Bolly&co Magazine

Vikrant Massey quitte Bollywood ? La rançon de la gloire...

4 décembre 2024
Vikrant Massey arrête Bollywood Cinéma Indien
Le 2 décembre dernier, l'acteur Vikrant Massey annonce sur ses réseaux sociaux qu'il se retire de l'industrie pour se « recalibrer en tant qu'époux, que père et surtout en tant qu'acteur ». Plusieurs lectures sont faites de cette décision surprenante : pression ingérable, statut immuable d'outsider, flirt un peu trop flagrant avec l'extrême droite ?

Bolly&Co va tenter de comprendre ce qui a bien pu arriver au petit prince de Bollywood…



Issu d'une famille de la classe moyenne, Vikrant a 20 ans lorsqu'il lance sa carrière à la télévision dans la série Dhoom Maachao Dhoom (2007). Par la suite, il se fait un nom dans le format sériel avec des succès comme Dharam Veer (2008), Balika Vadhu (2009-2010) ou encore Baba Aiso Varr Dhoondo (2010-2011). En 2013, il remplace au pied levé Rishabh Sinha dans la série Qubool Hai, qui contribue à sa popularité grandissante auprès de l'audience.

La même année, il fait ses débuts au cinéma dans le superbe Lootera, réalisé par Vikramaditya Motwane. Il y tient certes un rôle secondaire, mais qui lui permet quand même de faire parler de lui. Ainsi, on retrouve Vikrant au service de métrages grand public avec Dil Dhadakne Do (2015) et Half Girlfriend (2017). Mais c'est Konkona Sen Sharma qui lui fait confiance pour sa première réalisation en lui offrant le rôle principal du saisissant A Death in the Gunj (2017), qui fera de lui l'un des nouveaux espoirs du cinéma hindi. Sa prestation emplie de fragilité fait l'unanimité et lui vaut une nomination pour le prix de la critique aux Filmfare Awards. Une véritable prouesse pour ce jeune homme parti de rien…



Au même titre que Kalki Koechlin, Shahana Goswami ou encore Jim Sarbh, Vikrant Massey devient l'un des ports-étendards d'un cinéma plus intellectuel et engagé.

La sincérité de son jeu et sa faculté à toucher à tous les genres font des émules. Il revient alors à l'exercice sériel avec des projets exigeants destinés au streaming avec Mirzapur (2018), Criminal Justice (2019) ou encore Made in Heaven (2019-2023). Sur grand écran, il donne la réplique à Deepika Padukone dans le drame Chaapaak (2020), inspiré de faits réels. Il poursuit ses expérimentations avec l'excentrique Cargaison (2020), le sulfureux Dolly, Kitty et les étoiles (2020) et l'exubérant Haseen Dillruba (2021). Le plébiscite de sa série Broken but Beautiful (2018-2021) lui permet de se frotter plus fréquemment au genre romantique avec Ginny Weds Sunny (2020) et 14 Phere (2021).

Toutefois, c'est l'année 2023 qui marque un nouveau tournant dans sa carrière avec l'acclamé 12th Fail, que l'on doit à l'immense metteur en scène Vidhu Vinod Chopra. Dans ce récit initiatique bouleversant, Vikrant Massey crève l'écran et reçoit de nombreuses distinctions pour sa prestation impeccable, notamment le prix de la critique aux Filmfare Awards. On pense alors que plus rien ne peut arrêter le nouveau prince de Bollywood…

Pourtant, c'est vite la dégringolade.

En 2024, Vikrant est à l'affiche de 4 films : la comédie noire Blackout, l'énigmatique romance Phir Aayi Haseen Dillruba, le thriller psychologique Sector 36 et – hélas - The Sabarmati Report. Et c'est ce dernier qui a grandement entaché l'image, jusque-là irréprochable, du comédien. Ce drame politique, largement promu par le gouvernement de Narendra Modi, relate de façon très clivante le drame de Godhra survenu en 2002. Pour rappel, un train de voyageurs, principalement constitué de pèlerins hindous, a été victime d'un incendie qui fera 59 morts. Cet évènement tragique fera émerger de fortes tensions entre hindous et musulmans. Ces derniers seront d'ailleurs visés par de violentes émeutes peu de temps après. Pourtant, les multiples enquêtes menées à l'époque n'ont jamais confirmé que le feu dévastateur était de nature criminelle, et encore moins qu'il avait été provoqué par des membres de la communauté musulmane.

