Critique : Happy New Year (★☆☆☆☆)
17 juillet 2023
— Cet article a été publié dans le numéro 8 de Bolly&Co, page 178.
La dernière fois que j’ai regardé un film de Farah Khan, j’en ai presque saigné du nez ! Sincèrement, qu’est-ce que c’était que cette blague ? Tees Maar Khan, de la même réalisatrice que Main Hoon Na et Om Shanti Om ? Le cinéma indien se perd... Quatre ans plus tard, elle sort un projet qu’elle avait initié en 2005 : Happy New Year. A l’affiche lors de la fête de Diwali 2014, Happy New Year compte une distribution grand format : Shahrukh Khan, Deepika Padukone, Abhishek Bachchan, Boman Irani, Sonu Sood, Vivaan Shah et Jackie Shroff. Pour cette production coûteuse, l’équipe du film a grandement tourné à Dubaï, nouvelle capitale du luxe et de la démesure.
Charlie (Shahrukh Khan) est un pur beau gosse : il a des tablettes de chocolat de fou, il se bat comme personne et est diplômé des plus grandes écoles... Trop swag ! Mais il n’a qu’une seule idée en tête : venger l’incarcération injustifiée de son père Manohar (Anupam Kher), causée par le calculateur Charan Grover (Jackie Shroff). Pour ce faire, il veut organiser le casse du siècle : voler les diamants de Grover pour mieux l’en accabler ensuite ! C’est ainsi qu’il missionne une équipe de super-casseurs pour cette mission exclusive : Tammy (Boman Irani), spécialiste des coffres-forts, Jag (Sonu Sood), un pro des explosifs, Rohan (Vivaan Shah), hacker en puissance et Nandu (Abhishek Bachchan), joyeu luron et sosie stratégique… Mais pour mener à bien leur plan, cette bande de bras cassés va devoir s’embarquer dans une grande compétition de danse... Je vous laisse rigoler, parce qu’il y a de quoi ! Du coup, après avoir fait fuir entre autres Prabhu Deva et Saroj Khan (incarnée par Kiku Sharda), ils font appel à une danseuse de bar, Mohini Joshi (Deepika Padukone), qui ignore tout de leurs intentions...
Lorsque j’ai découvert le pitch de Happy New Year, j’avais l’impression que Farah Khan nous avait foutu dans le mixer ses précédentes réalisations Om Shanti Om et Tees Maar Khan. En effet, le coup du « j’intègre une compétition de danse pour braquer des diamants » ne vous rappelle pas le vol de lingots déguisé en tournage de film dans Tees Maar Khan ? On peut émettre également un lien avec l’histoire de Om Shanti Om dans l’usage du sosie comme appât ou subterfuge.
Et vous ne vous y trompez pas : Happy New Year est un film bancal, bourré d’incohérences et de raccourcis narratifs ridicules ! L’humour y est souvent de bas étage, sans recherche ni finesse. D’ailleurs, Shahrukh Khan fait le minimum syndical et déçoit en chef de bande. On le vend comme la star de l'œuvre, à coup de scènes torse nu, de bagarres de haut vol et de flirts avec la belle plante qui fait office d’héroïne ! Sauf que ça ne prend pas : alors que je l’avais trouvé vraiment attachant dans Chennai Express, je ne suis pas du tout convaincue par sa prestation dans Happy New Year. Peut-être parce que l’authenticité n’est pas au rendez-vous.
Alors oui, Shahrukh reste Shahrukh ! C’est un grand acteur que j’admire et dont on peut dire que je suis fan. Mais lorsque Shahrukh ne fait que se caricaturer, je ne le suis plus ! Et ce n’est pas son âge, le problème. Il a prouvé avec des divertissements comme Om Shanti Om ou Chennai Express qu’il était capable de tenir la distance dans un film rythmé. Mais avec Happy New Year, on a le sentiment que l’acteur ne se donne pas, qu’il fait ce qu’on lui demande de façon très scolaire, comme s’il révisait en diagonale une leçon apprise scrupuleusement pour les besoins de ses précédents rôles. En gros, « fais comme dans Om Shanti Om, et ça fera l’affaire... ». Sauf que ça ne suffit pas ! Ça ne suffit plus. Donc, Shahrukh, si tu me lis, je t’en supplie, arrête de vouloir concurrencer Salman et les petits jeunots Varun Dhawan et Arjun Kapoor. Ce n’est pas ce que ton public attend de toi. Nous, on veut voir Shahrukh l’interprète, l’acteur audacieux et polyvalent. A défaut, on souhaiterait retrouver Shahrukh la bête de scène, celle qui, malgré le ridicule notable de certains de ses films, mouille la chemise pour sauver la mise ! Il est passé où, ce Shahrukh-là ? Dans Happy New Year, j’ai eu l’impression de ne voir que son ombre... Pourtant, il a la chance de bénéficier d’un rôle particulièrement mis en valeur : il est le meneur, le sauveur, le fighter, l’amant... Charlie est la star du film, du moins, c’est ce que Farah voulait nous faire comprendre.
