Critique de The Shameless (★★★★☆)
18 mai 2024
Présenté dans le cadre de la sélection Un certain regard, le film The Shameless du réalisateur bulgare Konstantin Bojanov faisait partie des œuvres que je me devais de découvrir. En effet, le cinéaste dirige son œuvre au cœur de l’Inde contemporaine pour narrer la relation tumultueuse entre deux femmes brisées, le tout dans le contexte des bordels locaux et de leur misogynie organique.
Les métaphores et allusions sont multiples : du prénom de l’une des héroïnes au contexte politique et religieux d’une Inde qui semble se déchirer.
En effet, le quatuor d’actrices principales est juste phénoménal, aussi bien dans l'illustration de cette relation amoureuse asymétrique que dans le schéma familial toxique dans lequel évolue l’une des protagonistes. A ce titre, Anasuya Sengupta se saisit avec une remarquable intelligence d’un personnage qui avait, sur le papier, tout du cliché ambulant : une femme homosexuelle qui possède en elle tous les stigmats du garçon manqué. Ca aurait pu s’arrêter là et demeurer d’une pauvreté navrante, si ça n’avait pas été pour la performance époustouflante de la comédienne. Son timbre rauque, son regard vif et la physicalité de son jeu m’ont personnellement bluffée. Face à elle, la jeune Omara Shetty incarne avec fragilité une adolescente torturée par son lourd passif et, surtout, par son inextricable destin.
Auroshikha Rey campe quant à elle la mère oppressante de Devika. Elle-même travailleuse du sexe, elle met toute son énergie à entretenir le schéma malsain duquel elle a elle-même été victime. Le personnage n’ayant jamais été autorisé à travailler sur ses traumas, il les a tout bonnement reproduits. En cela, il semble vouloir maintenir ce qu’il estime être une forme de justice.
De son côté, la comédienne Mita Vasisht tient le rôle de la matriarche tiraillée entre ce qu’elle a toujours connu et sa dévorante humanité. On sent en elle une volonté intrinsèque de libérer sa petite-fille du poids de son histoire. L’actrice insuffle une nuance bouleversante à son personnage qui, malgré son intransigeance, demeure profondément attachant de par le dilemme permanent qui l’anime.
Tout d’abord, sa représentation encore caricaturale du lesbianisme, avec cette sempiternelle représentation d’un amour entre deux âges. J’ai d’ailleurs un problème personnel avec la représentation de romances entre une personne de toute évidence mineure et une autre largement majeure. Devika semble être adolescente, tandis que Renuka est présentée comme ayant le double de son âge. Malgré les performances impeccables de ses actrices vedettes, je n’ai hélas pas pu adhérer à ce parti pris infiniment problématique. Effectivement, si la relation d’emprise entre Renuka et Devika est à mes yeux criante, elle n’est jamais fondamentalement déconstruite. Au contraire, on illustre la rencontre entre les deux femmes comme émancipatrice pour l’une et révélatrice pour l’autre.
Si The Shameless illustre sans détour la violence inhérente à de tels milieux, il ne semble pas évoquer le système de réseaux ni la raison de ce fonctionnement clanique, qui détruit la jeune Devika de l’intérieur. J’aurais voulu que le film aille plus loin dans sa démarche. Au risque d’être moins graphique dans ses propositions visuelles, j’aurais apprécié une approche plus psychologique voire anthropologique dans l’illustration de ses personnages et de leur environnement.
Toutefois, je dois reconnaître à Konstantin Bojanov une certaine intelligence du plan, que je trouverais presque facile à certains moments. Clairement, on a affaire à un cinéaste qui connaît son job, mais j’ai tout de même le sentiment qu’il n’a pas pris de véritable risque dans sa mise en scène. C’est maîtrisé, lisible et plutôt pertinent, mais ça ne propose rien de foncièrement novateur.
En conclusion
Les métaphores et allusions sont multiples : du prénom de l’une des héroïnes au contexte politique et religieux d’une Inde qui semble se déchirer.
Le casting de The Shameless constitue sa force majeure, si ce n’est son moteur.
