de Slumdog Millionaire, de Coup de Foudre à Bollywood ou de la pub Schweppes avec Nicole Kidman. Ceux qui seront un peu plus érudits vous évoqueront Shahrukh Khan, Aishwarya Rai et Rani Mukherjee. Sauf que, comme l’indique le slogan de notre magazine, l’Inde ne se résume pas à Bollywood ! L’industrie tamoule est pleine de films magnifiques et le cinéma télougou est extrêmement divertissant. Mais au panthéon des « films qui te marquent au fer rouge comme l’ont fait DDLJ et Jab We Met », les œuvres de Mollywood occupent une place particulière dans mon cœur de fan.
A toi, fan de Bollywood averti, qui sait faire la différence entre le hindi et le punjabi, qui sait ce que « dil » ou « deewana » veut dire et qui sait que tous les Kapoor de l’industrie ne sont pas frères et sœurs, écoute-moi bien ! Toi que j’ai souvent vu regretter l’époque d’un cinéma hindi plus pudique et valeureux, plus romantique et sincère... Toi qui en a marre de voir Katrina Kaif en bikini et Deepika Padukone rouler des pelles à ses co-stars ! Toi qui voudrait ressentir en ton fort intérieur la magie que te procurait un Kuch Kuch Hota Hai ou un Kal Ho Naa Ho ! A toi, fan de Bollywood averti mais meurtri, je te le dis, tu trouveras ton bonheur ailleurs ! Car oui, toi, fan de Bollywood averti mais de moins en moins conquis, tu veux du love ? Tu veux de la romance sans les bisous ? Tu veux de la pluie ? Tu veux du folklore ? Tu veux des salwar kameez et des saris ? Tu veux du naturel et pas des gravures de mode anorexiques qui font 20 centimètres de plus et ont 20 ans de moins que leur partenaire ? Et bien, toi, écoute-moi bien ! Visionne des films de Mollywood ! Et pour commencer, si tu le peux, attarde toi sur un film en particulier : Bangalore Days…
Divya (Nazriya Nazim), Kuttan (Nivin Pauly) et Arjun (Dulquer Salmaan) partagent une relation fraternelle fusionnelle. Ils vivent tous ensemble, et à l’aube du mariage de Divya arrangé avec Das (Fahadh Faasil), ils se questionnent sur le véritable sens qu’ils donnent à la sempiternelle quête du grand amour. Kuttan, attaché à sa culture et aux valeurs qui en découlent, souhaite épouser une indienne traditionnelle, qu’il croit trouver en Meenakshi (Isha Talwar). Arjun est quant à lui plus aventureux. L’amour, ce n’est pas son truc ! Du moins, c’est ce qu’il pense jusqu’à sa rencontre avec Sarah (Parvathy)...
Bon, je vous le donne en mille : j’ai ri et pleuré tout au long du film !
Bangalore Days est pourtant très minimaliste dans sa construction. On suit trois cousins en quête de l’amour véritable. Voilà. C’est tout. Et ça suffit vraiment à faire un bon film ? Non, car Bangalore Days n’est pas qu’un « bon film », c’est une pépite cinématographique, un bijou du septième art indien comme on n’en fait plus à Bollywood.
C’est là que le cinéma malayalam devrait être une inspiration pour les producteurs hindi, qui ne jurent que par les gros budgets et les mises en scène grandiloquentes. Avec un budget 14 fois inférieur à celui de Happy New Year, la réalisatrice Anjali Menon nous offre un film plein d’âme et d’intelligence en misant sur le talent de son casting, sur l’accessibilité de son histoire et la beauté de sa musique. Elle donne ici une belle leçon d’humilité à ses homologues hindi en nous touchant en plein cœur avec ce petit film qui n’est ni plus ni moins qu’un chef-d’œuvre ! Et le public la récompensera en faisant de Bangalore Days l’un des plus gros succès commerciaux de l’année au Kerala.
Commençons par la distribution de haut vol de ce film absolument formidable. La jeune génération du cinéma malayalam est ici représentée. Ce sont eux qui mènent actuellement la danse à Mollywood face aux géants Mammootty et Mohanlal. Nazriya Nazim est divine dans la peau de Divya. Dans un rôle parfaitement écrit par Anjali Menon, elle illustre le parcours de cette jeune femme avec autant de subtilité que de conviction. On voit Divya mûrir sous nos yeux, découvrir la vie et sa dureté pour mieux en savourer les rares instants de beauté. Nazriya nous tisse tout d’abord le portrait d’une enfant idéaliste, pour ensuite éclore aux yeux du spectateur en une jeune femme droite et pondérée. Elle est le souffle de Bangalore Days comme elle devient celui de Das, cet homme meurtri qu’elle a épousé. Elle lui communique sa joie de vivre, quitte à la recevoir plus violemment en retour. Son histoire avec Das est bouleversante. Pour lui donner la réplique, Anjali Menon a missionné le sensible Fahadh Faasil. On pouvait craindre que le film n’exploite à outrance l’histoire d’amour de l’acteur avec Nazriya à la ville, mais il n’en est rien.
On ne voit jamais que Divya et Das. L’alchimie est au rendez-vous, et si elle n’est pas intense, elle est mesurée et graduelle au fil de l’histoire.
