Critique de In Retreat (★★★★★)

mardi 21 mai 2024
Critique cannes inde cinéma in retreat
In Retreat, le premier film de l’indien Maisam Ali, est présenté dans le cadre de la sélection ACID lors du 77ème Festival de Cannes. Tourné dans la ville de Leh, au Ladakh, le jeune cinéaste livre une œuvre intimiste et profondément personnelle. Mais qui ne nous laisse jamais de côté.

In Retreat est avant tout une histoire de retour au pays, de reconnexion avec ses racines.

C’est un récit sur la solitude, sur l’errance et la perte de repères. On assiste au parcours à la fois contemplatif et introspectif du protagoniste, incarné par le formidable Harish Khanna. Ce dernier livre une prestation poignante, toute en sensibilité retenue. Son rôle, ô combien complexe, est à la fois central et spectateur de son environnement.

La mélancolie ambiante de In Retreat se manifeste à bien des niveaux, aussi bien dans le parti-pris de tourner exclusivement de nuit que dans l’illustration de l’oeuvre par de multiples poèmes, notamment ceux de l’artiste palestinien Mahmoud Darwich.

Le métrage évoque un thème universel : celui du retour à la maison. Mais ce qui est passionnant dans l'œuvre de Maisam, c’est le conflit intérieur qui habite son héros. Car au final, malgré sa bonne volonté, il ne peut pas rentrer chez lui. D’ailleurs, la ville natale du protagoniste est un personnage à part entière de la trame. La ville de Leh, ses paysages montagneux et sa double culture entre bouddhisme et islam, donne une autre dimension au sentiment de solitude du héros. Toutefois, le film s’émancipe de tout prisme lié à un seul personnage qui pourrait être cruellement réducteur pour son message. En effet, il est davantage conçu comme un tableau aux lectures et dimensions multiples, qui sont laissées à l’appréciation du spectateur. Si la quête du héros constitue le fil conducteur du métrage, il n’a toutefois pas vocation à cristalliser la narration autour de lui et de ses enjeux.

Avec In Retreat, Maisam Ali affirme sa volonté de s'émanciper de tout code, de tout gimmick narratif pour proposer une vision expérimentale de son récit, d’une incomplétude assumée.

Et le cinéaste semble avoir mis beaucoup de lui dans cette œuvre tant il existe de réels liens entre lui et son héros. La quête de liberté du protagoniste semble effectivement être le miroir de la volonté artistique de son auteur. De plus, le film a été tourné dans la ville natale de Maisam, un endroit qu’il connaît par cœur et dont il a parfaitement mis en scène les multiples nuances. Enfin, le caractère peu bavard du métrage est à l’image de ce réalisateur qui, lors de la session de Q&A, affichait une certaine timidité.

En conclusion



In Retreat est le récit bouleversant de retrouvailles impossibles. Si sa forme prend une énorme distance avec le langage cinématographique des films indiens mainstream, il vous faut tout de même lui donner sa chance tant il possède en son sein de nombreuses grilles de lecture. Pour sûr, Maisam Ali s’annonce avec ce film comme l’un des réalisateurs indiens les plus prometteurs de la jeune génération…
LA NOTE: 4,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?