Bolly&co Magazine

Pourquoi Salman Khan est-il menacé de mort ?

23 octobre 2024
Salman Khan menace Lawrence Bishnoi bollywood procès tribunal
Comme de nombreux passionnés du cinéma indien, j’avais conscience que l’image de Salman Khan n'était pas parfaite. Entre des histoires de braconnage à la fin des années 2000 et ses accès de violences envers son ex-compagne Aishwarya Rai, en passant par l’affaire de délit de fuite en 2002, il faut dire que le Bad Boy de Bollywood a passé de nombreuses années à tenter de redorer son image. Aujourd’hui véritable philanthrope, la fondation Being Human (qu’il a créé avec ses propres fonds) a pour but d’aider les plus défavorisés dans le domaine de l’éducation et de la santé. Même les bénéfices de sa boite de production sont reversés à sa fondation et aux différentes actions déployées à travers le pays. Bref, c’était visiblement devenu un gars bien dont la carrière était au top. Avec des films comme Dabbang (2010), Bajrangi Bhaijaan (2015) ou encore Sultan (2016), rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Par conséquent, à part questionner ses choix cinématographiques récents, je ne me suis jamais penchée sur son passif compliqué. Tout le monde a le droit à une seconde chance, n’est-ce pas ?

Pourtant, voilà plusieurs années qu’un gangster du nom de Lawrence Bishnoi s’acharne sur l’acteur. A travers les médias, il n’hésite pas à répéter haut et fort qu’un jour ou l’autre, il tuera Salman Khan. Que c’est le but ultime de sa vie. Mais ce jeune homme d'à peine 30 ans veut-il simplement faire le buzz, et ce alors qu’il est déjà derrière les barreaux ? Ou bien cela cache-t-il un véritable ressentiment ? Et si, au final, cette haine était le résultat d’une justice jamais appliquée et d’une génération qui en a marre des célébrités qui s’en sortent quel que soit leur crime ? Ce qui est certain, c’est que l’assassinat récent de l’ancien politicien Baba Siddique, grand ami de Sallu, confirme de façon bouleversante à quel point ces menaces sont à prendre au sérieux.

Comment Salman Khan s’est-il retrouvé être la cible principale d’un des gangsters les plus actifs du pays ?



1998. Le chasseur qui se trouva chassé.

En 1998, l’acteur Salman Khan est en plein tournage du film Hum Saath Saath Hain, réalisé par Sooraj Barjatya. Pour le clip musical “Mhare Hiwade Mein Naache Mor” et certaines scènes complémentaires du métrage, l’équipe se rend à Jodhpur, dans l’Etat du Rajasthan. Le soir du 26 septembre ; les acteurs Salman Khan, Satish Shah, Sonali Bendre, Saif Ali Khan, Tabu et Neelam Kothari embarquent dans une jeep accompagnée du guide local Dushyant Singh et du chauffeur Harish Dulani. Le tout pour une expédition de chasse nocturne à la recherche de chinkara, des petites gazelles au pelage doré. Il s’agit d’une espèce menacée qui vit dans les zones désertiques de l’Inde et qui est souvent la cible des braconniers pour son gibier.

Selon le témoignage du conducteur de la jeep1, Salman Khan aurait abattu de sang-froid deux bêtes près des villages de Mathania et de Bhawad. Ils auraient ensuite ramené les carcasses à son hôtel pour les manger avec ses amis. Les jours suivants, le groupe serait sorti à plusieurs reprises afin de reprendre la chasse. Dans la nuit du 1er au 2 octobre 1998, ils se sont rendus sur les terres de Gudda-Bishnoiya, notamment jusqu’au village de Kankani qui se trouve plus au sud de Jodhpur. Là, Salman Khan aurait repéré un troupeau d'antilopes et en aurait tué deux. Une autre espèce protégée par la loi et surtout par une communauté : celle des Bishnoï2. Cette caste d’agriculteurs aurait rapidement été alertée par les coups de fusils et aurait poursuivi la jeep et ceux qui s’y trouvaient. Pour eux, les antilopes sont une réincarnation de leur Gourou. La communauté vit en harmonie avec la nature et prône la non-violence. Ses membres n’ont d’ailleurs pas peur de confronter les braconniers, et ce quitte à y laisser leur vie. C’est ce qui se produira en 2000, lorsque Shri Ganga Ram se fera tirer dessus alors qu’il tentait de protéger une gazelle.

