Interview : à Cannes avec Preity Zinta.
30 octobre 2024
Présente sur la French Riviera pour présenter l’hommage Pierre Angénieux à son ami et collaborateur de longue date Santosh Sivan, l’immense Preity Zinta nous a fait l’honneur de nous accorder un peu de son précieux temps afin d’échanger sur sa carrière, sur les grands défis de sa vie et sur ses plus belles fiertés…
Preity Zinta : Merci !
PZ: Je suis venue à Cannes il y a longtemps et après, j’ai fait une pause dans ma carrière d’actrice pour investir dans le cricket. J’ai laissé tout ce qui touchait au cinéma derrière moi et j’étais juste très excitée de travailler au service du cricket. Désormais, après toutes ces années, je reprends les tournages et peut-être que les étoiles se sont alignées (rires) et je me retrouve ici ! C’est merveilleux !
Santosh, au-delà d’être mon ami… J’ai un immense respect pour lui, c’est un génie absolu. C’est un plaisir de travailler avec lui, j’ai fait mon premier film avec lui. Mais ce dont je me souviens le concernant c’est qu’un jour, en plein tournage, je suis tombée malade. Vous savez, c’est quand on tournait la chanson “Jiya Jale”. Et lorsque nous tournions cette chanson au Kérala, il ne faisait que pleuvoir. Et c’est venu réveiller des douleurs articulaires affreuses alors qu’on tournait toute la journée. Et Santosh était tellement adorable... Il m’a amené du rasam et beaucoup d’autres choses à manger. Il était juste très soucieux de mon bien-être. Et c’est vraiment un homme fabuleux.
PZ: Nous tournons actuellement Lahore 1947 et c’était un tournage intense. C’est probablement le tournage le plus éprouvant de ma vie. Déjà parce qu’il faisait très chaud… Et comme je continue à travailler pour le cricket, j’ai beaucoup voyagé. Et maintenant, me voilà à Cannes et ça me tenait à cœur d’être à ses côtés. Je suis tellement fière de lui et de voir qu’il est honoré de la sorte sur cette scène. Il vaut toutes les reconnaissances possibles. Aussi, il est un peu fou et atypique ! (rires)
PZ: Exactement, il est excentrique !
PZ: Absolument… Et je dois ajouter que c’est un “génie en 5 minutes” si je puis dire… J’ai travaillé avec beaucoup de gens, mais c’est spécial avec lui. Parce que même tourner des scènes très intenses est un plaisir à ses côtés ! Il est tellement réactif. Sur une scène, il va immédiatement saisir le travail de texture qui lui revient pour mettre en lumière une émotion. Il rend tout plus facile. Et toutes les actrices l’adorent parce qu’il les met magnifiquement en valeur. Il a un regard très sûr… Bref, je suis très heureuse d’être là pour lui.
PZ: Merci ! Le directeur photo, c’est vraiment les yeux d’un film et je suis évidemment heureuse qu’il soit honoré de la sorte.
PZ: Ô merci, c’est adorable.
PZ: À l’époque, je pense que je ne me rendais absolument pas compte. Je me contentais de venir travailler et j’essayais juste de faire plaisir à mon réalisateur. Je crois que je ne réalisais même pas à quel point j’étais chanceuse de travailler avec des cinéastes aussi iconiques ! Ils m’ont traitée comme leur fille, sincèrement. Je n’avais même pas de vision à long terme. Chaque jour était un accomplissement pour moi. Je n’ai pas étudié la comédie, tout était nouveau. Et j’étais juste très enthousiaste car je m’amusais beaucoup. J’étais même bluffée quand je voyais le film à sa sortie parce que je me rendais compte que tel plan avait été tourné d’une certaine manière… Je conscientisais toute la technicité d’un plateau de tournage une fois le film en salles ! (rires)
PZ: Exactement ! Mais s’il y a bien une chose que j’ai comprise dès le départ, c’est que je ne travaillais pas avec un acteur, mais avec un réalisateur. Le metteur en scène est le capitaine du bateau, c’est lui le détenteur de la vision générale du film.
