Critique : Daawat-E-Ishq (★★★☆☆)
3 juillet 2023
— Cet article a été publié dans le numéro 8 de Bolly&Co, page 75.
En septembre 2014, la nouvelle égérie de Yash Raj Parineeti Chopra sort un nouveau film avec la bannière qui l’a révélé : Daawat-E-Ishq. Réalisé par Habib Faisal, à qui l’on doit notamment le formidable Ishaqzaade, ce film était des plus attendus ! Avec Daawat-E-Ishq, il nous promet une romance savoureuse au sens propre comme au sens figuré. On s’attend donc à une comédie sentimentale plutôt légère, loin de l’intense et poignant Ishaqzaade. Surtout, Daawat-E-Ishq semble revenir aux fondamentaux de la boîte de production Yash Raj à coups de décors colorés, de tenues chatoyantes et de musiques folkloriques. Pourtant, l'œuvre délivre un véritable message de fond, en passant cela dit par une romance à la construction clairement commerciale.
Gulrez Qadir (Parineeti Chopra) est employée dans une boutique de chaussures et rêve de devenir designer. Elle vit seule avec son père Abdul Qadir (Anupam Kher). Si une loi prohibe la dot, il n’en demeure pas moins toujours exigée par les familles de prétendants potentiels. Si Gulrez a des rêves plein la tête, son père est beaucoup plus pessimiste quant à l’avenir de sa fille. En effet, du fait de ses faibles revenus, il ne peut assurer une dot suffisante afin de lui garantir un bon mariage. Résignée, elle songe à mener une vie de célibat suite à un énième rejet. C’est alors que le sympathique Tariq Haider (Aditya Roy Kapur) entre en jeu pour mieux chambouler les certitudes de Gulrez…
Réaliser une comédie romantique en se basant sur la question controversée de la dot, c’est un pari risqué ! Habib Faisal nous a cependant prouvé par le passé qu’il n’aimait pas la facilité. Avec l’histoire pourtant classique de son précédent métrage Ishaqzaade, il utilisait des sentiers narratifs plutôt inattendus pour nous raconter cette tragédie romantique inspirée de Roméo et Juliette. Pour Daawat-E-Ishq, il retrouve la talentueuse Parineeti Chopra et travaille avec le prometteur Aditya Roy Kapur. Ils font tous les deux partie des grands espoirs de l’industrie hindi et se donnent ici la réplique pour la première fois. Force est de constater qu’Aditya s’est métamorphosé pour entrer dans la peau de Tariq. Il est loin, le rockeur mélancolique d’Aashiqui 2 !
Il s’en sort sans faillir mais sans non plus nous éblouir. Il hérite en effet d’un protagoniste plutôt conventionnel, celui de l’amant entier et naïf. On voit en lui le parfait ‘indian lover’, le garçon peu éduqué mais au grand cœur. Si le schéma est déjà vu, on apprécie tout de même le message de l'œuvre à travers Tariq : ce n’est pas le niveau d’études, la culture et le salaire de la personne qui font sa valeur. Tariq incarne le héros indien dans toute sa splendeur : valeureux et droit, qui s’insurge contre la tradition tout en étant respectueux de ses aînés. On lui ajoute une pointe de fantaisie avec ses tenues bariolées et son anglais approximatif, ce qui contribue à donner un vrai charme à Tariq. Mais malheureusement pour Aditya, la vraie star du film, c’est Parineeti Chopra.