Pourtant, il hérite d’un personnage lourdaud et mal dégrossi qui aurait pu rebuter à côté du sex-appeal surenchéri de Charlie. Mais j’ai trouvé Abhishek absolument hilarant dans un rôle néanmoins très mal écrit. Il incarne Nandu, fêtard aux problèmes vomitifs récurrents... Si les blagues manquent clairement d’élégance, Abhishek les porte avec bravoure et assurance. Ce qui est appréciable chez Nandu, c’est qu’il n’entre pas dans la caricature du héros valeureux. Au contraire, il est franchement idiot, trouillard et entêté. C’est probablement lui qui écope des scènes les plus ridicules du métrage, et paradoxalement, c’est lui qui s’en sort le mieux. Et ce que j’aime chez Abhishek, c’est qu’il n’a peur de rien. Il a conscience de son potentiel comique et il n’hésite jamais à l’exploiter à fond. Son implication est d’autant plus remarquable à côté d’un Shahrukh presque amorphe et apathique. J’adore également chez Abhishek sa grande humilité. Il a conscience de n’être qu’un second couteau dans Happy New Year, et il ne cherche jamais à tirer la couverture à lui. Le personnage central de l'œuvre, c’est Charlie. Pourtant, le fils Bachchan a tellement de talent qu’on finit par ne retenir que sa prestation.
Deepika Padukone signe quant à elle le rôle qui aurait dû lancer sa carrière. En effet, Farah Khan l’avait auditionné pour ce film avant de geler le projet, puis l’a rappelée pour Om Shanti Om. C’est également son troisième film avec Shahrukh Khan après Om Shanti Om et Chennai Express. Dans un rôle caricatural de provinciale limitée, j’ai trouvé que Deepika s’en sortait avec les honneurs. En danseuse au grand cœur, on s’attache vite à elle sans grande difficulté. Elle est belle, danse bien et s’investit sans sourciller. Face à Shahrukh, on a le sentiment qu’elle rame de toutes ses forces vers lui, alors que lui navigue à contre-courant. Si leur alchimie était sympathique dans Chennai Express, on ressent cette fois Deepika beaucoup plus impliquée que son partenaire. Même s’il y a de la redite dans l’écriture du personnage de Mohini (indienne du Maharashtra qui parle avec un fort accent, qui n’est pas sans rappeler la tamoule criarde de Chennai Express), Deepika incarne avec autant de force que de vulnérabilité cette marathi drôle et sympathique. L’actrice est généreuse dans son jeu et ne nous déçoit pas. Elle a également fait de gros progrès en danse, particulièrement notables dans la séquence de danse finale, au moment de son solo.
Il lui manque régulièrement de respect, la rabaisse plus bas que terre et l’exclut volontairement du reste du groupe. J’ai été peinée par ce parti pris de la part de Farah Khan, qui a cette fâcheuse tendance à tendre vers le machisme dans la construction de ses personnages. C’est quand même un comble que l’une des rares réalisatrices indiennes à être aussi populaire nous livre un cinéma aussi masculin, à la limite du sexisme ! Mohini est ici utilisée, manipulée, insultée et diminuée perpétuellement par les hommes qui l’entourent, Charlie en tête. Et on devrait s’émouvoir du fait qu’il tombe sous son charme après l’avoir traité comme une moins que rien ? C’est moi, ou Farah ne connaît pas la définition du mot « romantisme » ? Pourtant, Mohini a du caractère, elle apprivoise d’une main de maître cette bande de bras cassés pour en faire des danseurs. Elle les valorise et les respecte, mais n’a pas droit au même traitement en retour. Pourquoi ?
Au lieu de ça, elle transforme Mohini en danseuse niaise qui craque pour un mec qui ne sait même pas lui parler dignement ! Où est la cohérence ? Quoiqu’il en soit, la comédienne a nettement gagné en naturel et en maturité dans son ‘acting’, et rivaliserait presque avec Abhishek sur le plan comique si son rôle n’avait pas été aussi réducteur. Pour compléter cette fine équipe, Farah Khan a fait appel à trois acteurs très différents. Elle retrouve d’abord Boman Irani, qui avait déjà participé à son Main Hoon Na, en 2004. Surtout, elle lui donnait la réplique dans la romance Shirin Farhad Ki Toh Nikal Padi, sortie en 2012. Dans la peau de Tammy, célibataire endurci de la bande, l’acteur parsi est attendrissant comme jamais, même s’il faut avouer que la description de son personnage tient sur un post-it. Boman a en lui cette capacité à insuffler une bonhomie incroyable à tous les rôles qu’il incarne.