Mais bref, j’avais un regard d’émerveillement sur tout ça, j’étais un peu comme Alice au pays des merveilles… Un jour, sur un de mes tournages, il y avait des toilettes dans une scène et quand j’ai voulu ouvrir le robinet, ça ne fonctionnait pas ! (rires) Jusqu’à ce que le réalisateur me rappelle que c’était factice ! Il y a une autre scène que je tournais avec l’acteur Sunny Deol, dans laquelle nous devions nous marier. Je suis allée voir le prêtre en lui demandant de ne pas prononcer les vrais textes du mariage. Et il m’a regardé en me disant “Excusez-moi, je suis un acteur comme vous.” (rires) À l’époque, je ne connaissais pas tout ça, je viens d’une petite ville. Je ne connaissais personne dans l’industrie, je n’avais pas de mentor ou de mécène. Et avec le recul, je pense que c’était une bonne chose. Puisque parfois, quand tu calcules un peu trop les choses, tu ne profites plus de l’instant. Aujourd’hui, je me sens juste reconnaissante, j’étais été vraiment chanceuse d’être entourée de gens bienveillants qui m’ont guidée dans la bonne direction. La seule chose qu’on attendait de moi, c’était de travailler dur et d’être ponctuelle, et ça m’allait parfaitement ! (rires)
Ce qui pouvait être difficile, c’était le rythme intense des tournages. On pouvait travailler 18 heures dans une journée. Quand tu as 20 ans, tu peux dormir 3 heures par nuit et te sentir en forme ! (rires) Mais avec le temps, ça peut devenir vraiment fatigant.
PZ: C’est mon rôle préféré !
PZ: Merci beaucoup…
PZ: Mon instinct. Aussi, l’histoire devait résonner en moi et faire sens. Parfois, on me proposait des films qu’on me conseillait vivement d’accepter uniquement parce que tel ou tel acteur y tenait le rôle principal. Mais je n’avais pas envie de faire ça. Il faut également savoir que mes amis de l’époque se sont moqués de moi quand ils ont su que j’allais devenir actrice. Ils me disaient “Ah, donc tu vas porter des saree et danser sous la pluie ?” (rires) Quand j’étais jeune, j’étais un garçon manqué. Je faisais du karaté, du basketball, j’avais les cheveux courts… Aucun garçon ne s’intéressait à moi ! J’étais le faire-valoir, les garçons me parlaient pour mieux approcher mes copines qui, elles, étaient jolies ! (rires) Mais pour en revenir à la question, j’avais besoin de comprendre mon personnage. Pour être honnête, cela a pu m’arriver de signer un film parce que j’étais grassement payée, c’est vrai… Mais au fond, je n’ai jamais été à l’aise avec l’idée de n’être qu’une belle plante parce que je n’ai pas grandi de cette façon.
Je me retrouvais davantage dans des personnages complexes, avec du caractère et des imperfections mais qui me ressemblaient bien plus. Ça avait davantage de sens pour moi. Et puis, j’étais trop timide pour ça…
PZ: Non mais si vous voyez ces films où j’ai tenu des rôles très limités, vous verrez que je ne suis pas à l’aise, que j’ai l’air un peu bête. Pour Kya Kehna, je voulais dénoncer l’hypocrisie de notre société, dans laquelle on diabolisait la fille qui tombait enceinte parce qu’elle avait eu l’outrecuidance de coucher, sans jamais blâmer l’homme. En lisant le scénario, je suis entrée en connexion immédiate avec ce personnage et j’avais le sentiment que je devais faire ce film, avec l’espoir de faire bouger quelque peu les mentalités. Et quand des gens du milieu l’ont su, ils m’ont dit que c’était un suicide professionnel, que je ne pouvais pas commencer ma carrière dans un rôle aussi controversé… Mais comme je l’ai dit, je n’ai jamais rien calculé.
PZ: Oui et quand on est jeune, on est plus aventureux, plus audacieux, plus intrépide même. Et en vérité, je me fichais pas mal de ce que les gens pensaient de moi ! (rires) Je ne dirais pas que la nouvelle génération est dans le calcul, mais de nos jours, une débutante a déjà son équipe avec elle. Des conseillers en image, des assistants, des stylistes… À mon époque, il nous fallait 4 ou 5 films pour nous rendre compte de ce qui nous allait vraiment. (rires) Mais ça me rend un peu triste pour cette génération car elle vit à l’époque des réseaux sociaux, où ses moindres faits et gestes sont jugés immédiatement.