En effet, la cousine de Priyanka hérite d’un rôle fort, même si on a parfois une impression de réchauffé. Dans la lignée de nombre de ses précédents personnages, Gulrez est une jeune fille au caractère bien trempé ! Elle est naturelle, indépendante et déterminée. On a déjà vu cela en Parineeti dans les films Ishaqzaade, Shuddh Desi Romance et Hasee Toh Phasee. On peut ainsi regretter que l’actrice commence à s’enliser dans un genre bien défini, là où elle a le potentiel de tenir des rôles très différents. Mais vu qu’elle est à l’aise, elle ne déçoit pas dans Daawat-E-Ishq. C’est un registre confortable pour elle, elle sait comment interpréter Gulrez et avec quelle justesse le faire. Parineeti ne prend pas de risques et cela suffit. Cette fille a une présence incroyable et, même dans un rôle caricatural, elle parviendrait à émouvoir le spectateur. Ainsi, Gulrez est aussi têtue qu’attachante. Cependant, elle aurait pu devenir une véritable tête-à-claques. Grâce à la fraîcheur de Parineeti, on échappe à la catastrophe et on accompagne de bon cœur les aventures de cette jeune fille malheureuse en amour, qui décide de ne plus laisser des traditions archaïques régenter son avenir.
Anupam ne sort pas de son registre habituel, on a affaire à un expert en matière de paternel doux et chaleureux. Ce qui touche chez Abdul Qadir, c’est sa peur. Il ne s’épanouit jamais par peur. Peur du regard que la société portera sur lui. Peur pour l’avenir de sa fille. Peur de se perdre. Peur d’être heureux... Il partage une relation attendrissante avec sa fille : ils s’apportent beaucoup mutuellement et se soutiennent dans toutes les étapes de leur vie. Gulrez est le roc de son père quand ce dernier a toujours tout fait pour lui assurer un futur solide. La relation qui lie ce père et sa fille constitue l’un des atouts principaux de l’intrigue de Daawat-E-Ishq.
C’est une relation saine dans laquelle Gulrez aime et respecte profondément son père sans jamais le craindre. Avec Daawat-E-Ishq, l’acteur de télévision Karan Wahi fait ses débuts au cinéma. Il tient là un rôle plutôt mineur : celui du petit-ami sympathique mais tristement lâche. Il est mignon, incarne son personnage avec conviction mais n’a guère d’espace pour montrer un réel potentiel. C’est regrettable car ce jeune homme est une véritable bête de scène : acteur, danseur et animateur, il s’est forgé une popularité notable sur petit écran et aurait mérité des débuts plus marquants à Bollywood. Dans Daawat-E-Ishq, on l’oublie vite avant de le retrouver, non sans plaisir, à la fin de l'œuvre comme pour donner une lueur d’espoir sur la nature de son personnage. Mais en tant que fan du jeune homme, je n’ai pu qu’être déçue par l’insignifiance du rôle qui lui a été attribué.
C’est vif, stimulant visuellement, musical et quelque peu doucereux, et on ne va pas s’en plaindre ! On peut cependant regretter de ne pas reconnaître le cinéaste derrière ce film à la fabrication plus classique, là où Habib Faisal pouvait s’imprégner dans ses prises de vue de la monotonie dans Do Dooni Chaar et d’une brutalité à l’atmosphère tellurique dans Ishaqzaade. On a le sentiment qu’il s’oublie un peu pour faire plaisir à son producteur. Si le résultat est plutôt agréable, il ne ressemble guère au travail de coutume plus fini du cinéaste. La fabrication de cette œuvre est plutôt classique et exploite des sillages narratifs bien connus. Mais cela n’enlève rien à la qualité de ce film qui, en définitive, est plutôt réussi.
Dans une interview datant de novembre 2014, Parineeti Chopra déclarait que Daawat-E-Ishq aurait trouvé son public avec un autre casting. Selon elle, l’audience attendait le duo qu’elle formait avec Aditya Roy Kapur dans une romance plus moderne et dynamique. Je dois dire que, sur ce point, je ne suis pas d’accord avec elle. En effet, une jeune distribution doit-elle être cantonnée aux films dits « modernes », à coups de micro-shorts, de chansons électro et de bisous langoureux ?
