3 films qui disent tout de... Vidhu Vinod Chopra.

dimanche 29 octobre 2023
Vidhu Vinod Chopra Parinda Anil Kapoor Bollywood
Le réalisateur, c’est le chef d’orchestre. C’est l’esprit vif qui dirige une œuvre et assure la collaboration entre ses différentes équipes. Les techniciens et les artistes s’unissent sous sa guidance afin de restituer sa vision à travers son œuvre. Au cinéma indien, les réalisateurs se multiplient au fil des années et gagnent de plus en plus en popularité. Leurs noms s’inscrivent dans les cœurs des cinéphiles grâce à la portée de leur message, de leur style ou encore grâce au résultat commercial de leurs métrages. Et si nous nous focalisions davantage sur ces génies du septième art, que nous avons parfois tendance à oublier ?

Le temps d’un article, découvrez Vidhu Vinod Chopra, si vous ne le connaissez pas déjà...



Vidhu Vinod Chopra, en bref...

Demi-frère du réalisateur Ramanand Sagar, Vidhu Vinod Chopra nait en 1952 à Srinagar, dans l’Etat du Cachemire. Le cinéma s’imposant à lui comme une évidence, il étudie au prestigieux Institut Indien du Film et de la Télévision de Pune, au sein duquel ont notamment enseigné Satyajit Ray, Mani Kaul et Ritwik Ghatak. En 1976, il dirige son court-métrage de fin d’études, Murder at Monkey Hill, qui lui vaudra un National Award. Galvanisé par cette reconnaissance, il en proposera une version en format long en 1981 avec Sazaye Maut, dans lequel il castera notamment l’immense Naseeruddin Shah.

Mais avant cela, en 1978, il réalise le court-métrage documentaire An Encounter with Faces, pour lequel il sera nommé aux Oscars. Sa carrière de cinéaste désormais lancée en grandes pompes, il réalise en 1985 le film Khamosh, avec un casting grand format. Jugez plutôt : Naseeruddin Shah, Shabana Azmi, Amol Palekar ou encore Pankaj Kapoor sont de la partie ! Par la même occasion, il ouvre sa société de production Vinod Chopra Films, avec laquelle il finance l’ensemble de ses réalisations.

Si on lui doit d’immenses films comme Parinda (1989), 1942 – A Love Story (1994) ou encore Mission Kashmir (2000), Vidhu Vinod Chopra fera le choix dans les années 2000 de s’investir davantage dans son rôle de producteur. Ainsi, il propulsera sur le devant de la scène plusieurs cinéastes, principalement Pradeep Sarkar et Rajkumar Hirani. Puisque c’est à sa société de producteur que l’on doit des grands films comme la saga Munna Bhai (2003 et 2006), Parineeta (2005), 3 Idiots (2009) ou encore PK (2014). Et Vidhu Vinod Chopra ne se contente de poser quelques billets sur la table, il joue un rôle majeur dans la trajectoire de ses productions. C’est notamment lui qui co-écrit les histoires de Munna Bhai M.B.B.S. (2003), Ferrari Ki Sawaari (2012) et Wazir (2016). Il met également à l’épreuve la jeune Vidya Balan pendant une session d’auditions de 6 mois avant de la sélectionner pour le rôle principal de Parineeta.

Et si la jeune génération le connaît surtout en tant que producteur tant il a financé les énormes succès populaires précités, Vidhu Vinod Chopra est avant tout un brillant réalisateur et un conteur d’histoires hors du commun.

Ces 3 films qui disent tout de lui...



Parinda

Réalisateur, producteur et scénariste
Sorti en 1989



Deuxième film du réalisateur, il s’agit sans aucun doute de son œuvre la plus culte. Celle qui l’a propulsé sur le devant de la scène et qui est réellement venu définir sa patte et son identité artistique. En effet, Parinda s’inscrit dans un contexte particulier. Nous sommes à la fin des années 1980, ère du film d’action testostéroné et criard à Bollywood. Des acteurs comme Sunny Deol, Sanjay Dutt, Jeetendra en encore Mithun Chakraborty ont largement bâti leur popularité sur de telles œuvres. Pourtant, Vidhu Vinod Chopra décide qu’il proposera autre chose à son public. Avec Parinda, il livre une esthétique soignée, très proche de ses personnages. Son approche est plus réaliste et se libère des effets de style dans le montage caractéristique des métrages de l’époque. A travers ce film, il permet au cinéma indien de se réconcilier avec un certain minimalisme.

Parinda explore également la masculinité décadente de deux hommes guidés par la violence et par le désespoir. Mais la ville Bombay est le personnage majeur de l’œuvre. La capitale cinématographique est filmée comme jamais auparavant : on y voit effectivement sa noirceur, son mystère et ses facettes plus inquiétantes et sordides. Le langage visuel de Vidhu Vinod Chopra est vif, et passe par l’utilisation de la caméra de manière intelligente et pertinente, le tout mis au service de son récit.

Aussi, Parinda s’éloigne volontairement des récits manichéens et propose des personnages nuancés, aux parcours abîmés et aux intentions parfois troubles. Il constitue une variation postmoderne du film de gangster, loin de l’opposition cliché entre le héros droit dans ses bottes et le méchant sans vergogne. La lutte fratricide entre ses deux héros illustre surtout les dilemmes qui les habitent, entre volonté viscérale de s’en sortir et conscience morale, et ce loin des discours moralisateurs des films de son époque. On y retrouve aussi l’esthétique du film noir, tant son style est marqué par l’influence de Martin Scorcese, auquel Parinda rend hommage par des liens métaphoriques avec le métrage Mean Streets.