C’est comme s’ils n’avaient pas droit à l’erreur et c’est une pression terrible. D’autant que tu fais des bons films de la même manière que tu en fais des mauvais. Tu y mets autant de cœur et d’énergie. Et soyons sincères, c’est très difficile d’avoir du recul. Le seul moment où tu as une vision assez globale du film, c’est à la lecture du scénario. Ceci dit, parfois, c’est ton instinct qui te parle et qui te permet de te projeter dans un rôle. Comme Lahore 1947, que je suis en train de tourner. En lisant le script, je me suis dite que j’étais prête à revenir au cinéma avec ce métrage. Il y a des histoires auxquelles tu veux prendre part, tout simplement. Même si j’avais dû y jouer un ver de terre, je l’aurais fait ! (rires)
PZ: Kal Ho Naa Ho n’est pas un film prétentieux, on ne cherchait pas y sauver le monde. Ça parlait juste des choses simples de la vie, d’une humble famille. Et ce qui est magique avec Kal Ho Naa Ho, c’est qu’il est à la fois l’un des films les plus tragiques mais aussi l’un des plus drôles de ma carrière. Quand j’ai découvert le scénario, j’étais été cueillie ! Quand Karan Johar est venu me le lire, on a ri ensemble, on a pleuré ensemble… Et j’ai vraiment ressenti une connexion presque karmique avec mon personnage, Naina. Elle perd son père, et j’ai perdu le mien également. Je me souviens que je me plaignais à Karan de n’avoir que des scènes dramatiques. Je pleurais, je râlais, je faisais la tête : pourquoi n’avais-je pas droit aux scènes humoristiques également ? (rires) Mais c’était un plaisir de tourner ce film.
Le producteur, Yash Johar - le père de Karan, ndlr - venait de ma ville natale, Shimla. Et il m’a traité comme sa fille. Et c’est durant ce tournage que nous avons appris qu’il souffrait d’un cancer incurable. D’autant que le personnage de Shahrukh mourait également d’un cancer… Bref, tout ce qu’on jouait était d’une façon ou d’une autre lié à ce qu’on vivait vraiment. Et pour Veer Zaara, c’était juste un rêve de travailler avec Monsieur Yash Chopra. C’était un film si important, notamment à propos de l’histoire entre l’Inde et le Pakistan. Et c’était le message de Veer Zaara, en plus d’être la plus belle histoire d’amour qui soit. Quand j’ai signé le rôle, je n’arrêtais pas de danser en criant “J’ai signé un film avec Yash Chopra !” (rires) Je savais qu’être filmée par ce maître de la romance, c’était le sommet pour moi en tant qu’actrice.
PZ: Remercions également mon réalisateur - Nikkhil Addvani, ndlr - car on s’est battus contre Karan pour que je porte ces lunettes ! (rires)
PZ: Ô merci !
PZ: Je crois que j’en avais marre d’être pétillante et mignonne. Je voulais faire d’autres choses. Et j’avais le sentiment d’être enfermée dans une case puisque dès que je verbalisais mon envie de me diriger vers des personnages plus rugueux, on me renvoyait au fait que j’étais une figure commerciale avant tout. Alors, j’ai décidé d’aller dans une direction opposée. Et je savais aussi que j’allais prendre mes distances avec le cinéma puisque je voulais investir dans le cricket.
Et le temps passe, vous savez, je n’ai jamais fréquenté qui que ce soit dans l’industrie du film. Et c’est un rythme tellement intense que je ne voyais pas le temps et les années passer. J’étais lucide sur le fait que j’avais une horloge biologique, que je ne voulais pas passer le reste de ma vie à courir d’un plateau de tournage à un autre. Et je n’oublierais jamais ce que m’a dit une actrice plus âgée alors que nous tournions ensemble. “Ne laisse pas tes cheveux se griser en allant d’un studio à un autre.”