Sans surprise, le lendemain des faits, plusieurs membres de la communauté portent plainte contre Salman Khan et ses compagnons. Harish Dulani prévient également le département forestier de Jodhpur sur les différentes expéditions de chasse de la bande. Son témoignage permettra à Lalit Kumar Bora, conservateur adjoint des forêts, de déposer trois plaintes distinctes (concernant les chasses illégales du 26 septembre, du 28 septembre et du 1er octobre) contre Salman Khan vis-à-vis de l’Article 9 et l’Article 51 de la loi sur la Vie Sauvage3 (Wildlife Protection Act). Qu’est-ce que ça veut dire ? L’article 94 concerne l’interdiction à la chasse des espèces protégées, comme l’antilope indienne et la gazelle chinkara. L’article 515 rappelle quant à lui les différentes pénalités encourues dans le cadre d’actions illégales envers la faune et la flore, notamment si celle-ci est sous protection. Cela peut résulter en l’annulation d’un permis de conduire ou d’une licence d’armes, ainsi qu’une peine d’emprisonnement pouvant aller de 3 à 7 ans.

Au regard des charges d’accusation qui pèsent contre lui, Salman Khan est placé en garde à vue le 12 octobre 1998, et une procédure d’enquête commence. Une première autopsie sur les antilopes annonce des morts naturelles : l’un d’une blessure des suites d’un saut, l’autre d’une suralimentation. Faute de preuve, Salman est relâché après 5 jours et retourne à Mumbai. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais les Bishnoïs ne comptent pas laisser passer cette offense.

Il faudra attendre des manifestations de la part des habitants et un regain d’intérêt d’ordre politique pour exhumer les animaux et confirmer qu’il s’agissait réellement de morts par balle - et donc faisant suite au braconnage. Cela amènera la police à formuler une nouvelle plainte contre Salman Khan le 28 juillet 20006 concernant le port illégal d’armes lors du tournage de Hum Saath Saath Hain. Il semblerait que l’acteur ait utilisé un revolver dont le permis avait expiré, ce qui constitue un enfreint vis-à-vis de la loi relative aux armes (Arm Act).

Il y a donc 4 charges d’accusation contre Salman Khan, dont l’investigation par le tribunal de Jodhpur prendra de longues années. Malgré les tentatives de l’avocat de l’acteur, il y aura bien 4 procès distincts pour chacune de ces affaires.

Salman Khan procès 1998
Salman Khan en 1998 auprès du département Forestier de Jodhpur, youtube : @FilmmyChakkar.
2006 : Premières condamnations, aucune conséquence.

Le 17 février 2006, Salman Khan fait face à sa première condamnation7 par le tribunal de Jodhpur. Un an de prison et une amende de 5000 roupies pour avoir abattu des gazelles près de Jodhpur dans la nuit du 26 septembre 1998. Les autres accusés sont acquittés, faute de preuve. Salman fait appel et la sentence est suspendue en mars 2006.

Le 10 avril 2006, l’acteur est condamné à 5 ans de prison ainsi qu’à une amende de 25 000 roupies pour la chasse à la gazelle et à l’antilope dans la nuit du 28 septembre 1998. Le tribunal émettra un mandat d'arrêt contre l'acteur, qui ne s'était pas présenté le jour du verdict et lui accordera tout de même la possibilité d’être libéré sous caution. Celui-ci fera traîner le procès jusqu’au 24 août 2007, soit plus d’un an après. Sa demande d’appel sera refusée, et il sera dans l’obligation de se rendre au tribunal le 26 août avant d’être envoyé à la prison de Jodhpur.