C’est un film ancré dans son époque, une œuvre à la fois colorée et divertissante, mais aussi mature et intelligente. Alors effectivement, peut-être que le public indien des multiplexes a été déstabilisé par ce film à mi-chemin entre le conservatisme des œuvres des années 1990 et le culot de notre ère dans sa thématique. Mais Daawat-E-Ishq est une bonne illustration de ce que le cinéma indien devrait être : le miroir d’une Inde vive et cosmopolite, avec ses atouts comme ses fragilités tout en demeurant une œuvre artistique et divertissante. Pourquoi les jeunes acteurs devraient nécessairement faire des films pour les jeunes ? Après tout, Shahrukh jouait les jeunots dans Om Shanti Om alors qu’il avait déjà 42 ans au moment du tournage. Et Anupam Kher campait un sexagénaire dans Saaransh, du haut de ses 28 ans.
Le travail d’un acteur, c’est justement d’aller exactement là où on ne l’attend pas. Ce qui me fait vibrer au cinéma, c’est l’effet de surprise. Découvrir un acteur que j’admire dans un registre inédit, dans un rôle différent et éloigné de sa personne... Là est la véritable magie du cinéma : nous vendre l’improbable. C’est selon moi un tort de la part de Parineeti de croire qu’elle aurait dû choisir un projet plus convenu, là où Daawat-E-Ishq lui offrait un joli métrage qui ressort du reste de sa filmographie. S’il a ses défauts, c’est un film qui m’a marqué par son aplomb et son dynamisme.
Un goût d’inachevé, comme si le cinéaste ne savait pas comment conclure son intrigue. Si la narration tient la route durant une bonne partie du film, sa conclusion est plus expédiée, presque bâclée par rapport au reste de l'œuvre. On a au final le sentiment qu’Habib Faisal a souhaité terminer rapidement son histoire sur un ‘happy end’ sans vraiment réfléchir à sa cohérence. Cette partie du métrage aurait certainement mérité plus de réflexion et de travail. On a effectivement l’impression que les choses vont soudainement trop vite pour nous. Pour ma part, c’est clairement le véritable défaut de Daawat-E-Ishq.
Alors que le film avait une véritable finesse dans son propos, il la perd lors de son dénouement avec une scène conclusive forcée, manquant d’âme et de saveur. On peut en tout cas saluer le travail d’Himman Dhamija dans la photographie, saisissante d’éclat et de vitalité. L’image discerne aussi bien les couleurs du quartier populaire de Lucknow que les saveurs des plats concoctés par Tariq. Dans Daawat-E-Ishq, la nourriture tient d’ailleurs une place importance. Elle est le fil conducteur de la relation entre Tariq et Gulrez. Le jeune homme joue d’ailleurs de son don pour la cuisine afin de séduire sa belle. C’est leur intérêt commun pour les bons petits plats qui lie les deux jeunes gens et qui fait oublier à Gulrez ses réticences initiales. La cuisine de Tariq est à son image : franche, surprenante et généreuse. S’il comble d’abord l’estomac de Gulrez, il finit par conquérir son cœur. En tant que femme, c’est particulièrement jouissif de voir un homme s’atteler avec autant d’affection aux fourneaux pour satisfaire sa bien-aimée !
Pour Daawat-E-Ishq, Habib Faisal fait appel au duo Sajid-Wajid à la composition. Avec cet album, ils nous offrent une musique dans l’atmosphère du métrage : typique et mélodieuse. Il existe une vraie connexion entre la bande-originale et le film duquel elle est issue. Le morceau fort de l’album est la chanson titre interprétée par Javed Ali et Sunidhi Chauhan. La balade « Mannat » nous permet quant à elle de retrouver le désormais trop rare Sonu Nigam, et avec Shreya Ghoshal ! Cette dernière participe également à la chanson conclusive « Rangreli » en duo avec Wajid. Si « Jaadu Tone Waaliyan » apporte une dose d’intensité à la BO, « Shayarana » constitue la touche moderne de la bande-son avec la voix de Shalmali Kholgade.