A ses côtés, on retrouve le charmant Sonu Sood, connu à Bollywood pour ses prestations dans Aashiq Banaya Aapne, Jodhaa Akbar ou encore Dabangg. Acteur touche-à-tout, il pouvait tantôt être le méchant de service (Arundhati, R... Rajkumar), tantôt le frère protecteur (Ramaiya Vastavaiya), tantôt l’amant bienveillant (Ek Vivaah Aisa Bhi). Il reprend dans Happy New Year un rôle écrit à l’origine pour John Abraham. Il est ici Jag, un spécialiste des explosifs devenu sourd d’une oreille et qui déteste qu’on parle en mal de sa mère. C’est la brute épaisse, le tas de muscles de la bande. Pourtant, il peut également être l’oreille attentive (la seule qu’il lui reste en tout cas...) de ceux qui comptent pour lui. Pour compléter l’équipe, il y a le jeune Vivaan Shah. Le fils des acteurs renommés Naseeruddin Shah et Ratna Pathak revient au cinéma après ses débuts dans Saath Khoon Maaf en 2011, face à Priyanka Chopra. Il est le cadet de la bande, hacker de son état. S’il dégage une douceur notable dans la peau de Rohan, c’est son personnage qui est le plus effacé durant une bonne partie de l'œuvre. Cependant, le jeune homme timide se manifeste finalement lors des grandes remises en question et impulse le sentiment de solidarité du groupe, qui donne lieu à la séquence musicale la plus émouvante de Happy New Year. Jackie Shroff campe quant à lui Charan Grover, le businessman manipulateur duquel Charlie souhaite se venger. Après plusieurs années de désert artistique, HNY a représenté un retour en force pour Jackie dans un rôle négatif opérant.
Si l’on peut apercevoir plusieurs visages connus et reconnus de l’industrie hindi dans Happy New Year, il n’y a rien de comparable aux 57 apparitions spéciales de Om Shanti Om. On appréciera cependant la présence de plusieurs personnalités comme Malaika Arora, Sajid Khan, Sarah-Jane Dias, Dino Morea, Vishal Malhotra et Geeta Kapoor. Et l’un des instants les plus hilarants du film tient dans les prestations de Vishal Dadlani et Anurag Kashyap, à hurler de rire en juges sadiques. J’ai trouvé formidable qu’un cinéaste indépendant de la carrure d’Anurag Kashyap, qui a souvent dénoncé le cinéma de masse, accepte de jouer le jeu et de prendre part à un film aussi commercial. C’est une belle preuve de maturité de la part d’un des réalisateurs les plus novateurs de l’industrie hindi. Du côté des clins d'œil, j’ai notamment remarqué une référence à Om Shanti Om avec la musique de « Ajab Si », ainsi que l’usage régulier du score de Mission Impossible pour accompagner la préparation du plan de nos 4 compères.
Happy New Year dure 3 heures. Pourtant, on aurait facilement pu l'amputer d’au moins 45 minutes. Ce qui est problématique avec ce film, c’est qu’il est très inégal. Il est truffé de scènes superflues, de séquences pâteuses qui en font un métrage longuet et poussif, là où il aurait pu gagner en légèreté sans jamais perdre son dynamisme. Le métrage semble s’égarer au milieu de toutes ces scènes plutôt dispensables. L’introduction des personnages accapare la première heure de la pellicule là où 20 à 30 minutes auraient été suffisantes.
En effet, Nandu nous parle notamment de sa mère souffrante, qui nécessite une opération onéreuse. Pourtant, au milieu du capharnaüm cinématographique qu’est Happy New Year, on a le sentiment que Nandu a un peu zappé sa chère maman ! De plus, la conclusion est expédiée. En fait, l’écriture de Farah Khan manque de justesse et de concision. Elle tombe dans l’étalage et m’a laissée pantoise durant une bonne partie du visionnage.
