Critique de Santosh (★★★★☆)

lundi 20 mai 2024
Critique cannes inde cinéma santosh
Le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice Sandhya Suri était projeté cette année au Festival de Cannes, plus précisément dans la section Un Certain Regard. Ce film policier haletant compte à son casting la merveilleuse Shahana Goswami et la saisissante Sunita Rajwar.

Et comment vous dire que les visionnages indiens de cette édition sont bien plus réjouissants pour moi que ceux de l’an dernier ?



Sandhya Suri s’était d’abord frotté à l’exercice du documentaire avant de nous livrer Santosh. On sent les restes de cette expérience dans sa manière de filmer, dans sa façon de présenter son récit au plus propre du réel. Mais ce qui fait la différence, c’est clairement la distribution de l'œuvre.

En effet, le casting est l’une des forces majeures de Santosh.

La lumineuse Shahana Goswami, qui n'a décidément plus rien à prouver, incarne une veuve velléitaire qui cherche désespérément à faire sa place en tant que policière, poste dont elle hérite après le décès de son époux. La comédienne illustre à la perfection les émotions multiples qui animent son héroïne. On la voit passer par une douleur infinie suite à la mort de son mari, puis par la confusion lorsqu’elle se retrouve à jouer les flics à sa place. S’en suit l’effroi quand elle découvre les dessous de ce métier pour ensuite gagner en verve lorsqu’elle se décide enfin à se soulever. Face à elle, Sunita Rajwar incarne une femme flic redoutable, dont la complexité exacerbe son caractère profondément humain. On ne sait finalement s’il faut la détester ou la prendre en pitié tant elle est tantôt monstrueuse, tantôt bienveillante.

Si la mise en scène de Sandhya est particulièrement efficace dans l’instauration de son ambiance et dans l’escalade en tension de sa protagoniste, j’ai toutefois regretté le manque d’audace de son propos.

En effet, Santosh pose les bases de ce qui aurait pu être un grand film mais semble se l’interdire, pour une raison qui m’échappe. Plusieurs questions sociétales nécessaires y sont évoquées, de la condition des intouchables à l’islamophobie, en passant par la corruption et les féminicides. Toutefois, le résultat demeure à mes yeux assez timide, presque sage tant il ne se permet pas d’aller plus loin sur ces sujets. Dans un exercice comparable, j’ai trouvé le film Article 15 (2019) certes plus théâtral, mais aussi plus impactant.

J’imagine que la démarche de Sandhya Suri était de livrer une œuvre qui observe, à défaut de s'engager pleinement.

Hélas, on passe à côté de certaines émotions qui sont le cœur du film. Comme la pression inhérente au parcours de Santosh par exemple, tant la caméra demeure souvent en retrait, tel un documentaire. Quelques plans de caméra osent, comme lors de la séquence de torture qui suit les mouvements de la protagoniste. Mais c’est trop sporadique, trop réservé pour donner un réel relief à la trame.

En conclusion



L’intention de Santosh est louable, mais j’aurais aimé que le film soit plus assumé, plus courageux dans sa démarche. Cela dit, les prestations de Shahana Goswami et Sunita Rajwar sont renversantes, et valent à elles seules le coup de donner sa chance au métrage.

LA NOTE: 3,5/5

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?