Évidemment, le parti d’extrême droite du BJP – auquel appartient Modi – nie ces allégations, qui n'entrent pas dans son agenda politique. Encore aujourd'hui, ce tragique incident est récupéré politiquement par le Premier Ministre pour servir un discours islamophobe de plus en plus décomplexé. Ainsi, le fait qu'un acteur aussi engagé que Vikrant soit associé à un film si controversé interroge. Pire : le comédien réaffirme lors de multiples interviews son dévouement pour le film et participera à une projection du métrage avec le parti du BJP, notamment en présence de Narendra Modi. Il affirmera d'ailleurs à ce sujet : « j'ai atteint le sommet de ma carrière en regardant mon film avec l'honorable Premier Ministre. »



En action promotionnelle, l'acteur s'enlise dans la propagande pro-hindoue avec la déclaration suivante : « Notre pays a obtenu une prétendue indépendance après de nombreuses invasions des moghols, des anglais… Mais qu'est devenue notre identité hindoue ? Elle n'a jamais été recouverte. Pour la première fois, les hindous se soulèvent pour réclamer leur identité et je ne vois pas en quoi c'est un problème. » Alors qu'il avait pu exprimer son désamour pour le parti de Modi il y a quelques années, Vikrant explique que son revirement d'opinion résulte d'un long cheminement et de rencontres transformatrices : « J'étais un vif critique du BJP. Mais en voyageant à travers le pays, j'ai réalisé que les choses n'allaient pas si mal que ça. » Il ajoute également que « les musulmans ne sont pas en danger dans le pays. »

Une partie du public de Vikrant a pu verbaliser sa déception face à la connivence de plus en plus criante de la star avec l'extrême droite, et ce alors qu'il a jusque-là porté des récits courageux sur l'homosexualité (Made in Heaven), les mariages inter-religieux (Love Hostel) et la misogynie (Lipstick under my Burkha).

C'est dans ce contexte que le 2 décembre dernier, Vikrant Massey annonce via un post Instagram se retirer de l'industrie après la sortie de ses deux prochains films : Zero Se Restart et Aankhon Ki Gustakhiyan. Cette publication, que beaucoup ont compris comme l'annonce de sa retraite, constitue en réalité une volonté pour le comédien de prendre de la distance. Vikrant parle effectivement d'un besoin de recalibrage, qui pourrait de fait augurer un retour, quand le climat lui sera sûrement plus favorable. Le lendemain de cette annonce, l'acteur rétropédale et évoque une « longue pause » pour se ressourcer auprès des siens.

Ainsi, plusieurs questions se posent.



Vikrant a-t-il souhaité s'éloigner de la lumière médiatique suite au backlash qu'il a reçu après la sortie de The Sabarmati Report ? Aurait-il subi des pressions de la part du gouvernement pour lui apporter son soutien public ? Ou alors, si sa proximité avec l'extrême droite est bien sincère, implique-t-elle de redéfinir les objectifs de carrière du comédien ?

Aussi, certaines théories affirment que cette annonce pourrait bien être un coup de pub afin de promouvoir son prochain film, le documentaire Zero Se Restart qui revient sur le tournage intense de 12th Fail, dont le titre implique la notion de renouveau. Enfin, d'autres fans pensent que Vikrant – en qualité d'outsider – préférerait prendre ses distances avec une industrie toujours plus régie par le népotisme, faisant écho au destin - infiniment plus tragique - de Sushant Singh Rajput, décédé en 2020.

mots par
Asmae Benmansour-Ammour
« Quand Nivin Pauly a dit mon prénom, je ne m'en souvenais même plus moi-même. »
lui écrire un petit mot ?