Pourtant, dans son épilogue, Happy New Year nous transporte dans un torrent de bons sentiments et de tendresse. Ainsi, je n’ai pas pu rester insensible face au pouvoir émotionnel de ce film, qui nous touche en exploitant un art universel : la danse. Je me souviens avoir écrit dans ma critique de ABCD que « si la danse est prépondérante dans les films indiens, ce n’est pas par sa technique qu’elle a brillé, mais par son âme et sa sincérité ». Ici, c’est dans le cadre du concours que les protagonistes se découvrent et s’apprécient. Ces quatre garçons venus uniquement pour commettre le casse du siècle sont bouleversés par la détermination de Mohini et par la foi qu’elle a en eux, là où la moitié de la planète se moque de leur style très gauche. Dans Happy New Year, Farah Khan joue sur les talents de danseurs franchement douteux de ses acteurs pour en faire un argument comique. Mais au final, je me suis retrouvée, comme une idiote, à pleurer devant le « World Dance Medley » sur les paroles de Charlie en hommage à sa terre natale.
Ce n’est absolument pas la meilleure bande-originale du duo Vishal-Shekhar, bien qu’elle demeure de bonne facture. Mais d’abord, je tenais à parler de « Dance Like A Chammiya », qui était ma chanson préférée de l’album. Je considérais ce titre comme le digne successeur de « Sheila Ki Jawaani », au panthéon des item number catchy. Avec la voix de l’énergique Sunidhi Chauhan, j’espérais que ce titre serait illustré par Deepika Padukone avec une chorégraphie soutenue et une mise en scène colorée, comme Farah Khan en a le secret. Mais en voyant le film, quelle désillusion ! « Dance Like A Chammiya » n’est pas un item number !Pour moi, ça s’apparente à un vrai gâchis artistique. Il en va de même pour la très belle « Manwa Laage », dont le clip manque vraiment de romantisme. Oui, Mohini et Charlie sont dépassés par le feu de l’amour qui embrase leurs cœurs épris... Mais on ne pouvait pas en rester au stade de la métaphore ? Pour montrer que Mohini est amoureuse de Charlie, était-il nécessaire que cette dernière lui mette le feu aux fesses ? Littéralement ?! Je ne le crois pas...
Dommage car musicalement, cette chanson profite des voix aussi douces qu’harmonieuses de Shreya Ghoshal et Arijit Singh. Il y a cependant bien un item song dans Happy New Year ! Il s’agit de « Lovely », interprété par Kanika Kapoor. Ce titre aux sonorités orientales est franchement dansant mais s’essouffle à cause de sa composition plutôt linéaire. « Satakli » est un joyeux morceau, convivial et entraînant, qui bénéficie de la voix unique de l’excellent Sukhwinder Singh. « Nonsense Ki Night » de Mika Singh sert à illustrer une des danses du film, avec efficacité et humour. Mais l’hymne de Happy New Year, c’est « India Waale » ! Il réunit les chanteurs Vishal Dadlani, Shankar Mahadevan, KK et Neeti Mohan. Cette chanson patriotique aux influences électro vante la bravoure des indiens et leur détermination dans l’adversité. Enfin, je n’étais pas forcément fan de « Sharabi » à la première écoute, mais j’ai changé d’avis. Pourquoi ? Il y a quelque chose que j’aime beaucoup chez Farah Khan : c’est ce rituel qu’elle a instauré à la fin de chacun de ses films pour mettre en valeur ses équipes techniques : des maquilleurs aux chauffeurs, des décorateurs aux ingénieurs son et lumière. « Sharabi » nous fait donc découvrir les artisans peu connus des films indiens, ceux qui travaillent dans l’ombre pour nous offrir des œuvres que l’on salue et que l’on chérit.
J’ai parfois été émue, parfois blasée. Je n’ai pas envie de vous déconseiller Happy New Year, ce serait hypocrite de ma part, car j’en écoute encore la BO et j’en apprécie certaines des séquences encore aujourd’hui. Mais je ne peux pour autant pas vous le vendre comme un film qualitatif, car ce n’est pas le cas. J’ai été déçue par Shahrukh Khan, par l’humour souvent grossier et l’imprécision du scénario.
Mais j’ai aimé les chansons, les prestations d’Abhishek et de Deepika et les scènes avec Anurag Kashyap. Il y a du bon et du mauvais dans ce film. Si vous le voyez, il va falloir trier dans ces trois longues heures de grand n’importe quoi pour savourer les quelques réussites de cette œuvre qui, malgré ses bonnes intentions, manque vraiment de consistance.
La dernière fois que j’ai regardé un film de Farah Khan, j’en ai presque saigné du nez ! Sincèrement, qu’est-ce que c’était que cette blague ? Tees Maar Khan, de la même réalisatrice que Main Hoon Na et Om Shanti Om ? Le cinéma indien se perd... Quatre ans plus tard, elle sort un projet qu’elle avait initié en 2005 : Happy New Year. A l’affiche lors de la fête de Diwali 2014, Happy New Year compte une distribution grand format : Shahrukh Khan, Deepika Padukone, Abhishek Bachchan, Boman Irani, Sonu Sood, Vivaan Shah et Jackie Shroff. Pour cette production coûteuse, l’équipe du film a grandement tourné à Dubaï, nouvelle capitale du luxe et de la démesure.