Le succès de Parinda est à la fois logique de par sa qualité, et inespéré tant il dénote des œuvres de son temps. Il vaudra à son équipe deux National Awards et 5 Filmfare Awards, dont celui du Meilleur Réalisateur pour Vidhu Vinod Chopra. En 2015, le cinéaste dirige le remake américain de son œuvre culte, intitulé Broken Horses.

1942 – A Love Story
Réalisateur, producteur et scénariste
Sorti en 1994



Cinq ans après le succès immense de Parinda, Vidhu Vinod Chopra retrouve Anil Kapoor et Jackie Shroff pour son nouveau métrage : 1942 – A Love Story. Pour cette fresque entre amour contrarié et grande histoire de l’Inde, le réalisateur se veut plus ambitieux, mais aussi plus poétique dans son ambiance. En effet, l’œuvre illustre la tendre histoire d’amour entre Naren et Rajjo avec une imagerie délicate et onirique... Pour ensuite marquer une nette rupture dans la suite de son récit, comme pour signifier que le temps des amours est terminé. L’image est alors bien plus proche du réel et possède davantage d’élan dans ses instants révolutionnaires.

Le propos de 1942 – A Love Story est clairement patriote, mais il adopte tout de même un prisme intéressant. De nouveau, Vidhu Vinod Chopra n’aime pas les discours tranchés, et met encre en exergue l’opposition entre deux visions et deux perspectives sans jamais diaboliser qui que ce soit. Ici, il exploite le conflit entre deux familles indiennes, l’une militante pour l’indépendance, tandis que l’autre favorable à la colonisation britannique. L’une des forces de l’œuvre réside notamment dans sa bande-originale, devenue incontournable. Il s’agit effectivement du dernier album composé par l’immense R.D. Burman, décédé quelques mois avant la sortie du film sur grand écran.

Aussi, le scénario est co-écrit avec un certain Sanjay Leela Bhansali, dont les influences et le style se ressentent déjà dans le lyrisme de ses protagonistes. 1942 – A Love Story constitue donc également les prémices de l’évolution artistique de Bhansali, qui deviendra par la suite l’un des cinéastes les plus marquants de Bollywood. Et malgré son accueil plus timide de la part du grand public, le métrage recevra 9 Filmfare Awards l’année suivante, confirmant le statut de grand cinéaste de Vidhu Vinod Chopra.

Shikara
Réalisateur, producteur et co-scénariste
Sorti en 2020



En 2020, le réalisateur marque son grand retour derrière la caméra avec son nouveau métrage Shikara, 13 ans après l’échec de Eklavya – The Royal Guard, sorti en 2007. Pour ce métrage, le metteur en scène est guidé par un thème profondément intime et personnel. En effet, Shikara parle de l’exode de la communauté hindoue du Cachemire en 1990. Sa mère, Shanti Devi Mahalakshmi, est sa principale source d’inspiration, étant elle-même originaire de la région. Le cinéaste a d’ailleurs choisi son casting avec minutie, en sélectionnant principalement des acteurs d’ascendance kashmiri. C’est ainsi qu’il révèle au grand public deux comédiens très prometteurs : Aadil Khan et Sadia Khateeb.

Les acteurs débutants défendent ici une histoire d’amour au cœur de l’exode et du conflit. Inspiré du libre biographique Our Moon Has Blood Clots de Rahul Pandita, le film s’attache à livrer une photographie nuancée du conflit au Cachemire. Sorti deux ans avant l’infame objet de propagande The Kashmir Files, Shikara adopte effectivement une approche bienveillante, saine et authentique de cette part de l’histoire, le tout sans jamais tomber dans la caricature ni la stigmatisation. D’où l’importance de l’histoire d’amour : on parle d’humains prisonniers d’un conflit qui, d’abord, les dépasse mais duquel ils deviendront acteurs. On ne diabolise aucune communauté, on raconte plutôt cet évènement historique avec respect et sagacité.

La musique du film est composée par le maître A.R. Rahman, qui livre avec ce film une bande-son entre douceur et fatalité. En somme, Shikara est une œuvre importante, en particulier dans le contexte actuel, hélas enclin à l’amalgame.

Le mot de la fin.



Vous l’aurez compris, Vidhu Vinod Chopra est l’un des réalisateurs les plus influents du cinéma hindi actuel. Par son regard vif et son soin du détail, il a amené les productions de Bollywood à plus de rigueur et de méticulosité. Le talent de Vidhu Vinod Chopra réside d’abord dans son intelligence visuelle et dans la façon dont il exploite l’image pour raconter son récit. Il a grandement contribué à redéfinir les codes de son industrie en y insufflant plus de réalisme, de sensibilité et de nuance.

Le metteur en scène est attaché au caractère réel de ses récits, et nourrit son cinéma de sources solides. Qu’il adapte des romans, des histoires vrais ou des évènements du passé, Vidhu Vinod Chopra a toujours à cœur de livrer des œuvres immersives et bouleversantes, sans jamais tomber dans la facilité. Si, à ce jour, des réalisateurs de cinéma noir comme Sriram Raghavan, Vishal Bhardwaj, Bejoy Nambiar ou encore Anurag Kashyap ont pu voir le jour, c’est entre autres grâce à la puissance et à l’exigence des multiples travaux de Vidhu Vinod Chopra.
mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
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