Daawat-E-Ishq ne fait pas partie de ces films qui vous combleront si vous êtes un lover de première. Ce n’est pas le romantisme qui domine dans cette production Yash Raj. Mais malgré sa fin hâtive, Daawat-E-Ishq demeure un divertissement de qualité, aussi vif que soucieux de faire réfléchir. Si vous venez rechercher un Band Baaja Baaraat ou un Lafangey Parindey, fuyez tant qu’il en est encore temps ! Daawat-E-Ishq est plutôt de la trempe de Shuddh Desi Romance, même s’il possède plus de souffle et d’optimisme que ce dernier. L’objectif est ici de délivrer un message et d’animer les consciences des spectateurs, et tant pis si les papillons dans le ventre ne sont pas au rendez-vous ! Le cinéma indien a aussi besoin de films comme Daawat-E-Ishq, là où des œuvres plus commerciales et esquissées comme Kick ou Chennai Express font un tabac au box-office. Il faut regarder ce film pour les bonnes raisons.
En effet, si vous visionnez cette œuvre en espérant une romcom jeune et bon enfant, vous vous êtes trompé de route. Mais ne vous blâmez pas, car il est clair que la maison Yash Raj a fait de vraies erreurs de communication avec ce film, en nous vendant ce à quoi ils nous ont habitués : de la comédie sentimentale pure et dure avec la seule vocation de nous faire rêver. L’équipe aurait dû être plus transparente dans sa démarche, en nous vendant ce qu’est Daawat-E-Ishq. En voulant amadouer le spectateur, elle a fini par le perdre puisque le dernier né d’Habib Faisal a fait un bide hélas immérité au box-office. Pourtant, je ne peux que vous encourager à découvrir cette histoire d’amour et d’argent vraiment charmante.
Daawat-E-Ishq vous réconciliera avec le cinéma hindi des années 2000, pudique et musical, tout en rendant compte d’une triste réalité de l’Inde moderne : la dot comme clé de voûte du mariage, alors qu’elle est rendue illégale par la loi indienne.
En septembre 2014, la nouvelle égérie de Yash Raj Parineeti Chopra sort un nouveau film avec la bannière qui l’a révélé : Daawat-E-Ishq. Réalisé par Habib Faisal, à qui l’on doit notamment le formidable Ishaqzaade, ce film était des plus attendus ! Avec Daawat-E-Ishq, il nous promet une romance savoureuse au sens propre comme au sens figuré. On s’attend donc à une comédie sentimentale plutôt légère, loin de l’intense et poignant Ishaqzaade. Surtout, Daawat-E-Ishq semble revenir aux fondamentaux de la boîte de production Yash Raj à coups de décors colorés, de tenues chatoyantes et de musiques folkloriques. Pourtant, l'œuvre délivre un véritable message de fond, en passant cela dit par une romance à la construction clairement commerciale.
Mais la mayonnaise prend-t-elle ? Daawat-E-Ishq se déguste-il aussi facilement que les plats qu’il met en valeur ? Ou le résultat final est en réalité plutôt indigeste ?
Gulrez Qadir (Parineeti Chopra) est employée dans une boutique de chaussures et rêve de devenir designer. Elle vit seule avec son père Abdul Qadir (Anupam Kher). Si une loi prohibe la dot, il n’en demeure pas moins toujours exigée par les familles de prétendants potentiels. Si Gulrez a des rêves plein la tête, son père est beaucoup plus pessimiste quant à l’avenir de sa fille. En effet, du fait de ses faibles revenus, il ne peut assurer une dot suffisante afin de lui garantir un bon mariage. Résignée, elle songe à mener une vie de célibat suite à un énième rejet. C’est alors que le sympathique Tariq Haider (Aditya Roy Kapur) entre en jeu pour mieux chambouler les certitudes de Gulrez…
Réaliser une comédie romantique en se basant sur la question controversée de la dot, c’est un pari risqué ! Habib Faisal nous a cependant prouvé par le passé qu’il n’aimait pas la facilité. Avec l’histoire pourtant classique de son précédent métrage Ishaqzaade, il utilisait des sentiers narratifs plutôt inattendus pour nous raconter cette tragédie romantique inspirée de Roméo et Juliette. Pour Daawat-E-Ishq, il retrouve la talentueuse Parineeti Chopra et travaille avec le prometteur Aditya Roy Kapur. Ils font tous les deux partie des grands espoirs de l’industrie hindi et se donnent ici la réplique pour la première fois. Force est de constater qu’Aditya s’est métamorphosé pour entrer dans la peau de Tariq. Il est loin, le rockeur mélancolique d’Aashiqui 2 !