A noter que les autres accusés concernés par la nuit du 28 septembre ont tous été acquittés - il ne s’agissait pas des costars précitées de Salman Khan, mais de Dushyant Singh, Dinesh Gawre, Pratap Singh, Om Singh et Tulaji Angre qui ont été libérés par bénéfice du doute. Même Gordhan Singh est parvenu à faire appel et à être libéré de toute charge alors qu’il avait préalablement été condamné sous l’article 51, comme Salman Khan. Ces sentences ont permis à l’équipe juridique de Salman Khan de réitérer une demande d’appel auprès de la Haute Cour du Rajasthan qui, cette fois, sera acceptée. L’acteur sera libéré sous caution le 31 août 2007.

Salman Khan sortie de prison 2007
Salman Khan le 31 août 2007 lors de sa sortie de prison à Jodhpur, source : Alamy.
2016 : Un Salman Khan dans l’évitement.

En 2016, la Haute Cour du Rajasthan a acquitté Salman dans les deux affaires de braconnage pour lesquelles il a été condamné par le tribunal de première instance de Jodhpur (en février 2006 et avril 2006).

L’avocat principal de Salman Khan, Mahesh Bora, défend celui-ci en déclarant que Salman n’a jamais participé à une chasse à l’antilope et qu’il était simplement au mauvais endroit, au mauvais moment. Et c’est cette raison qui aurait engendré toutes les rumeurs qui ont suivi. Il affirme également que le témoignage d’Harish Dulani ne serait pas valide. Celui-ci avait fait une première déclaration à la cour en 2002 avant de disparaître. Par conséquent, il n’y a jamais eu de contre-interrogatoire. De même, il a prouvé que toutes les rumeurs concernant des menaces et des coups de pression contre le témoin sont infondées8. Enfin, il n’y a aucune preuve qui lie les armes de Salman Khan avec les braconnages dont il est accusé. Cependant, le tribunal de Jodhpur n’est pas d’accord avec ce résultat, et fera lui-même appel auprès de la Haute Cour du Rajasthan afin de reconsidérer l’affaire.

Un an plus tard, les accusations concernant le port illégal d'armes sont également écartées9. Selon la Cour de Jodhpur, la prosécution n’est pas parvenue à prouver que les permis de l’acteur n'étaient pas à jour et/ou étaient utilisés dans le cadre du braconnage.

Mais il reste encore un procès, celui concernant les deux antilopes abattues dans la nuit du 1er octobre 1998. Le juge du district demandera la présence au tribunal de Salman Khan, mais aussi de Saif Ali Khan, Tabu, Neelam Kothari et Sonali Bendre afin d’entendre de nouveau leur témoignage sur les faits. Le 5 avril 2018, ils seront tous libérés faute de preuve, sauf Salman Khan qui sera de nouveau condamné à 5 ans de prison et à une amende 10 000 roupies10. Il sera immédiatement conduit à la prison centrale de Jodhpur, mais sera libéré deux jours plus tard sous caution. Sans surprise, il fait appel et le procès reprendra en mai 2018. Depuis, ça traîne. L’acteur ne fera aucune apparition au tribunal en raison de son agenda de tournage compliqué et de menaces de mort sur sa personne. Même la pandémie décale les audiences prévues.

En mars 2022, Salman Khan demande à la Haute Cour du Rajasthan que toutes les demandes d’appels liées aux accusations de braconnage soient examinées ensemble, et non séparément11. Sa requête est cette fois acceptée. En d’autres termes, c’est loin d’être terminé, ce qui n’empêche pas l’acteur d'enchaîner les tournages et les projets. Il est toujours en liberté sous caution, ce qui pourrait changer du jour au lendemain si la cour en décide autrement. En reliant cette fois toutes les demandes, cela permettrait d’obtenir enfin un verdict final sur cette affaire qui dure depuis 1998…

Salman Khan procès 2018
Arrivé devant un tribunal de Jodhapur, dans l'État occidental du Rajasthan, en Inde, le 5 avril 2018, source : Reuters.
1993 : un gangster est né.

Lawrence Bishnoi n’a que 5 ans lorsque Salman Khan est arrêté pour la première fois, inculpé de braconnage à plusieurs reprises entre les nuits du 26 septembre et du 1er octobre. Membre de la communauté des Bishnoïs, il aurait gardé un profond traumatisme de cet incident qui, de nombreuses années plus tard, le conduira à devenir l’un des gangsters les plus redoutables du pays et surtout, l’ennemi public numéro 1 de l’acteur Salman Khan.