Fahadh incarne donc Das, un jeune homme détruit par son lourd passé. Un vrai mystère entoure son personnage, et c’est avec intérêt que l’on suit la quête de Divya pour découvrir ce qui fait tant souffrir son mari. On s’attache à cet homme et cette femme qui peinent à se trouver. La gaieté de Divya est d’ailleurs communicative, elle nous inonde de sa bonne humeur, qui éclate au visage de Das sans vraiment qu’il ne s’en rende compte. Fahadh est l’élément le plus mature de la distribution. Son jeu est distillé et savamment dosé, là où Nazriya fait preuve de plus de largeur et de générosité. Il existe un véritable équilibre entre les deux acteurs, une bonne répartition des émotions qui fait que le tout fonctionne à merveille. A travers eux, on évoque le deuil et la capacité à aimer de nouveau après un douloureux échec.
C’est clairement le couple à l’histoire la plus complexe du film, et il en devient de fait mémorable. Mais rassurez-vous, les autres acteurs ne sont pas en reste. On retrouve avec plaisir le duo Nivin Pauly-Isha Talwar, qui a fait les beaux jours du film Thattathin Marayathu. Hélas, si vous vous attendiez à une romance qui soit à la hauteur de leur précédente collaboration, vous risquez d’être fort déçus.
En effet, Isha ne tient qu’un rôle anecdotique dans ce film, celui d’une jeune femme moderne qui tente de faire du traditionnel Kuttan son alter ego masculin.
Si on peut apprécier leur complicité le temps d’une chanson, il est clair qu’Isha Talwar est le faire-valoir de son partenaire. Bangalore Days trace davantage le chemin réflexif de Kuttan quant à ses représentations sur son idéal féminin. Il a des attentes figées auxquelles il se refuse à déroger. Mais ses présupposés vont l’amener à s’attacher à Meenakshi, une fille qui se révèle à l’opposé de ses expectatives de départ. Avec Kuttan, on apprend qu’on n’aime pas une personne parce qu’elle remplit une liste de pré-requis. On l’aime justement pour ce qu’elle nous apporte de nouveau et d’inattendu, parfois même sans vraiment pouvoir se l’expliquer. Nivin Pauly est absolument adorable dans ce rôle plutôt convenu. Il n’a pourtant qu’un espace d’expression limité, mais s’en sort avec les honneurs. C’est surtout dans la relation fraternelle qui lie Kuttan à ses cousins que Nivin se révèle, pour notre plus grand bonheur.
Dulquer Salmaan, fils de la star malayali Mammootty, est ici Arjun, l’électron libre de la bande.
Il donne la réplique à Parvathy, qui campe quant à elle Sarah, une animatrice radio en situation de handicap. Ce qui est d’ailleurs intéressant, c’est que son invalidité ne fait pas l’objet d’une analyse dans le film. Sarah est un personnage comme les autres, auquel on s’attache sans vraiment faire attention à son fauteuil roulant. Ce n’est qu’un détail, aussi bien pour Arjun que pour le spectateur. Bangalore Days ne tombe pas dans le mélodrame lacrymal et se refuse à prendre en pitié une Sarah à la personnalité tellement lumineuse que l’on ne songe même pas à son handicap comme étant un ressort narratif. On découvre ici le lien qui se tisse entre deux êtres aux aspirations divergentes, où Arjun le cancre ne se sent pas digne de la belle et brillante Sarah. Et c’est en cela que le film puise toute son intelligence. On évite le cliché indécent du héros chevaleresque qui, dans sa grandeur d’âme, s’éprend de la jeune fille handicapée. Ici, Sarah est une princesse, une héroïne digne et indépendante. Elle n’a nullement besoin de la considération d’Arjun pour exister, mais elle recherche uniquement son amour. Leur relation est certainement la plus pure qui soit narrée dans Bangalore Days. C’est pourtant la plus simple et la plus classique dans son écriture, mais c’est également celle qui nous touche le plus par son efficacité.
Nithya Menon nous gratifie d’une courte apparition dans le rôle de Natasha, le premier amour de Das.
La française Paris Laxmi y tient également un petit rôle. Cette danseuse de kathakali a suivi une formation initiale à Aix-en-Provence avant d’épouser le danseur indien Pallipuram Sunil et de s’installer au Kerala à ses côtés. Son rôle est plutôt accessoire mais demeure clairement sympathique.
Un des autres atouts du film d’Anjali Menon, c’est sa musique. Composée par Gopi Sunder, elle nous offre un album franchement solaire. « Maangalyam », interprétée par Vijay Yesudas, Sachin Warrier et Divya S. Menon, est une chanson de mariage survitaminée à l’énergie démonstrative. « Nam Ooru Bengaluru » de Gopi Sunder, est un morceau agréable, même si on sent qu’il a été grandement pompé sur le tube de Bryan Adams « Summer of ‘69’ ». De son côté, la douce « Ethu Kari Raavilum » nous permet d’apprécier la voix de l’excellent Haricharan.
En conclusion
Qu’est-ce qui vous retient encore de regarder Bangalore Days ? En ce qui me concerne, je ne peux que vous le conseiller. Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce film que j’ai trouvé drôle, touchant et onirique. On est pourtant loin des moyens colossaux des productions hindi. Bangalore Days est effectivement une œuvre plutôt sobre dans sa fabrication. Cependant, il fait partie de ces films plus construits sans pour autant avoir besoin d’extravagance visuelle. Au fil des critiques, mon goût pour la romance s’est toujours affirmé. Mais je pense sincèrement que Bangalore Days ne peut être réduit à ce genre. C’est un film universel, susceptible de parler à tous, que vous soyez romanesque dans l’âme ou au contraire totalement hermétique au genre. Alors foncez, découvrez ce métrage brillant sans plus attendre !
LA NOTE: 5/5