Il incarne ici un rôle léger et souriant et s’éloigne ainsi de l’image sombre de ses précédents personnages.
Il s’en sort sans faillir mais sans non plus nous éblouir. Il hérite en effet d’un protagoniste plutôt conventionnel, celui de l’amant entier et naïf. On voit en lui le parfait ‘indian lover’, le garçon peu éduqué mais au grand cœur. Si le schéma est déjà vu, on apprécie tout de même le message de l'œuvre à travers Tariq : ce n’est pas le niveau d’études, la culture et le salaire de la personne qui font sa valeur. Tariq incarne le héros indien dans toute sa splendeur : valeureux et droit, qui s’insurge contre la tradition tout en étant respectueux de ses aînés. On lui ajoute une pointe de fantaisie avec ses tenues bariolées et son anglais approximatif, ce qui contribue à donner un vrai charme à Tariq. Mais malheureusement pour Aditya, la vraie star du film, c’est Parineeti Chopra.
En effet, la cousine de Priyanka hérite d’un rôle fort, même si on a parfois une impression de réchauffé. Dans la lignée de nombre de ses précédents personnages, Gulrez est une jeune fille au caractère bien trempé ! Elle est naturelle, indépendante et déterminée. On a déjà vu cela en Parineeti dans les films Ishaqzaade, Shuddh Desi Romance et Hasee Toh Phasee. On peut ainsi regretter que l’actrice commence à s’enliser dans un genre bien défini, là où elle a le potentiel de tenir des rôles très différents. Mais vu qu’elle est à l’aise, elle ne déçoit pas dans Daawat-E-Ishq. C’est un registre confortable pour elle, elle sait comment interpréter Gulrez et avec quelle justesse le faire. Parineeti ne prend pas de risques et cela suffit. Cette fille a une présence incroyable et, même dans un rôle caricatural, elle parviendrait à émouvoir le spectateur. Ainsi, Gulrez est aussi têtue qu’attachante. Cependant, elle aurait pu devenir une véritable tête-à-claques. Grâce à la fraîcheur de Parineeti, on échappe à la catastrophe et on accompagne de bon cœur les aventures de cette jeune fille malheureuse en amour, qui décide de ne plus laisser des traditions archaïques régenter son avenir.
Anupam Kher est particulièrement touchant en gentil papa de Gulrez. Il tient une place majeure dans l’intrigue, à la fois soutien et conscience de l’héroïne.
Anupam ne sort pas de son registre habituel, on a affaire à un expert en matière de paternel doux et chaleureux. Ce qui touche chez Abdul Qadir, c’est sa peur. Il ne s’épanouit jamais par peur. Peur du regard que la société portera sur lui. Peur pour l’avenir de sa fille. Peur de se perdre. Peur d’être heureux... Il partage une relation attendrissante avec sa fille : ils s’apportent beaucoup mutuellement et se soutiennent dans toutes les étapes de leur vie. Gulrez est le roc de son père quand ce dernier a toujours tout fait pour lui assurer un futur solide. La relation qui lie ce père et sa fille constitue l’un des atouts principaux de l’intrigue de Daawat-E-Ishq.
C’est une relation saine dans laquelle Gulrez aime et respecte profondément son père sans jamais le craindre. Avec Daawat-E-Ishq, l’acteur de télévision Karan Wahi fait ses débuts au cinéma. Il tient là un rôle plutôt mineur : celui du petit-ami sympathique mais tristement lâche. Il est mignon, incarne son personnage avec conviction mais n’a guère d’espace pour montrer un réel potentiel. C’est regrettable car ce jeune homme est une véritable bête de scène : acteur, danseur et animateur, il s’est forgé une popularité notable sur petit écran et aurait mérité des débuts plus marquants à Bollywood. Dans Daawat-E-Ishq, on l’oublie vite avant de le retrouver, non sans plaisir, à la fin de l'œuvre comme pour donner une lueur d’espoir sur la nature de son personnage. Mais en tant que fan du jeune homme, je n’ai pu qu’être déçue par l’insignifiance du rôle qui lui a été attribué.