Il est important de noter que contrairement à ce que l’on peut s’imaginer, la communauté des Bishnoïs n’est pas une communauté pauvre. Elle compte aujourd’hui pas moins de 1,5 millions de membres actifs. Il y a parmi eux des gens aisés, comme des avocats ou des ministres. C’est le cas de Lawrence, dont les parents sont plutôt aisés et loin du besoin12. Aussi, il faut souligner que l’enseignement de la communauté est radicalement pacifiste si l’on en croit les écrits de leur gourou, Shri Jambheshwar. Leur façon de vivre est simpliste et basée sur l’idée de ne nuire à aucune forme de vie : qu’elle soit humaine, animale ou naturelle. L’un des faits les plus marquants de leur histoire reste le massacre de Khejarli de 1730, lorsqu’Amrita Devi et ses trois filles ont décidé de protester contre le Maharaja qui voulait couper des arbres sacrés13. Ce mouvement a inspiré d’autres villageois de la communauté, et plus de 300 personnes sont mortes.

Pourtant, Lawrence Bishnoi a dévié de cette trajectoire très vite lorsqu’il est entré dans le monde du crime organisé. Ses actions seraient un moyen de préserver son héritage, mais sont en total paradoxe avec la façon de penser des Bishnoïs.

Dès 2010, le jeune homme de 17 ans doit déjà faire face à de nombreuses inculpations pour tentative de meurtre, intrusion, vol et agression. Lorsqu’il devient président du bureau des étudiants à l’université de Panjab quelques années plus tard, il est impliqué dans plusieurs conflits étudiants et politiques14. Ces aller-retours au poste de police lui permettent de rentrer en contact avec de nombreux criminels notoires, notamment un certain Goldy Brar qui deviendra plus tard l’un de ses associés principaux15.

Sans surprise, Lawrence Bishnoi se retrouve derrière les barreaux en 2015 face à de nombreux chefs d’accusations et sera souvent transféré d’un établissement à l’autre en raison de ses connexions et de sa capacité à “diriger” tout un gang, et ce même enfermé. Il est d’ailleurs considéré comme un malfrat d’extrême-droite, qui joue sur son image de “révolutionnaire” pour justifier ses mauvaises actions. En se revendiquant comme une incarnation du Dieu Ram, il se dépeint comme l’hindou idéal face à un Salman Khan qui lui, est le musulman problématique à éradiquer.

Lawrence Bishnoi 2017
Lawrence Bishnoi en 2017, auprès de la police de Jodhpur, youtube : @RajasthanPatrikaTV
2018 : les premières menaces, le grand buzz.

Alors qu’il séjourne à la prison de Bharatpur, Lawrence Bishnoi menace de mort Salman Khan quelques jours après que celui-ci se soit rendu à la cour de Jodhpur. Lawrence fait face à plus d’une vingtaine d’accusations pour tentative de meurtre, détournement, vol de voiture, extorsion, enlèvement et même de port illégal d’arme16. Lorsqu’il doit se rendre lui-même à la cour, il profite de la présence des médias pour annoncer : « Salman Khan sera tué ici, à Jodhpur. Il découvrira alors qui nous sommes vraiment. » Il n’hésitera pas à confirmer plus tard : « Maintenant, si la police veut que je commette un crime majeur, je tuerai Salman Khan et je le ferai à Jodhpur ».

Nous sommes alors en janvier 2018 et c’est cette année-là que le procès concernant l’affaire de braconnage sur les deux antilopes est entendu au tribunal de Jodhpur. Salman Khan sera condamné en avril, mais sortira très vite de prison. Quelques mois plus tard, les forces spéciales de l’Haryana arrêtent un certain Sampat Nehra, qui était logé dans un appartement au nom de Lawrence Bishnoi17.

Selon l’enquête, Sampat aurait été missionné pour assassiner Salman à son domicile, dans le quartier de Bandra. Il aurait débuté ses recherches dès le mois de mai afin de trouver la bonne distance pour exécuter Salman lorsqu’il sort sur son balcon afin de saluer ses fans. Il a rencontré Lawrence à la prison de Patiala en 2016, quand il a été impliqué dans une affaire de vol de voiture18.

