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Critique : Khufiya, l'espionne et la taupe (★★★★☆)

10 octobre 2023
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Le 5 octobre dernier est sorti sur Netflix l’un des films indiens que j’attendais le plus en 2023 : Khufiya – l’espionne et la taupe, réalisé par le maître Vishal Bhardwaj. Et pour ceux qui me lisent depuis quelques temps déjà, vous n’êtes pas sans savoir que ce metteur en scène est tout simplement mon préféré, toutes industries indiennes confondues. Le travail de Vishal me fascine depuis mon premier visionnage de Omkara, et depuis, je suis perpétuellement enthousiaste à l’idée de le retrouver à la tête d’un nouveau projet…

De plus, le cinéaste excelle tout particulièrement dans l’exercice de l’adaptation, ayant notamment proposé des relectures fascinantes de la littérature shakespearienne, Haider en tête (que je recommande comme un disque rayé !). Cette fois, il s’approprie Escape to Nowhere, roman d’espionnage de l’auteur Amar Bhushan. Et comme si cela ne suffisait pas, il retrouve sa muse Tabu (avec laquelle il a collaboré sur Maqbool et Haider) ainsi que la jeune Wamiqa Gabbi, qu’il avait précédemment dirigé dans le court-métrage Fursat. Bref, que d’éléments exaltants qui ne peuvent augurer qu’un grand film, n’est-il point ?

Mais au final, après tant d’attentes et d’espérances, que vaut réellement Khufiya ?



Avec cette nouvelle réalisation, Vishal Bhardwaj nous livre une mise en scène froide et saturée, mais manquant tout de même de véritable ambition visuelle. C’est certes fonctionnel et cela contribue à instaurer l’ambiance glaciale et énigmatique du récit. Mais à part quelques plans intéressants, le tout constitue tout de même une proposition assez timide. Surtout quand on connaît les précédents travaux du cinéaste, notamment l’exceptionnel Haider dans lequel il impose son sens de la théâtralité en la mettant au service d’un récit fleuve haletant. En comparaison, Khufiya est visuellement très tiède.

Sur le plan narratif, le métrage met beaucoup trop de temps à se lancer et à poser ses enjeux.

Il a aussi du mal à nous rendre ses personnages attachants et accessibles dès le départ. Pendant toute la première moitié de l’œuvre, on se sent mis de côté, comme si le film ne voulait pas trop nous en dire parce que « ce ne sont pas nos affaires ». Si bien qu’au final, on se retrouve face à des personnages dont on ne sait presque rien, pas même ce petit quelque chose qui va nous donner envie de les suivre… C’est d’autant plus regrettable que la seconde partie possède plus de rythme et d’élan. D’ailleurs, ce qui est intéressant avec Khufiya, c’est qu’on ne suit pas tant une affaire d’espionnage, mais plutôt ses conséquences sur les personnes concernées. Les espions, les agents double, les traitres, mais aussi l’entourage. On s’attache à la personne derrière l’agent du gouvernement, à sa difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée. En cela, Khufiya est bien plus un drame qu’un véritable film d’espionnage. Et ce parti pris est saisissant, même s’il aurait été préférable que la caméra de Vishal Bhardwaj soit au plus proche de ses protagonistes afin de capturer leurs tourments et leurs émois. Pour une raison que j’ignore, le cinéaste nous maintient constamment à distance, nous empêchant d’être pleinement cueilli par son récit.

Mais la force majeure du film réside dans sa distribution, absolument impeccable.

En effet, Tabu est impériale (comme toujours, j’ai envie de dire) et Ali Fazal est également parfait en espion torturé. Mais celle qui impressionne, c’est la jeune Wamiqa Gabbi, qui a déjà tout d’une immense comédienne ! En effet, cette jeune femme révélée il y a quelques années au cinéma malayalam avec le film Godha s’impose progressivement comme l’un des nouveaux espoirs de son pays. D’ailleurs, elle est également merveilleuse dans la série Jubilee – sur la route de Bollywood, disponible sur Prime Video.

Tous sont aidés par la complexité enivrante des personnages qu’ils incarnent, tiraillés entre leurs obligations, leurs intérêts et les gens qu’ils aiment. Tous jouent un double jeu, tous doivent mentir, manipuler pour atteindre leurs objectifs. C’est ce dilemme interne qui les lie tous les uns aux autres, qui les amènent à bien des niveaux à se projeter les uns dans les autres.

En conclusion



S’il possède des scènes engageantes, clairement sublimées par son casting, Khufiya demeure un objet filmique plutôt faiblard dans son ensemble. On est loin du ratage complet, Vishal Bhardwaj demeurant un artisan d’expérience. Mais on sent toutefois le métrage pas totalement abouti, et manquant cruellement d’efficacité dans sa première partie, qui est si introductive qu’elle aurait pu constituer un pilote de série !

Cela dit, si vous appréciez ses acteurs, Khufiya est tout de même une expérience de visionnage à vivre. En tant que grande amatrice de Tabu, je n’ai pas boudé mon plaisir à la retrouver dans un rôle sombre et complexe, puisque c’est dans cet exercice qu’elle est la meilleure…
LA NOTE: 3,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?