En effet, le quatuor d’actrices principales est juste phénoménal, aussi bien dans l'illustration de cette relation amoureuse asymétrique que dans le schéma familial toxique dans lequel évolue l’une des protagonistes. A ce titre, Anasuya Sengupta se saisit avec une remarquable intelligence d’un personnage qui avait, sur le papier, tout du cliché ambulant : une femme homosexuelle qui possède en elle tous les stigmats du garçon manqué. Ca aurait pu s’arrêter là et demeurer d’une pauvreté navrante, si ça n’avait pas été pour la performance époustouflante de la comédienne. Son timbre rauque, son regard vif et la physicalité de son jeu m’ont personnellement bluffée. Face à elle, la jeune Omara Shetty incarne avec fragilité une adolescente torturée par son lourd passif et, surtout, par son inextricable destin.
Auroshikha Rey campe quant à elle la mère oppressante de Devika. Elle-même travailleuse du sexe, elle met toute son énergie à entretenir le schéma malsain duquel elle a elle-même été victime. Le personnage n’ayant jamais été autorisé à travailler sur ses traumas, il les a tout bonnement reproduits. En cela, il semble vouloir maintenir ce qu’il estime être une forme de justice.
Car si cette femme a dû subir le destin de devenir prostituée, pourquoi sa fille y échapperait-elle ?
De son côté, la comédienne Mita Vasisht tient le rôle de la matriarche tiraillée entre ce qu’elle a toujours connu et sa dévorante humanité. On sent en elle une volonté intrinsèque de libérer sa petite-fille du poids de son histoire. L’actrice insuffle une nuance bouleversante à son personnage qui, malgré son intransigeance, demeure profondément attachant de par le dilemme permanent qui l’anime.
Toutefois, j’ai été dérangée par certains aspects de l'œuvre.
Tout d’abord, sa représentation encore caricaturale du lesbianisme, avec cette sempiternelle représentation d’un amour entre deux âges. J’ai d’ailleurs un problème personnel avec la représentation de romances entre une personne de toute évidence mineure et une autre largement majeure. Devika semble être adolescente, tandis que Renuka est présentée comme ayant le double de son âge. Malgré les performances impeccables de ses actrices vedettes, je n’ai hélas pas pu adhérer à ce parti pris infiniment problématique. Effectivement, si la relation d’emprise entre Renuka et Devika est à mes yeux criante, elle n’est jamais fondamentalement déconstruite. Au contraire, on illustre la rencontre entre les deux femmes comme émancipatrice pour l’une et révélatrice pour l’autre.
De plus, si j’ai trouvé tout le propos autour de la reproduction de schéma intéressante, j’ai cela dit regretté que d’autres points essentiels à la question de la prostitution soient passés sous silence.
Si The Shameless illustre sans détour la violence inhérente à de tels milieux, il ne semble pas évoquer le système de réseaux ni la raison de ce fonctionnement clanique, qui détruit la jeune Devika de l’intérieur. J’aurais voulu que le film aille plus loin dans sa démarche. Au risque d’être moins graphique dans ses propositions visuelles, j’aurais apprécié une approche plus psychologique voire anthropologique dans l’illustration de ses personnages et de leur environnement.
Toutefois, je dois reconnaître à Konstantin Bojanov une certaine intelligence du plan, que je trouverais presque facile à certains moments. Clairement, on a affaire à un cinéaste qui connaît son job, mais j’ai tout de même le sentiment qu’il n’a pas pris de véritable risque dans sa mise en scène. C’est maîtrisé, lisible et plutôt pertinent, mais ça ne propose rien de foncièrement novateur.
En conclusion
Je vous conseille The Shameless essentiellement pour sa distribution d’enfer, porté par quatre femmes de caractère, brillantes de force et de vulnérabilité. Mention spéciale à Mita Vasisht qui, dans un rôle qui s’impose moins à l’écran, affiche une subtilité captivante.
LA NOTE: 3,5/5
Je vous conseille The Shameless essentiellement pour sa distribution d’enfer, porté par quatre femmes de caractère, brillantes de force et de vulnérabilité. Mention spéciale à Mita Vasisht qui, dans un rôle qui s’impose moins à l’écran, affiche une subtilité captivante.
LA NOTE: 3,5/5