C’est donc officiel, Lawrence Bishnoi ne blague pas. A seulement 25 ans, il gagne en “popularité” et est pris au sérieux par de nombreux criminels, qui semblent tout à fait prêts à lui fournir de l’aide dans sa volonté de punir Salman pour ses crimes passés.

Lawrence Bishnoi arrestation en décembre 2017
Lawrence Bishnoi conduit au tribunal de Tehsil à Dera Bassi, source : the tribune.
2022 : les choses s'accélèrent.

Le 5 juin 2022, alors qu’il fait sa promenade matinale habituelle, le père de Salman Khan, Salim, découvre une lettre de menace posée sur un banc sur lequel il se repose souvent. Un mois plus tard, l’avocat de son fils, Hastimal Saraswat, admet lui-même avoir reçu un courriel similaire, des semaines avant l’aveu de Lawrence Bishnoi sur l’assassinat du chanteur Sidhu Moosewala19. Dans cette lettre, il était écrit “Les amis de mon ennemi, sont mes ennemis. Nous n'épargnons personne, pas même les membres de votre famille. Vous finirez tous bientôt comme Moose Wala.”, a révélé la police de Delhi20. Le gangster admettra par la suite que son clan ne pardonnera jamais Salman Khan à moins que celui-ci ne présente des excuses publiques dans un temple Bishnoï.

Pour rappel, le chanteur et rappeur Sidhu Moose Wala a été assassiné dans sa voiture le 29 mai 2022, à seulement 28 ans. Le clan de Lawrence Bishnoi aurait revendiqué l’attaque sur Facebook et la police a confirmé par la suite son implication dans la mise en place de l’attaque. Le gangster était incarcéré à la prison de Tihar au moment des faits, avec plus de 65 charges contre lui en 202221. Il aurait déjà réussi à s'échapper une fois, et son réseau s’étend désormais à plus de 7 régions : du Pendjab à l’Haryana en passant par le Rajasthan, Chandigarh, Delhi, le Maharashtra ou encore l’Himachal Pradesh. Plus de 1000 personnes sont associées au gang, qui gagnerait de l’argent principalement via des enlèvements, des meurtres et des extorsions de fonds.

Un an plus tard, les menaces se multiplient. Lawrence Bishnoi réitère son ambition de tuer Salman Khan aux médias lors d’une interview illégale en prison et affirme que c’est sa destinée. Le gangster Goldie Brar et allié de Lawrence révèle à son tour dans une interview exclusive avec India Today (alors qu’il est en fuite au Canada) que Salman Khan est bien sur sa hit list : “Nous le tuerons, c’est certain, nous le tuerons. Bhaisaheb (Lawrence Bishnoi, ndlr) a déclaré qu'il ne s'excusera pas. Baba ne fera preuve de miséricorde que lorsqu'il se sentira miséricordieux22.

Quelques jours plus tard, un email de menace est envoyé à Jordy Patel, l’assistant de l’acteur23. « Goldy Brar veut parler à votre patron (Salman Khan, ndlr). Il a dû voir l’interview (de Lawrence, ndlr), et s’il ne l’a pas vu, alors faites-la-lui regarder. S’il veut que l’affaire soit close, alors laissez-le parler. S’il veut parler en face à face, faites-le nous savoir. Cette fois, nous vous avons informé à temps. La prochaine fois, vous ne serez que choqué ».

Une nouvelle plainte est déposée contre les gangsters impliqués, mais c’est loin d’être terminé. Un certain Rocky Bhai prévient les forces de police de Mumbai qu’il tuera l’acteur le 30 avril24. Cependant, il s’agissait d’une fausse alerte et d’une mauvaise blague d’un jeune homme d'à peine 16 ans, originaire de Jodhpur, influencé par les revendications du gang. Un moyen comme un autre d'installer la confusion et une peur régulière à l’acteur, dont les menaces à son encontre vont s'intensifier. Mais cet incident démontre aussi la capacité de Lawrence Bishnoi à toucher une plus jeune génération, qui semble prête à le suivre dans toutes les folies...