Je ne voulais pas en arriver à la conclusion que j’avais vécu tant de vies sans prendre le temps de vivre la mienne. Je voulais juste dire à toutes les femmes qui liront cette interview, de ne laisser personne vous mettre de côté. Je viens d’une petite ville, je n’avais pas de relation alors si je peux y arriver, vous aussi !
Merci beaucoup, à très bientôt !
Un entretien d’une rare authenticité que nous sommes ravies de partager avec vous dans les pages de Bolly&Co…
Bonjour Preity, quel privilège de me tenir face à vous !
Preity Zinta : Merci !
Vous êtes notamment à Cannes pour présenter le prix Pierre Angénieux à Santosh Sivan, avec lequel vous aviez travaillé à vos débuts dans Dil Se et que vous avez retrouvé sur le tournage de votre prochain film, Lahore 1947. Comment vous sentez-vous, à l’idée de revenir à Cannes et d’honorer votre ami ?
PZ: Je suis venue à Cannes il y a longtemps et après, j’ai fait une pause dans ma carrière d’actrice pour investir dans le cricket. J’ai laissé tout ce qui touchait au cinéma derrière moi et j’étais juste très excitée de travailler au service du cricket. Désormais, après toutes ces années, je reprends les tournages et peut-être que les étoiles se sont alignées (rires) et je me retrouve ici ! C’est merveilleux !
Santosh, au-delà d’être mon ami… J’ai un immense respect pour lui, c’est un génie absolu. C’est un plaisir de travailler avec lui, j’ai fait mon premier film avec lui. Mais ce dont je me souviens le concernant c’est qu’un jour, en plein tournage, je suis tombée malade. Vous savez, c’est quand on tournait la chanson “Jiya Jale”. Et lorsque nous tournions cette chanson au Kérala, il ne faisait que pleuvoir. Et c’est venu réveiller des douleurs articulaires affreuses alors qu’on tournait toute la journée. Et Santosh était tellement adorable... Il m’a amené du rasam et beaucoup d’autres choses à manger. Il était juste très soucieux de mon bien-être. Et c’est vraiment un homme fabuleux.
PZ: Nous tournons actuellement Lahore 1947 et c’était un tournage intense. C’est probablement le tournage le plus éprouvant de ma vie. Déjà parce qu’il faisait très chaud… Et comme je continue à travailler pour le cricket, j’ai beaucoup voyagé. Et maintenant, me voilà à Cannes et ça me tenait à cœur d’être à ses côtés. Je suis tellement fière de lui et de voir qu’il est honoré de la sorte sur cette scène. Il vaut toutes les reconnaissances possibles. Aussi, il est un peu fou et atypique ! (rires)
Effectivement, on l’a rencontré il y a quelques heures et on a remarqué son côté excentrique et artistique !
PZ: Exactement, il est excentrique !
Oui et c’est fascinant car cela se ressent aussi bien dans son travail de réalisateur que de directeur photo !
PZ: Absolument… Et je dois ajouter que c’est un “génie en 5 minutes” si je puis dire… J’ai travaillé avec beaucoup de gens, mais c’est spécial avec lui. Parce que même tourner des scènes très intenses est un plaisir à ses côtés ! Il est tellement réactif. Sur une scène, il va immédiatement saisir le travail de texture qui lui revient pour mettre en lumière une émotion. Il rend tout plus facile. Et toutes les actrices l’adorent parce qu’il les met magnifiquement en valeur. Il a un regard très sûr… Bref, je suis très heureuse d’être là pour lui.
C’est vrai qu’il a ce don pour capturer la beauté naturelle… Je ne peux vous oublier dans la séquence “Jiya Jale”, dans laquelle vous êtes envoûtante.
PZ: Merci ! Le directeur photo, c’est vraiment les yeux d’un film et je suis évidemment heureuse qu’il soit honoré de la sorte.
Vous êtes incontestablement l’une des plus grandes stars de Bollywood. Je suis personnellement une très grande fan…
PZ: Ô merci, c’est adorable.