Mais après le bide de Tees Maar Khan, que peut bien valoir Happy New Year ?
Charlie (Shahrukh Khan) est un pur beau gosse : il a des tablettes de chocolat de fou, il se bat comme personne et est diplômé des plus grandes écoles... Trop swag ! Mais il n’a qu’une seule idée en tête : venger l’incarcération injustifiée de son père Manohar (Anupam Kher), causée par le calculateur Charan Grover (Jackie Shroff). Pour ce faire, il veut organiser le casse du siècle : voler les diamants de Grover pour mieux l’en accabler ensuite ! C’est ainsi qu’il missionne une équipe de super-casseurs pour cette mission exclusive : Tammy (Boman Irani), spécialiste des coffres-forts, Jag (Sonu Sood), un pro des explosifs, Rohan (Vivaan Shah), hacker en puissance et Nandu (Abhishek Bachchan), joyeu luron et sosie stratégique… Mais pour mener à bien leur plan, cette bande de bras cassés va devoir s’embarquer dans une grande compétition de danse... Je vous laisse rigoler, parce qu’il y a de quoi ! Du coup, après avoir fait fuir entre autres Prabhu Deva et Saroj Khan (incarnée par Kiku Sharda), ils font appel à une danseuse de bar, Mohini Joshi (Deepika Padukone), qui ignore tout de leurs intentions...
Lorsque j’ai découvert le pitch de Happy New Year, j’avais l’impression que Farah Khan nous avait foutu dans le mixer ses précédentes réalisations Om Shanti Om et Tees Maar Khan. En effet, le coup du « j’intègre une compétition de danse pour braquer des diamants » ne vous rappelle pas le vol de lingots déguisé en tournage de film dans Tees Maar Khan ? On peut émettre également un lien avec l’histoire de Om Shanti Om dans l’usage du sosie comme appât ou subterfuge.
Donc voilà, Farah Khan fait du recyclage ! C’est bien pour la planète, mais d’un point de vue cinématographique, il y a de quoi craindre le pire !
Et vous ne vous y trompez pas : Happy New Year est un film bancal, bourré d’incohérences et de raccourcis narratifs ridicules ! L’humour y est souvent de bas étage, sans recherche ni finesse. D’ailleurs, Shahrukh Khan fait le minimum syndical et déçoit en chef de bande. On le vend comme la star de l'œuvre, à coup de scènes torse nu, de bagarres de haut vol et de flirts avec la belle plante qui fait office d’héroïne ! Sauf que ça ne prend pas : alors que je l’avais trouvé vraiment attachant dans Chennai Express, je ne suis pas du tout convaincue par sa prestation dans Happy New Year. Peut-être parce que l’authenticité n’est pas au rendez-vous.
Alors oui, Shahrukh reste Shahrukh ! C’est un grand acteur que j’admire et dont on peut dire que je suis fan. Mais lorsque Shahrukh ne fait que se caricaturer, je ne le suis plus ! Et ce n’est pas son âge, le problème. Il a prouvé avec des divertissements comme Om Shanti Om ou Chennai Express qu’il était capable de tenir la distance dans un film rythmé. Mais avec Happy New Year, on a le sentiment que l’acteur ne se donne pas, qu’il fait ce qu’on lui demande de façon très scolaire, comme s’il révisait en diagonale une leçon apprise scrupuleusement pour les besoins de ses précédents rôles. En gros, « fais comme dans Om Shanti Om, et ça fera l’affaire... ». Sauf que ça ne suffit pas ! Ça ne suffit plus. Donc, Shahrukh, si tu me lis, je t’en supplie, arrête de vouloir concurrencer Salman et les petits jeunots Varun Dhawan et Arjun Kapoor. Ce n’est pas ce que ton public attend de toi. Nous, on veut voir Shahrukh l’interprète, l’acteur audacieux et polyvalent. A défaut, on souhaiterait retrouver Shahrukh la bête de scène, celle qui, malgré le ridicule notable de certains de ses films, mouille la chemise pour sauver la mise ! Il est passé où, ce Shahrukh-là ? Dans Happy New Year, j’ai eu l’impression de ne voir que son ombre... Pourtant, il a la chance de bénéficier d’un rôle particulièrement mis en valeur : il est le meneur, le sauveur, le fighter, l’amant... Charlie est la star du film, du moins, c’est ce que Farah voulait nous faire comprendre.