2023, source : The Economic Times.
2024 : 26 ans de pure haine.

En janvier 2024, deux individus tentent de pénétrer la ferme de Salman Khan qui se situe à Panvel25. Selon la police, Lawrence Bishnoi et le criminel Sampat Nehra auraient réquisitionné plus de 70 personnes afin de surveiller chaque mouvement de l’acteur dans le but d’obtenir des informations sur son appartement à Bandra, sa ferme et ses lieux de tournage. Quelques mois plus tard, deux autres membres du gang tirent ouvertement sur l’appartement de l’acteur un dimanche matin. Aucun mort ou blessé n’est à déclarer, mais l’attaque est revendiquée par Anmol Bishnoi, le frère de Lawrence26. C’est, selon ses propos, “le premier et dernier avertissement” pour l’acteur.

En juin de la même année, la police de Panvel arrête 4 individus qui avaient pour objectif de coincer Salman sur la route en direction de sa ferme, et de lui tirer dessus une bonne fois pour toute27. Selon les témoignages, il s’agit encore d’une tentative orchestrée par Lawrence Bishnoi et Goldie Brar.

Le 2 septembre 2024, le gang décide de s’en prendre au chanteur AP Dhillon devant sa maison à Vancouver, au Canada28. Une vidéo de l’attaque est publiée sur les réseaux, et menace le chanteur lui rappelant de “rester à sa place”. La raison ? Le clip de la chanson “Old Money” publiée quelques semaines auparavant avec l’acteur Salman Khan.

L'étau se resserre autour de Salman Khan lorsque le 12 octobre 2024, Baba Siddique est assassiné à Mumbai. Celui-ci s’est fait tirer dessus dans la rue, alors qu’il sortait des bureaux de son fils29. Face à des menaces, l’ancien ministre était déjà sous protection Y+ (soit 11 personnes chargées de sa sécurité). Ami dévoué de l’acteur, il a surtout fait parler de lui en raison de ses grandes fêtes organisées lors de l’iftar pendant le mois du Ramadan, auxquelles de nombreuses stars étaient invitées. En 2013, c’est à l’une de ses fêtes que Salman Khan et Shahrukh Khan se seraient réconciliés, et ce après plusieurs années de brouille.

Encore une fois, c’est à travers les réseaux sociaux qu’un membre du gang Bishnoï aurait revendiqué l’acte, rappelant que tous ceux qui sont proches de Salman Khan pourrait en payer les conséquences. Cet acte de violence envers un politicien a bouleversé le pays, qui n’a pas connu de fait similaire depuis les années 1990.

Avec les implications récentes du gang au Canada, notamment autour de l’assassinat du séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar, une question se pose sur la capacité de Lawrence Bishnoi à agir illégalement (et en toute impunité) sans bouger de sa cellule. « Il dirige son gang sans problème depuis la prison, sans avoir besoin de tout coordonner », explique Gurmeet Chauhan, un haut responsable de la cellule anti-gang du Pendjab. « Contrairement à d’autres gangsters confinés dans une région, il voit les choses en grand. »

Pour Brigitte Gauvin, commissaire adjointe de la police canadienne, il est également évident que le gang bénéficie d’une aide gouvernementale, notamment dans le but de cibler les militants pro-Khalistan30.

Aux dernières nouvelles, Salman Khan aurait été la cible d’une nouvelle menace et demande d’extorsion31.



S’il souhaite être épargné et ne pas subir le même sort que Baba Sidique, il devra payer 5 crores de roupies, soit 45 millions d'euros. La sécurité de l’acteur est renforcée, que ce soit sur le tournage de la 18ème saison de l’émission Big Boss ou sur celui du film Sikander d’A. R. Murugadoss.