C’est un tel honneur d’avoir ce petit moment avec vous… Comme je l’ai dit, vous avez commencé votre carrière en 1998 avec les films Soldier et Dil Se. Jouer dans ces métrages devenus cultes dès vos débuts est particulièrement impressionnant. Quel était votre sentiment à l’époque ? Et avec le recul, quel regard portez-vous sur ces films ?
PZ: À l’époque, je pense que je ne me rendais absolument pas compte. Je me contentais de venir travailler et j’essayais juste de faire plaisir à mon réalisateur. Je crois que je ne réalisais même pas à quel point j’étais chanceuse de travailler avec des cinéastes aussi iconiques ! Ils m’ont traitée comme leur fille, sincèrement. Je n’avais même pas de vision à long terme. Chaque jour était un accomplissement pour moi. Je n’ai pas étudié la comédie, tout était nouveau. Et j’étais juste très enthousiaste car je m’amusais beaucoup. J’étais même bluffée quand je voyais le film à sa sortie parce que je me rendais compte que tel plan avait été tourné d’une certaine manière… Je conscientisais toute la technicité d’un plateau de tournage une fois le film en salles ! (rires)
Vous vous êtes rendues compte de la manière dont la mécanique d’un film fonctionnait, c’est ça ?
PZ: Exactement ! Mais s’il y a bien une chose que j’ai comprise dès le départ, c’est que je ne travaillais pas avec un acteur, mais avec un réalisateur. Le metteur en scène est le capitaine du bateau, c’est lui le détenteur de la vision générale du film.
Mais bref, j’avais un regard d’émerveillement sur tout ça, j’étais un peu comme Alice au pays des merveilles… Un jour, sur un de mes tournages, il y avait des toilettes dans une scène et quand j’ai voulu ouvrir le robinet, ça ne fonctionnait pas ! (rires) Jusqu’à ce que le réalisateur me rappelle que c’était factice ! Il y a une autre scène que je tournais avec l’acteur Sunny Deol, dans laquelle nous devions nous marier. Je suis allée voir le prêtre en lui demandant de ne pas prononcer les vrais textes du mariage. Et il m’a regardé en me disant “Excusez-moi, je suis un acteur comme vous.” (rires) À l’époque, je ne connaissais pas tout ça, je viens d’une petite ville. Je ne connaissais personne dans l’industrie, je n’avais pas de mentor ou de mécène. Et avec le recul, je pense que c’était une bonne chose. Puisque parfois, quand tu calcules un peu trop les choses, tu ne profites plus de l’instant. Aujourd’hui, je me sens juste reconnaissante, j’étais été vraiment chanceuse d’être entourée de gens bienveillants qui m’ont guidée dans la bonne direction. La seule chose qu’on attendait de moi, c’était de travailler dur et d’être ponctuelle, et ça m’allait parfaitement ! (rires)
Ce qui pouvait être difficile, c’était le rythme intense des tournages. On pouvait travailler 18 heures dans une journée. Quand tu as 20 ans, tu peux dormir 3 heures par nuit et te sentir en forme ! (rires) Mais avec le temps, ça peut devenir vraiment fatigant.
Très tôt dans votre carrière, vous avez incarné des rôles divers et nuancés qui m’ont beaucoup impressionnée en tant que spectatrice. Vous avez incarné une adolescente enceinte dans Kya Kehna, une travailleuse du sexe dans Chori Chori Chupke Chupke ou encore un rôle de méchante dans Armaan.
PZ: C’est mon rôle préféré !
Je vous y ai trouvé fantastique !
PZ: Merci beaucoup…
Mais au juste, quelle était votre ligne directrice lorsque vous choisissiez un film plutôt qu’un autre ?