Parce que la vraie star de Happy New Year, c’est Abhishek Bachchan.
Pourtant, il hérite d’un personnage lourdaud et mal dégrossi qui aurait pu rebuter à côté du sex-appeal surenchéri de Charlie. Mais j’ai trouvé Abhishek absolument hilarant dans un rôle néanmoins très mal écrit. Il incarne Nandu, fêtard aux problèmes vomitifs récurrents... Si les blagues manquent clairement d’élégance, Abhishek les porte avec bravoure et assurance. Ce qui est appréciable chez Nandu, c’est qu’il n’entre pas dans la caricature du héros valeureux. Au contraire, il est franchement idiot, trouillard et entêté. C’est probablement lui qui écope des scènes les plus ridicules du métrage, et paradoxalement, c’est lui qui s’en sort le mieux. Et ce que j’aime chez Abhishek, c’est qu’il n’a peur de rien. Il a conscience de son potentiel comique et il n’hésite jamais à l’exploiter à fond. Son implication est d’autant plus remarquable à côté d’un Shahrukh presque amorphe et apathique. J’adore également chez Abhishek sa grande humilité. Il a conscience de n’être qu’un second couteau dans Happy New Year, et il ne cherche jamais à tirer la couverture à lui. Le personnage central de l'œuvre, c’est Charlie. Pourtant, le fils Bachchan a tellement de talent qu’on finit par ne retenir que sa prestation.
Deepika Padukone signe quant à elle le rôle qui aurait dû lancer sa carrière. En effet, Farah Khan l’avait auditionné pour ce film avant de geler le projet, puis l’a rappelée pour Om Shanti Om. C’est également son troisième film avec Shahrukh Khan après Om Shanti Om et Chennai Express. Dans un rôle caricatural de provinciale limitée, j’ai trouvé que Deepika s’en sortait avec les honneurs. En danseuse au grand cœur, on s’attache vite à elle sans grande difficulté. Elle est belle, danse bien et s’investit sans sourciller. Face à Shahrukh, on a le sentiment qu’elle rame de toutes ses forces vers lui, alors que lui navigue à contre-courant. Si leur alchimie était sympathique dans Chennai Express, on ressent cette fois Deepika beaucoup plus impliquée que son partenaire. Même s’il y a de la redite dans l’écriture du personnage de Mohini (indienne du Maharashtra qui parle avec un fort accent, qui n’est pas sans rappeler la tamoule criarde de Chennai Express), Deepika incarne avec autant de force que de vulnérabilité cette marathi drôle et sympathique. L’actrice est généreuse dans son jeu et ne nous déçoit pas. Elle a également fait de gros progrès en danse, particulièrement notables dans la séquence de danse finale, au moment de son solo.
Mais quelque chose m’a particulièrement dérangée dans Happy New year : c’est le mépris que voue Charlie à Mohini.
Il lui manque régulièrement de respect, la rabaisse plus bas que terre et l’exclut volontairement du reste du groupe. J’ai été peinée par ce parti pris de la part de Farah Khan, qui a cette fâcheuse tendance à tendre vers le machisme dans la construction de ses personnages. C’est quand même un comble que l’une des rares réalisatrices indiennes à être aussi populaire nous livre un cinéma aussi masculin, à la limite du sexisme ! Mohini est ici utilisée, manipulée, insultée et diminuée perpétuellement par les hommes qui l’entourent, Charlie en tête. Et on devrait s’émouvoir du fait qu’il tombe sous son charme après l’avoir traité comme une moins que rien ? C’est moi, ou Farah ne connaît pas la définition du mot « romantisme » ? Pourtant, Mohini a du caractère, elle apprivoise d’une main de maître cette bande de bras cassés pour en faire des danseurs. Elle les valorise et les respecte, mais n’a pas droit au même traitement en retour. Pourquoi ?
Je ne comprends pas la réalisatrice : elle a l’opportunité d’utiliser le biais du divertissement pour mettre en valeur les femmes dans toute leur splendeur, leur courage et leur détermination.
Au lieu de ça, elle transforme Mohini en danseuse niaise qui craque pour un mec qui ne sait même pas lui parler dignement ! Où est la cohérence ? Quoiqu’il en soit, la comédienne a nettement gagné en naturel et en maturité dans son ‘acting’, et rivaliserait presque avec Abhishek sur le plan comique si son rôle n’avait pas été aussi réducteur. Pour compléter cette fine équipe, Farah Khan a fait appel à trois acteurs très différents. Elle retrouve d’abord Boman Irani, qui avait déjà participé à son Main Hoon Na, en 2004. Surtout, elle lui donnait la réplique dans la romance Shirin Farhad Ki Toh Nikal Padi, sortie en 2012. Dans la peau de Tammy, célibataire endurci de la bande, l’acteur parsi est attendrissant comme jamais, même s’il faut avouer que la description de son personnage tient sur un post-it. Boman a en lui cette capacité à insuffler une bonhomie incroyable à tous les rôles qu’il incarne.