Ce que je trouve extrêmement déstabilisant dans cette histoire, ce sont les réactions sur les réseaux sociaux, visiblement prises d’assaut par les trolls du gang qui n'hésitent pas à poster des “RIP en avance” à Salman Khan, ou à applaudir les actions de Lawrence Bishnoi. Oui, l’acteur doit payer pour ses crimes passés et c’est un véritable casse-tête judiciaire. Peut-être que s’il n’avait pas eu le succès et l’argent, il aurait fini derrière les barreaux plus tôt, ou peut-être aurait-il rejoint une statistique déstabilisante rappelant que malgré la loi Vie Sauvage, peu de personnes ayant commis des crimes de braconnage ont été condamnées par le passé. Est-ce que Salman Khan (plus que les autres personnes accusées) n’était pas finalement la cible du tribunal de Jodhpur dans le but de faire de lui un exemple ? Depuis le début, l’acteur a toujours plaidé non coupable. Malgré les condamnations, ses demandes d’appels ont toujours été entendues et ont résulté en sa faveur. 26 ans après les faits, pourquoi changerait-il sa version de l’histoire ? Un procès final pourra-t-il véritablement laver son nom de cette histoire ? Je crois bien que c’est raté.

Le gang Bishnoï est derrière bien d’autres crimes que je n’ai pas abordé dans cet article pour ne pas dévier du lien étroit qu’il existe entre l’acteur et le malfrat. Ce qui me pose problème, c’est l’éloignement évident de Lawrence envers la communauté des Bishnoïs. Des protecteurs pacifiques qui sont désormais réduits à des gangsters en quête de vendetta. Je ne peux m’empêcher de penser que Salman Khan n’est qu’une excuse. Quoi de mieux que de cibler une superstar musulmane pour démarrer une nouvelle vague de haine anti-hindoue ? Pour surfer sur les médias qui s'empareront du sujet tout en validant chaque jour un peu plus le nom d’un gangster qui ne devrait pas avoir le moindre pouvoir derrière les barreaux et qui pourtant, depuis presque 10 ans, est à la tête des pires complots. Je ne serais pas étonnée si dans quelques années, Lawrence Bishnoi sort de prison tant la plupart des crimes revendiqués n’ont au final aucune preuve concrète contre lui, si ce n’est des propos balancés sur les réseaux sociaux.

Et si les procès de Salman Khan ont bien prouvé quelque chose, c’est que des années peuvent se passer avant qu’un verdict ne soit rendu. Des années durant lesquelles, quand on en a les moyens, on peut devenir une superstar du cinéma ou alors, un gangster à retombée internationale.
Sources :

1. Article de Peter Popham, Independent.co.uk.
2. Fondation GoodPlanet.
3. L'état contre Gordhan Singh le 25 juillet 2016.
4. Article 9 de la loi de 1972 sur la protection de la Vie Sauvage.
5. Article 51 de la loi de 1972 sur la protection de la Vie Sauvage.
6. Article, Hindustantimes.com.
7. Article, Rediff.com.
8. Article, Scroll.in.
9. Article, Lawinsider.in.
10. Article, Abplive.com.
11.Salman Khan contre l'État du Rajasthan le 21 mars 2022.
12. Article de Yashraj Sharma, Aljazeera.com.
13. Article, Indiatoday.in.
14. Article de Jatin Anand et Arnabjit Sur, Thehindu.com.
15. Article, Economictimes.indiatimes.com.
16. Article, Tribune.com.pk.
17. Article par Priyanka Chauhan, Indiaforums.com.
18. Article, Hindustantimes.com.
19. Article, Economictimes.indiatimes.com.
20. Article, Timesofindia.indiatimes.com.
21. Article par Tanseem Haider, Indiatoday.in.
22. Article par Arvind Ojha, Indiatoday.in.
23. Article, Thedailystar.net.
24. Article, Thedailystar.net.
26. Article, Economictimes.indiatimes.com.
27. Article de Dev Kotak, Divyesh Singh et Arvind Ojha, Indiatoday.in.
28. Article de Dev Kotak et Divyesh Singh, Indiatoday.in.
29. Article de Raj Shekhar, Timesofindia.indiatimes.com.
30. Article de Neyaz Farooquee, BBC.com.
31. Article de Hannah Ellis-Petersen, Theguardian.com.
` 32. Article de Mrityunjay Bose, Deccanherald.com.
mots par
Elodie Hamidovic
« A grandi avec le cinéma indien, mais ses parents viennent des pays de l'est. Cherchez l'erreur. »
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