PZ: Mon instinct. Aussi, l’histoire devait résonner en moi et faire sens. Parfois, on me proposait des films qu’on me conseillait vivement d’accepter uniquement parce que tel ou tel acteur y tenait le rôle principal. Mais je n’avais pas envie de faire ça. Il faut également savoir que mes amis de l’époque se sont moqués de moi quand ils ont su que j’allais devenir actrice. Ils me disaient “Ah, donc tu vas porter des saree et danser sous la pluie ?” (rires) Quand j’étais jeune, j’étais un garçon manqué. Je faisais du karaté, du basketball, j’avais les cheveux courts… Aucun garçon ne s’intéressait à moi ! J’étais le faire-valoir, les garçons me parlaient pour mieux approcher mes copines qui, elles, étaient jolies ! (rires) Mais pour en revenir à la question, j’avais besoin de comprendre mon personnage. Pour être honnête, cela a pu m’arriver de signer un film parce que j’étais grassement payée, c’est vrai… Mais au fond, je n’ai jamais été à l’aise avec l’idée de n’être qu’une belle plante parce que je n’ai pas grandi de cette façon.
Je me retrouvais davantage dans des personnages complexes, avec du caractère et des imperfections mais qui me ressemblaient bien plus. Ça avait davantage de sens pour moi. Et puis, j’étais trop timide pour ça…
Mais vous êtes magnifique, enfin !
PZ: Non mais si vous voyez ces films où j’ai tenu des rôles très limités, vous verrez que je ne suis pas à l’aise, que j’ai l’air un peu bête. Pour Kya Kehna, je voulais dénoncer l’hypocrisie de notre société, dans laquelle on diabolisait la fille qui tombait enceinte parce qu’elle avait eu l’outrecuidance de coucher, sans jamais blâmer l’homme. En lisant le scénario, je suis entrée en connexion immédiate avec ce personnage et j’avais le sentiment que je devais faire ce film, avec l’espoir de faire bouger quelque peu les mentalités. Et quand des gens du milieu l’ont su, ils m’ont dit que c’était un suicide professionnel, que je ne pouvais pas commencer ma carrière dans un rôle aussi controversé… Mais comme je l’ai dit, je n’ai jamais rien calculé.
Ça vous semblait tout simplement juste de jouer dans ce film, c’est ça ?
PZ: Oui et quand on est jeune, on est plus aventureux, plus audacieux, plus intrépide même. Et en vérité, je me fichais pas mal de ce que les gens pensaient de moi ! (rires) Je ne dirais pas que la nouvelle génération est dans le calcul, mais de nos jours, une débutante a déjà son équipe avec elle. Des conseillers en image, des assistants, des stylistes… À mon époque, il nous fallait 4 ou 5 films pour nous rendre compte de ce qui nous allait vraiment. (rires) Mais ça me rend un peu triste pour cette génération car elle vit à l’époque des réseaux sociaux, où ses moindres faits et gestes sont jugés immédiatement.
C’est comme s’ils n’avaient pas droit à l’erreur et c’est une pression terrible. D’autant que tu fais des bons films de la même manière que tu en fais des mauvais. Tu y mets autant de cœur et d’énergie. Et soyons sincères, c’est très difficile d’avoir du recul. Le seul moment où tu as une vision assez globale du film, c’est à la lecture du scénario. Ceci dit, parfois, c’est ton instinct qui te parle et qui te permet de te projeter dans un rôle. Comme Lahore 1947, que je suis en train de tourner. En lisant le script, je me suis dite que j’étais prête à revenir au cinéma avec ce métrage. Il y a des histoires auxquelles tu veux prendre part, tout simplement. Même si j’avais dû y jouer un ver de terre, je l’aurais fait ! (rires)
Et nous sommes tellement ravis que vous ayez pris cette décision ! D’ailleurs, vous avez joué dans plusieurs films devenus incontournables comme Kal Ho Naa Ho et Veer Zaara, qui sont encore très populaires aujourd’hui, notamment auprès du public français. Comment oublier la première française de Veer Zaara en 2006 au Grand Rex à Paris, où vous nous aviez fait le plaisir de votre présence aux côtés de Shahrukh Khan et de Rani Mukerji ? Selon vous, en quoi ces deux films sont-ils toujours aussi pertinents aujourd’hui et ce à travers le monde ?