A ses côtés, on retrouve le charmant Sonu Sood, connu à Bollywood pour ses prestations dans Aashiq Banaya Aapne, Jodhaa Akbar ou encore Dabangg. Acteur touche-à-tout, il pouvait tantôt être le méchant de service (Arundhati, R... Rajkumar), tantôt le frère protecteur (Ramaiya Vastavaiya), tantôt l’amant bienveillant (Ek Vivaah Aisa Bhi). Il reprend dans Happy New Year un rôle écrit à l’origine pour John Abraham. Il est ici Jag, un spécialiste des explosifs devenu sourd d’une oreille et qui déteste qu’on parle en mal de sa mère. C’est la brute épaisse, le tas de muscles de la bande. Pourtant, il peut également être l’oreille attentive (la seule qu’il lui reste en tout cas...) de ceux qui comptent pour lui. Pour compléter l’équipe, il y a le jeune Vivaan Shah. Le fils des acteurs renommés Naseeruddin Shah et Ratna Pathak revient au cinéma après ses débuts dans Saath Khoon Maaf en 2011, face à Priyanka Chopra. Il est le cadet de la bande, hacker de son état. S’il dégage une douceur notable dans la peau de Rohan, c’est son personnage qui est le plus effacé durant une bonne partie de l'œuvre. Cependant, le jeune homme timide se manifeste finalement lors des grandes remises en question et impulse le sentiment de solidarité du groupe, qui donne lieu à la séquence musicale la plus émouvante de Happy New Year. Jackie Shroff campe quant à lui Charan Grover, le businessman manipulateur duquel Charlie souhaite se venger. Après plusieurs années de désert artistique, HNY a représenté un retour en force pour Jackie dans un rôle négatif opérant.
Mais la marque de fabrique de Farah Khan, ce sont les références au cinéma et les caméos.
Si l’on peut apercevoir plusieurs visages connus et reconnus de l’industrie hindi dans Happy New Year, il n’y a rien de comparable aux 57 apparitions spéciales de Om Shanti Om. On appréciera cependant la présence de plusieurs personnalités comme Malaika Arora, Sajid Khan, Sarah-Jane Dias, Dino Morea, Vishal Malhotra et Geeta Kapoor. Et l’un des instants les plus hilarants du film tient dans les prestations de Vishal Dadlani et Anurag Kashyap, à hurler de rire en juges sadiques. J’ai trouvé formidable qu’un cinéaste indépendant de la carrure d’Anurag Kashyap, qui a souvent dénoncé le cinéma de masse, accepte de jouer le jeu et de prendre part à un film aussi commercial. C’est une belle preuve de maturité de la part d’un des réalisateurs les plus novateurs de l’industrie hindi. Du côté des clins d'œil, j’ai notamment remarqué une référence à Om Shanti Om avec la musique de « Ajab Si », ainsi que l’usage régulier du score de Mission Impossible pour accompagner la préparation du plan de nos 4 compères.
Happy New Year dure 3 heures. Pourtant, on aurait facilement pu l'amputer d’au moins 45 minutes. Ce qui est problématique avec ce film, c’est qu’il est très inégal. Il est truffé de scènes superflues, de séquences pâteuses qui en font un métrage longuet et poussif, là où il aurait pu gagner en légèreté sans jamais perdre son dynamisme. Le métrage semble s’égarer au milieu de toutes ces scènes plutôt dispensables. L’introduction des personnages accapare la première heure de la pellicule là où 20 à 30 minutes auraient été suffisantes.
A côté de cela, l’intrigue nous tend certaines perches concernant le passé et les aspirations de certains protagonistes pour finalement ne pas s’en saisir jusqu’au bout.
En effet, Nandu nous parle notamment de sa mère souffrante, qui nécessite une opération onéreuse. Pourtant, au milieu du capharnaüm cinématographique qu’est Happy New Year, on a le sentiment que Nandu a un peu zappé sa chère maman ! De plus, la conclusion est expédiée. En fait, l’écriture de Farah Khan manque de justesse et de concision. Elle tombe dans l’étalage et m’a laissée pantoise durant une bonne partie du visionnage.