La mise en scène est plutôt convenue, on s’éloigne clairement du souci de réalisme d’Habib Faisal dans ses œuvres précédentes car effectivement, Daawat-E-Ishq entre clairement dans les codes de la romcom Yash Raj.
C’est vif, stimulant visuellement, musical et quelque peu doucereux, et on ne va pas s’en plaindre ! On peut cependant regretter de ne pas reconnaître le cinéaste derrière ce film à la fabrication plus classique, là où Habib Faisal pouvait s’imprégner dans ses prises de vue de la monotonie dans Do Dooni Chaar et d’une brutalité à l’atmosphère tellurique dans Ishaqzaade. On a le sentiment qu’il s’oublie un peu pour faire plaisir à son producteur. Si le résultat est plutôt agréable, il ne ressemble guère au travail de coutume plus fini du cinéaste. La fabrication de cette œuvre est plutôt classique et exploite des sillages narratifs bien connus. Mais cela n’enlève rien à la qualité de ce film qui, en définitive, est plutôt réussi.
Dans une interview datant de novembre 2014, Parineeti Chopra déclarait que Daawat-E-Ishq aurait trouvé son public avec un autre casting. Selon elle, l’audience attendait le duo qu’elle formait avec Aditya Roy Kapur dans une romance plus moderne et dynamique. Je dois dire que, sur ce point, je ne suis pas d’accord avec elle. En effet, une jeune distribution doit-elle être cantonnée aux films dits « modernes », à coups de micro-shorts, de chansons électro et de bisous langoureux ?
La force de Daawat-E-Ishq, c’est d’être à la fois engagé et vertueux.
C’est un film ancré dans son époque, une œuvre à la fois colorée et divertissante, mais aussi mature et intelligente. Alors effectivement, peut-être que le public indien des multiplexes a été déstabilisé par ce film à mi-chemin entre le conservatisme des œuvres des années 1990 et le culot de notre ère dans sa thématique. Mais Daawat-E-Ishq est une bonne illustration de ce que le cinéma indien devrait être : le miroir d’une Inde vive et cosmopolite, avec ses atouts comme ses fragilités tout en demeurant une œuvre artistique et divertissante. Pourquoi les jeunes acteurs devraient nécessairement faire des films pour les jeunes ? Après tout, Shahrukh jouait les jeunots dans Om Shanti Om alors qu’il avait déjà 42 ans au moment du tournage. Et Anupam Kher campait un sexagénaire dans Saaransh, du haut de ses 28 ans.
Le travail d’un acteur, c’est justement d’aller exactement là où on ne l’attend pas. Ce qui me fait vibrer au cinéma, c’est l’effet de surprise. Découvrir un acteur que j’admire dans un registre inédit, dans un rôle différent et éloigné de sa personne... Là est la véritable magie du cinéma : nous vendre l’improbable. C’est selon moi un tort de la part de Parineeti de croire qu’elle aurait dû choisir un projet plus convenu, là où Daawat-E-Ishq lui offrait un joli métrage qui ressort du reste de sa filmographie. S’il a ses défauts, c’est un film qui m’a marqué par son aplomb et son dynamisme.
Pourtant, on a tout de même une impression d’incomplétude après avoir vu Daawat-E-Ishq.
Un goût d’inachevé, comme si le cinéaste ne savait pas comment conclure son intrigue. Si la narration tient la route durant une bonne partie du film, sa conclusion est plus expédiée, presque bâclée par rapport au reste de l'œuvre. On a au final le sentiment qu’Habib Faisal a souhaité terminer rapidement son histoire sur un ‘happy end’ sans vraiment réfléchir à sa cohérence. Cette partie du métrage aurait certainement mérité plus de réflexion et de travail. On a effectivement l’impression que les choses vont soudainement trop vite pour nous. Pour ma part, c’est clairement le véritable défaut de Daawat-E-Ishq.
