Critique de Girls Will Be Girls (★★★★★)

mercredi 22 mai 2024
Critique cannes inde cinéma girls will be girls
Girls will be Girls, présenté dans le cadre de la sélection Cannes Jeunesse, est le premier long-métrage de la réalisatrice Shuchi Talati. Cette coproduction indo-française a notamment été soutenue financièrement par le couple d’acteurs Ali Fazal et Richa Chadda, que j’aime beaucoup. Ayant obtenu une place in extremis pour le découvrir, je dois vous admettre que je n’en attendais rien…

Le film narre le passage à l’âge adulte de Mira (brillante Preeti Panigrahi), une adolescente modèle qui se découvre à travers l’exploration de sa sexualité et sa rupture progressive d’avec une mère (campée par la géniale Kani Kusruti) qui a terriblement peur de vieillir et, plus que tout, d’être seule... Contextualisé à la fin des années 1990, sans l’emprise écrasante des réseaux sociaux, Girls will be Girls se veut le récit d’une jeunesse déboussolée, entre besoin cruel de reconnaissance et volonté d’émancipation.

Shuchi Talati livre un portrait d’adolescente abouti, qui nous emporte par une mise en scène intimiste mais jamais voyeuriste.

La caméra de la cinéaste possède en elle une véritable bienveillance pour ses personnages et rend ce visionnage plus sensible et délicat. Girls will be Girls nous montre une Mira à la découverte, souvent maladroite, de ses désirs, sans toutefois jamais la limiter à cela. Le métrage tient son propos à bout de bras de la première à la dernière minute de l'œuvre, et ce sans jamais le lâcher. Il épouse pleinement le prisme de cette adolescente et nous fait immédiatement entrer en empathie avec elle.

La jeune Preeti Panigrahi, dont c’est le premier rôle sur grand écran, est tout bonnement parfaite dans la peau de Mira, donnant vie avec sagacité à cette jeune fille modèle aux prises avec ses questions.

Elle rend son personnage sincèrement attachant et profondément humain, si bien qu’on prend volontiers son parti malgré le caractère vaniteux de certaines de ses préoccupations. Face à elle, la comédienne Kani Kusruti, visage récurrent du cinéma malayalam, campe une mère prisonnière d’un mariage qui ne la satisfait plus, qui lutte contre le temps qui passe et contre la solitude. Egalement présente en sélection officielle cette année avec le film All We Imagine as Light de Payal Kapadia, la comédienne enfonce le clou ici dans un rôle aux multiples dimensions, auquel il est impossible de rester indifférent.

La relation mère-fille est d’ailleurs illustrée de façon assez saisissante, dans un rapport de contrôle et de rivalité tel qu’il nous questionne sur les intentions de l’une et de l’autre.

Et là où Girls will be Girls devient franchement brillant, c’est dans son habile manière de nous montrer à quel point cette opposition - exclusivement féminine - peut détourner le regard de toute une société sur les responsabilités des hommes. On se préoccupe effectivement davantage de la longueur de la jupe d’une jeune fille que du harcèlement sexuel ouvert qu’elle subit. On minimise les agressions des hommes et diabolise les décisions des femmes. “Pourquoi était-elle habillée ainsi ? Pourquoi lui a-t-elle soutenu le regard ? Ne l’aurait-elle pas un peu cherché, au fond ?” On met en compétition deux femmes pour l’attention d’un homme, sans jamais s’interroger sur la raison qui pousse ce même homme à convoiter deux femmes. Bref, Girls will be Girls remet intelligemment beaucoup de choses en perspective, et ça fait du bien !

En conclusion



Girls will be Girls est un premier film impressionnant de pertinence et de maîtrise, dans sa mise en scène comme dans son écriture. La société patriarcale en prend pour son grade et franchement, c’est plus que bienvenu !
LA NOTE: 4,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?