Pourtant, dans son épilogue, Happy New Year nous transporte dans un torrent de bons sentiments et de tendresse. Ainsi, je n’ai pas pu rester insensible face au pouvoir émotionnel de ce film, qui nous touche en exploitant un art universel : la danse. Je me souviens avoir écrit dans ma critique de ABCD que « si la danse est prépondérante dans les films indiens, ce n’est pas par sa technique qu’elle a brillé, mais par son âme et sa sincérité ». Ici, c’est dans le cadre du concours que les protagonistes se découvrent et s’apprécient. Ces quatre garçons venus uniquement pour commettre le casse du siècle sont bouleversés par la détermination de Mohini et par la foi qu’elle a en eux, là où la moitié de la planète se moque de leur style très gauche. Dans Happy New Year, Farah Khan joue sur les talents de danseurs franchement douteux de ses acteurs pour en faire un argument comique. Mais au final, je me suis retrouvée, comme une idiote, à pleurer devant le « World Dance Medley » sur les paroles de Charlie en hommage à sa terre natale.
D’ailleurs, la musique du film est une jolie surprise.
Ce n’est absolument pas la meilleure bande-originale du duo Vishal-Shekhar, bien qu’elle demeure de bonne facture. Mais d’abord, je tenais à parler de « Dance Like A Chammiya », qui était ma chanson préférée de l’album. Je considérais ce titre comme le digne successeur de « Sheila Ki Jawaani », au panthéon des item number catchy. Avec la voix de l’énergique Sunidhi Chauhan, j’espérais que ce titre serait illustré par Deepika Padukone avec une chorégraphie soutenue et une mise en scène colorée, comme Farah Khan en a le secret. Mais en voyant le film, quelle désillusion ! « Dance Like A Chammiya » n’est pas un item number !Pour moi, ça s’apparente à un vrai gâchis artistique. Il en va de même pour la très belle « Manwa Laage », dont le clip manque vraiment de romantisme. Oui, Mohini et Charlie sont dépassés par le feu de l’amour qui embrase leurs cœurs épris... Mais on ne pouvait pas en rester au stade de la métaphore ? Pour montrer que Mohini est amoureuse de Charlie, était-il nécessaire que cette dernière lui mette le feu aux fesses ? Littéralement ?! Je ne le crois pas...
Dommage car musicalement, cette chanson profite des voix aussi douces qu’harmonieuses de Shreya Ghoshal et Arijit Singh. Il y a cependant bien un item song dans Happy New Year ! Il s’agit de « Lovely », interprété par Kanika Kapoor. Ce titre aux sonorités orientales est franchement dansant mais s’essouffle à cause de sa composition plutôt linéaire. « Satakli » est un joyeux morceau, convivial et entraînant, qui bénéficie de la voix unique de l’excellent Sukhwinder Singh. « Nonsense Ki Night » de Mika Singh sert à illustrer une des danses du film, avec efficacité et humour. Mais l’hymne de Happy New Year, c’est « India Waale » ! Il réunit les chanteurs Vishal Dadlani, Shankar Mahadevan, KK et Neeti Mohan. Cette chanson patriotique aux influences électro vante la bravoure des indiens et leur détermination dans l’adversité. Enfin, je n’étais pas forcément fan de « Sharabi » à la première écoute, mais j’ai changé d’avis. Pourquoi ? Il y a quelque chose que j’aime beaucoup chez Farah Khan : c’est ce rituel qu’elle a instauré à la fin de chacun de ses films pour mettre en valeur ses équipes techniques : des maquilleurs aux chauffeurs, des décorateurs aux ingénieurs son et lumière. « Sharabi » nous fait donc découvrir les artisans peu connus des films indiens, ceux qui travaillent dans l’ombre pour nous offrir des œuvres que l’on salue et que l’on chérit.
En conclusion
J’ai parfois été émue, parfois blasée. Je n’ai pas envie de vous déconseiller Happy New Year, ce serait hypocrite de ma part, car j’en écoute encore la BO et j’en apprécie certaines des séquences encore aujourd’hui. Mais je ne peux pour autant pas vous le vendre comme un film qualitatif, car ce n’est pas le cas. J’ai été déçue par Shahrukh Khan, par l’humour souvent grossier et l’imprécision du scénario.
Mais j’ai aimé les chansons, les prestations d’Abhishek et de Deepika et les scènes avec Anurag Kashyap. Il y a du bon et du mauvais dans ce film. Si vous le voyez, il va falloir trier dans ces trois longues heures de grand n’importe quoi pour savourer les quelques réussites de cette œuvre qui, malgré ses bonnes intentions, manque vraiment de consistance.
LA NOTE: 1/5