PZ: Kal Ho Naa Ho n’est pas un film prétentieux, on ne cherchait pas y sauver le monde. Ça parlait juste des choses simples de la vie, d’une humble famille. Et ce qui est magique avec Kal Ho Naa Ho, c’est qu’il est à la fois l’un des films les plus tragiques mais aussi l’un des plus drôles de ma carrière. Quand j’ai découvert le scénario, j’étais été cueillie ! Quand Karan Johar est venu me le lire, on a ri ensemble, on a pleuré ensemble… Et j’ai vraiment ressenti une connexion presque karmique avec mon personnage, Naina. Elle perd son père, et j’ai perdu le mien également. Je me souviens que je me plaignais à Karan de n’avoir que des scènes dramatiques. Je pleurais, je râlais, je faisais la tête : pourquoi n’avais-je pas droit aux scènes humoristiques également ? (rires) Mais c’était un plaisir de tourner ce film.
Le producteur, Yash Johar - le père de Karan, ndlr - venait de ma ville natale, Shimla. Et il m’a traité comme sa fille. Et c’est durant ce tournage que nous avons appris qu’il souffrait d’un cancer incurable. D’autant que le personnage de Shahrukh mourait également d’un cancer… Bref, tout ce qu’on jouait était d’une façon ou d’une autre lié à ce qu’on vivait vraiment. Et pour Veer Zaara, c’était juste un rêve de travailler avec Monsieur Yash Chopra. C’était un film si important, notamment à propos de l’histoire entre l’Inde et le Pakistan. Et c’était le message de Veer Zaara, en plus d’être la plus belle histoire d’amour qui soit. Quand j’ai signé le rôle, je n’arrêtais pas de danser en criant “J’ai signé un film avec Yash Chopra !” (rires) Je savais qu’être filmée par ce maître de la romance, c’était le sommet pour moi en tant qu’actrice.
Il faut que je vous dise à quel point grâce à votre rôle dans Kal Ho Naa Ho, toutes les jeunes filles à lunettes un peu mal dans leur peau se sont reconnues et se sont senties estimées. Alors merci pour ça.
PZ: Remercions également mon réalisateur - Nikkhil Addvani, ndlr - car on s’est battus contre Karan pour que je porte ces lunettes ! (rires)
Après cela, nous n’avez pas arrêté de tourner... Je profite également de cette occasion pour vous dire à quel point j’adore votre performance dans Jhoom Barabar Jhoom, et je ne comprends toujours pas pourquoi ce film est si sous-coté !
PZ: Ô merci !
Vous vous êtes également tournée vers un cinéma plus expérimental avec The Last Lear et Videsh - Heaven on Earth. Quelle était votre motivation à aller vers ce genre de métrages plus confidentiels ?
PZ: Je crois que j’en avais marre d’être pétillante et mignonne. Je voulais faire d’autres choses. Et j’avais le sentiment d’être enfermée dans une case puisque dès que je verbalisais mon envie de me diriger vers des personnages plus rugueux, on me renvoyait au fait que j’étais une figure commerciale avant tout. Alors, j’ai décidé d’aller dans une direction opposée. Et je savais aussi que j’allais prendre mes distances avec le cinéma puisque je voulais investir dans le cricket.
Et le temps passe, vous savez, je n’ai jamais fréquenté qui que ce soit dans l’industrie du film. Et c’est un rythme tellement intense que je ne voyais pas le temps et les années passer. J’étais lucide sur le fait que j’avais une horloge biologique, que je ne voulais pas passer le reste de ma vie à courir d’un plateau de tournage à un autre. Et je n’oublierais jamais ce que m’a dit une actrice plus âgée alors que nous tournions ensemble. “Ne laisse pas tes cheveux se griser en allant d’un studio à un autre.”
Je ne voulais pas en arriver à la conclusion que j’avais vécu tant de vies sans prendre le temps de vivre la mienne. Je voulais juste dire à toutes les femmes qui liront cette interview, de ne laisser personne vous mettre de côté. Je viens d’une petite ville, je n’avais pas de relation alors si je peux y arriver, vous aussi !
Merci infiniment Preity, pour ce moment !
Merci beaucoup, à très bientôt !
Sources :
Photographie de Preity Zinta par Pauline Maillet,
prise lors de la soirée hommage pierre angenieux en hommage a santosh sivan en mai 2024.
Photographie de Preity Zinta par Pauline Maillet,
prise lors de la soirée hommage pierre angenieux en hommage a santosh sivan en mai 2024.