Alors que le film avait une véritable finesse dans son propos, il la perd lors de son dénouement avec une scène conclusive forcée, manquant d’âme et de saveur. On peut en tout cas saluer le travail d’Himman Dhamija dans la photographie, saisissante d’éclat et de vitalité. L’image discerne aussi bien les couleurs du quartier populaire de Lucknow que les saveurs des plats concoctés par Tariq. Dans Daawat-E-Ishq, la nourriture tient d’ailleurs une place importance. Elle est le fil conducteur de la relation entre Tariq et Gulrez. Le jeune homme joue d’ailleurs de son don pour la cuisine afin de séduire sa belle. C’est leur intérêt commun pour les bons petits plats qui lie les deux jeunes gens et qui fait oublier à Gulrez ses réticences initiales. La cuisine de Tariq est à son image : franche, surprenante et généreuse. S’il comble d’abord l’estomac de Gulrez, il finit par conquérir son cœur. En tant que femme, c’est particulièrement jouissif de voir un homme s’atteler avec autant d’affection aux fourneaux pour satisfaire sa bien-aimée !
Pour Daawat-E-Ishq, Habib Faisal fait appel au duo Sajid-Wajid à la composition. Avec cet album, ils nous offrent une musique dans l’atmosphère du métrage : typique et mélodieuse. Il existe une vraie connexion entre la bande-originale et le film duquel elle est issue. Le morceau fort de l’album est la chanson titre interprétée par Javed Ali et Sunidhi Chauhan. La balade « Mannat » nous permet quant à elle de retrouver le désormais trop rare Sonu Nigam, et avec Shreya Ghoshal ! Cette dernière participe également à la chanson conclusive « Rangreli » en duo avec Wajid. Si « Jaadu Tone Waaliyan » apporte une dose d’intensité à la BO, « Shayarana » constitue la touche moderne de la bande-son avec la voix de Shalmali Kholgade.
En conclusion
Daawat-E-Ishq ne fait pas partie de ces films qui vous combleront si vous êtes un lover de première. Ce n’est pas le romantisme qui domine dans cette production Yash Raj. Mais malgré sa fin hâtive, Daawat-E-Ishq demeure un divertissement de qualité, aussi vif que soucieux de faire réfléchir. Si vous venez rechercher un Band Baaja Baaraat ou un Lafangey Parindey, fuyez tant qu’il en est encore temps ! Daawat-E-Ishq est plutôt de la trempe de Shuddh Desi Romance, même s’il possède plus de souffle et d’optimisme que ce dernier. L’objectif est ici de délivrer un message et d’animer les consciences des spectateurs, et tant pis si les papillons dans le ventre ne sont pas au rendez-vous ! Le cinéma indien a aussi besoin de films comme Daawat-E-Ishq, là où des œuvres plus commerciales et esquissées comme Kick ou Chennai Express font un tabac au box-office. Il faut regarder ce film pour les bonnes raisons.
En effet, si vous visionnez cette œuvre en espérant une romcom jeune et bon enfant, vous vous êtes trompé de route. Mais ne vous blâmez pas, car il est clair que la maison Yash Raj a fait de vraies erreurs de communication avec ce film, en nous vendant ce à quoi ils nous ont habitués : de la comédie sentimentale pure et dure avec la seule vocation de nous faire rêver. L’équipe aurait dû être plus transparente dans sa démarche, en nous vendant ce qu’est Daawat-E-Ishq. En voulant amadouer le spectateur, elle a fini par le perdre puisque le dernier né d’Habib Faisal a fait un bide hélas immérité au box-office. Pourtant, je ne peux que vous encourager à découvrir cette histoire d’amour et d’argent vraiment charmante.
Daawat-E-Ishq vous réconciliera avec le cinéma hindi des années 2000, pudique et musical, tout en rendant compte d’une triste réalité de l’Inde moderne : la dot comme clé de voûte du mariage, alors qu’elle est rendue illégale par la loi indienne.
LA NOTE: 3/5